BAER Guillaume

Par Dominique Tantin

Né le 27 juin 1890 à Malsch (Allemagne), massacré le 27 mars 1944 à Brantôme (Dordogne) ; de nationalité allemande ; commerçant ; victime civile d’origine juive.

Les 26 et 27 mars 1944, 38 personnes dont 22 juifs furent exécutées sommairement sur le territoire de la commune de Brantôme (Dordogne) par des détachements de la 325e Division de Sécurité appelée aussi division Brehmer ou division B (Wehrmacht et Sipo-SD) en représailles à la mort de trois officiers allemands. Guillaume Baer fut l’une des 11 victimes du lundi 27 mars.
Guillaume Baer avait épousé Paulette Mayer née le 10 janvier 1899 à Nieder-Ingelheim et le couple eut deux enfants, nés à Karlsruhe : Ellen, née le 2 juillet 1922 et Gertrude, surnommée Trudy, née le 13 mars 1926. La famille, fuyant les persécutions, s’installa à Strasbourg (Bas-Rhin), dès 1933.
Il fut interné, le 3 septembre 1939, en tant qu’Allemand, au camp de Mirecourt (Vosges). Fin décembre 1939, il fut transféré au camp disciplinaire d’Egletons (Corrèze) d’où il a été libéré le 20 janvier 1940, pour raisons de santé, et dirigé, pour peu de temps, sur Saint-Crépin-de-Richemont (Dordogne). En effet, il fut à nouveau interné au camp de la Braconne, près d’Angoulême (Charente) puis libéré en juin 1940, après l’armistice. Il fut incorporé le 19 juin 1941 dans un Groupement de Travailleurs étrangers (GTE), le 647e ou le 652e.
Le 27 mars 1944, il fut arrêté puis transporté au lieu-dit Puyjoubert, commune de Brantôme avec Jules et Charles Bonem ainsi que Armand Ledermann. Les quatre hommes y furent exécutés par les Géorgiens du Georgisches Infanterie Bataillon 799 encadrés par la Sipo-SD.
Son nom, qui ne figurait sur aucun monument officiel a été apposé sur une stèle commémorative à l’initiative de la famille, et elle est placée entre le cimetière et la départementale n° 78. Elle porte aussi les noms de Charles Bonem, Jules Bonem, Armand Ledermann,

On relève donc parmi les victimes de Brantôme une forte proportion de Juifs. Selon l’historien allemand Ahlrich Meyer, "C’est au printemps 1944 (et plus particulièrement à Brantôme) que débuta une première phase de meurtres "sauvages" des juifs sur le territoire français : une constatation qui n’avait pas été mise en évidence jusqu’alors par la recherche historique." (Meyer, op.cit. p. 171). Ces assassinats s’accompagnèrent de rafles et de déportations des femmes et des enfants.
L’épouse de Guillaume Baer, Paulette, et sa fille Ellen furent arrêtées à Saint-Pancrace et transférées à Drancy où elles arrivèrent le 6 avril, puis déportées le 13 avril 1944 à Auschwitz-Birkenau par le convoi n° 71. Ellen fut séparée de sa mère en novembre 1944. Elle travailla dans une usine aéronautique de pièces détachées avant d’être évacuée vers les camps de Bergen-Belsen où elle fut libérée en 1945. Elle fut rapatriée par avion le 5 juin 1945 et dirigée vers l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon. Sa mère Paulette échappa à l’évacuation d’Auschwitz et fut libérée par l’Armée soviétique le 27 janvier 1945. Elle fut rapatriée par bateau d’Odessa à Marseille et elle était de retour à Saint-Pancrace le 14 mai 1945.
Une partie de la famille de Guillaume Baer échappa au massacre ou à la déportation. Sa belle-mère fut recueillie par une voisine institutrice. Sa fille Gertrude était hospitalisée sous la protection du professeur Fontaine à l’hôpital de Clairvivre où elle resta jusqu’au 28 août. Walter Hahn, cousin de Trudy, se cacha à l’école Saint-Jean de Périgueux au moment de l’arrestation de la famille Baer.


Récit et notes manuscrites de Mmes Ellen et Trudy Baer, rescapées d’Auschwitz-Birkenau (archives privées Reviriego Bernard) : « Déroulement des événements : un détachement de la division Brehmer arrête à leur domicile, place de la mairie à Saint-Pancrace, trois membres de la famille Baer. Baer Guillaume, son épouse Paula et leur fille Ellen ainsi que les deux frères Bonem, Charles et Jules, et Mademoiselle Dreyfuss Cécile. Cette dernière est invalide, elle sera libérée quelques jours plus tard à Périgueux. Ce pitoyable cortège est conduit sur la route départementale à l’intersection Saint-Pancrace-Brantôme. Assis et rassemblés sur le talus de la route pendant plusieurs heures et surveillés par des sentinelles. Pour donner la chance à chacun de s’échapper, les deux frères Bonem se sont partagé un petit sac de pièces d’or. La famille Baer a également partagé le peu de biens qu’elle possédait. Vers 10 heures, un camion ramène un autre prisonnier, méconnaissable, il s’agit de Marcus Dreyfuss, frère de Célestine. Il a été trouvé à son domicile, place de la mairie à Saint-Pancrace, caché sous un édredon dans son lit. Au moment de son arrestation, il a eu le temps de tirer sur deux Allemands. Les deux blessés ont été évacués sur des civières (témoignages des voisins). L’incendie des forêts faisait rage, tout était mis en œuvre pour faire sortir les maquisards de la forêt. Ces derniers ne voulant pas brûler vifs sortirent et furent abattus aussitôt. De tous côtés, les hommes tombaient. La chaleur, l’incendie et la mort, Dantesque. En début d’après-midi, un camion nous a embarqués et conduits dans une école de Brantôme. Vers 16 heures, les hommes ont été séparés des femmes et tous furent fusillés le 27 mars 1944 (voir pages 287-300-314). Marcus Dreyfuss a été découvert attaché à un arbre 15 jours après ce drame par un chien berger (il a sûrement été battu à mort ?). A Brantôme, nous sommes restés une ou deux nuits, rejoints par des femmes et enfants arrêtés dans le même secteur. Nous étions nourris et traités convenablement. Nous dormions sur les bancs d’école, rien n’était prévu pour nous accueillir. Nous avons rejoint par camion la caserne du 35e artillerie (manège). Traités comme des « bêtes », sans nourriture, sans boire, couchant sur la sciure, retirer de nos mains excréments, l’horreur (page 234). Nous arrivons à Drancy le 5 avril 1944 et quittons Drancy le 13 avril, convoi 71, destination Auschwitz. »

Voir Site de massacre : Brantôme (Dordogne), 26 et 27 mars 1944.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article177254, notice BAER Guillaume par Dominique Tantin, version mise en ligne le 10 décembre 2015, dernière modification le 13 décembre 2020.

Par Dominique Tantin

SOURCES : Guillaume Baer : Registre d’état civil de Brantôme. — Arch. Dép. Dordogne, 14 J 10. D’après le rapport n° 130-2 du 23 avril 1945 de l’adjudant Nanot, commandant la brigade de Brantôme, sur les crimes de guerre commis dans la circonscription et celui, rédigé en 1961, uniquement d’après mémoire, de René Giraud, alors gendarme à Brantôme ; 14 J 21 ; 42 W 79-2 ; 42 W 80 - dont photo ; 42 W 240 ; 42 W 409 ; 59 W 148. Correspondance Reviriego Bernard avec Mme Trudy Baer. Ellen Baer : Arch. Dép. Dordogne, 42 W 42-142 ; W 409. Paulette Baer : CDJC - carnet de fouilles de Drancy n° 172, Arch. Dép. Dordogne, 14 J 19. — Bernard Reviriego, Les juifs en Dordogne, 1939-1944, Périgueux, Archives départementales de la Dordogne, Éditions Fanlac, 2003, p. 233-234, 287-288. — Guy Penaud, Les crimes de la division Brehmer, la traque des résistants et des juifs en Dordogne, Corrèze, Haute-Vienne (mars-avril 1944), Périgueux, Éditions La Lauze, 2004, p.136. — Serge Klarsfeld, Mémorial de la déportation des Juifs de France, liste des Juifs fusillés ou exécutés sommairement en France, Paris, 1978. — Ahlrich Meyer, L’Occupation allemande en France, Éditions Privat, Toulouse, 2002.

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