BOUYER Louis, Joseph, Yves, dit Loulou

Par André Caudron

Né le 22 juin 1918 à Villedieu-La-Blouère (Maine-et-Loire). Prêtre (1944), vicaire au Petit-Colombes, prêtre-ouvrier (1949), fraiseur, tailleur d’engrenages ; délégué du personnel, secrétaire syndical CGT de l’usine Hispano Suiza de Bois-Colombes (1952-1977), membre du bureau de l’Union des syndicats de travailleurs de l’Aéronautique (USTAS), secrétaire de l’Union fédérale des syndicats de retraités de la Métallurgie (1979-1995) ; membre du Parti communiste depuis 1968 et du bureau de l’USTM des Hauts-de-Seine en 1992.

Des sept enfants Bouyer, élevés dans un milieu « très chouan », quatre entrèrent au service de l’Église. Leur père était fabricant et négociant de mouchoirs brodés. Le sixième, Louis, fréquenta l’école publique du village puis, à l’âge de onze ans, le petit séminaire de Beaupréau (Maine-et-Loire). Devenu scout de France, il entra au grand séminaire d’Angers en 1936. Le service militaire à Paris deux ans plus tard, la mobilisation et la guerre interrompirent ses études. Blessé assez grièvement d’une balle au poumon, fait prisonnier, il fut rapatrié pour raison sanitaire en août 1940 et retrouva le séminaire d’Angers. Il choisit le noviciat des Fils de la Charité en octobre 1941 et acheva sa formation au grand séminaire d’Issy-les-Moulineaux.
Ordonné prêtre le 12 mars 1944 par le cardinal Suhard à Notre-Dame de Paris, il fut nommé vicaire au Sacré-Cœur du Petit-Colombes (Seine), où il avait animé des colonies de vacances depuis 1937. Dans cette paroisse confiée aux Fils de la Charité, les curés successifs, Georges Michonneau puis Louis Rétif, tinrent à garder Louis Bouyer dans leur équipe après que celui-ci, déçu par la congrégation, l’eut quittée dès 1945 pour être incardiné à Angers, son diocèse d’origine.
En 1949, une assemblée locale de prêtres et de laïcs décida d’envoya des vicaires, « délégués de la communauté paroissiale », pour « évangéliser l’ouvrier comme travailleur » : Louis Bouyer et son confrère Jean-Dominique Warnier, bientôt rejoints par Bernard Cagne, s’installèrent dans une baraque de Nanterre et cherchèrent de l’embauche en gardant au début, en tant que « vicaires-ouvriers », quelques activités paroissiales. Louis Bouyer entra chez Renault puis, trois mois plus tard, dans une petite entreprise. Après un stage de six mois en FPA, il inaugura comme OP, en 1951, à l’usine Hispano Suiza de construction automobile et aéronautique à Bois-Colombes (Seine), une carrière qui dura jusqu’à la retraite (1977). Fraiseur tailleur d’engrenages, il atteignit rapidement le niveau P3 HQ (hautement qualifié).
Le 28 mai 1952, Louis Bouyer et Bernard Cagne furent arrêtés et matraqués lors de leur participation à la manifestation du Mouvement de la Paix contre le général Matthew Ridgway à Paris. Ils déposèrent plainte pour coups et blessures. L’affaire souleva une vive polémique dans la presse. Connus alors de la France entière, tous deux avaient accès aux réunions de la Mission de Paris, dont ils ne faisaient pas partie, et de l’équipe nationale des prêtres-ouvriers. Ils avaient alors Louis Rétif comme curé.
Resté à l’usine le 1er mars 1954, malgré l’injonction du Vatican et l’opinion de son ami Roger Garaudy, Louis Bouyer entra dans le « groupe d’Issy » puis en 1957 dans le groupe élargi réunissant autour de Bernard Chauveau des « insoumis » qui s’efforçaient de maintenir un dialogue avec l’Église institutionnelle. Il se sépara de cette équipe au début des années 1970. Les évêques d’Angers, son diocèse d’origine, lui ont longtemps renouvelé le « celebret » qui lui aurait permis de dire la messe.
Adhérent à la CGT depuis 1952, aussitôt délégué du personnel et secrétaire syndical d’Hispano, il siégea au bureau de l’Aéronautique (USTAS) de la Seine. Nommé secrétaire, il déclina l’offre de devenir permanent. Après 1977, il poursuivit ses activités comme secrétaire national à la propagande de l’Union fédérale des retraités de la Métallurgie CGT. Membre du bureau de l’USTM des Hauts-de-Seine depuis 1992, il était entré au Parti communiste en 1968, peu avant les événements au cours desquels il fut le porte-parole du comité de grève d’Hispano.
Le 21 avril 1978 à Colombes (Hauts-de-Seine), il épousa sa compagne, Maria Lannby, traductrice interprète suédoise, connue sous le nom de Ciliakus. Invité aux rencontres nationales des prêtres-ouvriers à La Pommeraye (Maine-et-Loire) en 1991 et 1994, il s’y rendit pour témoigner de son passé.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article17710, notice BOUYER Louis, Joseph, Yves, dit Loulou par André Caudron, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 20 novembre 2016.

Par André Caudron

ŒUVRE : avec B. Cagne, Pour ceux qui ne pourront jamais parler et qu’on ne voudra pas croire, Colombes, poly., 30 mai 1952, 5 p. ; « Deux prêtres témoignent », Les Lettres françaises, 13-20 juin 1952. — Ruptures et découvertes, dactyl., sd (1966), 5 p. — Lettre à Mgr Veuillot, évêque d’Angers, dactyl., 1er juillet 1961, 6 p.

SOURCES : CAMT Roubaix, 1993002/0002 à 0006, 0008. — C. Suaud, N. Viet-Depaule, Prêtres et ouvriers, une double fidélité mise à l’épreuve 1944-1969, Paris, Karthala, 2004, p. 31, 287-291, 351-353, 412-417. — Les prêtres-ouvriers, Paris, Éd. de Minuit, 1954, p. 186-187. — P. Andreu, Grandeurs et erreurs des prêtres-ouvriers, Paris, Amiot-Dumont, 1955. — « Deux prêtres passés à tabac », La Vie intellectuelle, juillet 1952, p. 4. — La Documentation catholique, col. 1024, 1952. — A. Delestre, 35 ans de mission au Petit Colombes, 1939-1974, Paris, Cerf, 1977. — R. Wattebled, Stratégies catholiques en monde ouvrier dans la France d’après-guerre, Paris, Éd. ouvrières, 1990. — O. L. Cole-Arnal, Prêtres en bleu de chauffe, histoire des prêtres-ouvriers (1943-1954), Paris, Éd. ouvrières, 1992. — Lettre de R. Garaudy à L. Bouyer et B. Chauveau, 19 janvier 1955.

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