VOGUET André, Paul, Abel

Par Jacques Girault, Claude Pennetier

Né le 31 mars 1913 à Chaumont (Haute-Marne), mort le 13 février 1986 à Paris (XIIIe arr.) ; instituteur ; militant syndicaliste ; militant communiste, membre du comité central (1950-1964) ; conseiller municipal de Paris (XIIIe. arr., 1947-1983).

Son père, dernier né de cinq enfants, obtint le certificat d’études primaires et devint ouvrier plombier couvreur. Amputé d’une jambe à la suite d’une blessure lors de la Grande Guerre, il occupa un emploi réservé de concierge au lycée Victor Hugo dans le IVe. arrondissement, puis, au début des années 1930, au lycée Montaigne à Paris, fonction où il recevait l’aide de son épouse, Maria née Roussel, ancienne fille de salle à l’hôpital de Chaumont. Tous les deux adhérèrent au Parti communiste français après 1945.

André Voguet reçut le baptême alors que ses parents étaient anticléricaux. Élevé dans le quartier du Marais, il fit ses études dans l’école primaire supérieure de la rue de Turbigo (futur lycée Turgot) et au collège Chaptal. Il obtint le baccalauréat “série Philosophie“ en 1932, complété par un baccalauréat de Droit en 1935 et deux certificats d’enseignement supérieur.

André Voguet devint en 1933 instituteur suppléant dans plusieurs écoles de la banlieue de Paris (Puteaux, La Folie à Nanterre, Vanves). Il prit part aux manifestations antifascistes à partir de 1934. Apprenti dans une loge de la Grande Loge de France en 1935, il démissionna de la Franc-maçonnerie deux ans plus tard.

Après son service militaire dans l’armée de l’air à Metz (Moselle) et au camp d’Avord (octobre 1936-octobre 1937), terminé avec le grade de sous-lieutenant, il fut titularisé comme instituteur à l’école de la rue Vulpian (XIIIe. arr.). Adhérent au Syndicat national des instituteurs depuis 1935, il fut élu en 1938 au bureau de la sous-section syndicale de l’arrondissement. Membre du groupe de jeunes de la section syndicale de la Seine, il participa à la rédaction de son bulletin L’École du Grand Paris. Il était aussi le secrétaire et l’animateur du patronage laïque de la rue Croulebarbe (Paris, XIIIe. arr.) créé en 1937. Partisan de la grève du 30 novembre 1938, isolé parmi les militants de sa sous-section syndicale qui étaient opposés au mouvement et hostiles à l’orientation de la CGT, comme ses collègues syndicalistes, il ne fit pas grève. Après s’être prononcé contre la non-intervention dans la guerre d’Espagne, partisan de la défense nationale, il ne participa pas aux actions pacifistes proposées par la direction du SNI en 1938. Il assista comme auditeur au congrès national du SNI à Montrouge en juillet 1939 dont il garda « un très mauvais souvenir » en raison de l’anticommunisme dominant.

Il se maria uniquement civilement en décembre 1938 à la mairie du XIIe. arrondissement avec Lucie Jouanneau (voir Lucette Voguet*), institutrice, future communiste, fille d’un cheminot sympathisant communiste. Le couple, qui fréquenta les auberges de jeunesse, eut trois garçons.

Marqué par la personnalité de René Le Gall, il adhéra au Parti communiste en octobre 1937 et occupa la fonction de secrétaire de la cellule Croulebarbe dans le XIIIe. arrondissement. Aux côtés de Georges Cogniot, il prit part aux activités de la section française de l’Internationale des travailleurs de l’enseignement et fut le trésorier de son bulletin français en 1939.

Mobilisé le 1er septembre 1939 à Pau (Pyrénées-Atlantiques), puis à Châteauroux (Indre), démobilisé en août 1940, André Voguet reprit son service à la rentrée scolaire en octobre 1940. Dans le même temps, avec quelques camarades de l’arrondissement, il militait clandestinement, personnellement responsable de la propagande. En contact avec des instituteurs communistes, il participa, au début de 1941, à la rédaction d’un appel du Parti communiste destiné aux instituteurs et à des actions clandestines Avec le pseudonyme “Jules“, il devint le responsable de la diffusion de matériel pour les enseignants à partir d’octobre 1941, puis de la diffusion en direction des intellectuels jusqu’en mars 1942. Il fut alors chargé de la liaison entre la direction du Front national et les organisations de tous les degrés d’enseignement.

A la suite de nombreuses arrestations, il quitta sa classe et son domicile en mars 1943 et entra dans la clandestinité. Cofondateur de L’École laïque, de L’Université libre, publications du Front national pour la libération de la France, il collabora avec les organisations d’intellectuels qui créèrent le Front national universitaire et le Comité national des écrivains.

André Voguet participa à la reconstitution dans la clandestinité du syndicat des instituteurs tout en étant l’adjoint (pseudonyme “Lefranc“) de Pierre Villon pour les questions de l’enseignement. Il devint alors le responsable des intellectuels dans la zone Nord. La réunion du bureau politique du Parti communiste français, le 5 octobre 1944, le désigna comme secrétaire général du bureau provisoire des membres communistes de l’enseignement des cinq régions parisiennes. Puis il devint le responsable permanent de la commission des intellectuels auprès du comité central et conserva cette responsabilité jusqu’en 1953. Il se trouva au cœur de toutes les initiatives du PCF en direction des enseignants et des intellectuels. Il fut chargé de l’administration de l’ "Encyclopédie de la Renaissance française", projet qui échoua. Quand se créa la société éditrice de L’École laïque, le 22 mai 1945, il en possédait cinq actions.

André Voguet ne reprit pas un poste d’enseignant à la Libération. Resté adhérent du SNI, il fut membre du conseil syndical de la section départementale en 1945. A la même époque, il fut membre du conseil d’administration de la Caisse des écoles du XIIIe. arrondissement.

André Voguet, proposé par le Front national universitaire, fut nommé dans la Commission ministérielle d’études pour la réforme de l’enseignement créée le 8 novembre 1944, dite commission Langevin-Wallon. Il suivait par ailleurs les cours au Collège de France de ce dernier. Dans les débats des quelques séances auxquelles il participa, il se prononça pour le maintien de l’examen d’entrée en 6eme et pour l’obligation pour les futurs instituteurs d’avoir obtenu des diplômes d’enseignement supérieur. Il fut un des inspirateurs du projet de loi sur l’enseignement déposé par les députés communistes à l’Assemblée nationale, le 11 août 1947 qui reprenait les principales idées du plan.

Dans le même temps, il fut désigné comme membre du Conseil supérieur d’enquête du Ministère de l’Éducation nationale et secrétaire de la sous-commission de révision en 1945.

André Voguet joua un grand rôle dans la décision du PCF de créer en 1951 la revue L’École et la Nation dont il proposa le titre et fit partie du premier comité de rédaction. Il en demeura membre jusqu’en juin 1956.

André Voguet et sa famille habitaient dans le XIIIe. arrondissement. Il était secrétaire de la cellule communiste de la rue Jeanne d’Arc, puis membre du comité et du bureau de la section communiste de la Gare-Salpétrière. André Marty le désigna comme rédacteur en chef de l’hebdomadaire La Vie du XIIIeme.

André Voguet, depuis 1947, était membre du comité puis du bureau de la fédération communiste de la Seine et parfois du secrétariat fédéral en 1953, chargé du travail municipal et parmi les commerçants. Lors de la décentralisation de la fédération de la Seine en 1953, il fut à nouveau membre du secrétariat de la fédération communiste de Paris jusqu’à la fin de 1955. Membre de la commission fédérale de travail idéologique, il fut par la suite membre du comité de la fédération communiste de Paris.

Il fit partie de la commission politique lors de la réunion du congrès du PCF de Gennevilliers qui le désigna comme membre suppléant du comité central en avril 1950. Il fut notamment chargé de la coordination entre les sections communistes du XIIIe. arrondissement. Désigné comme membre titulaire en 1956, il fut régulièrement reconduit au comité central jusqu’en 1964. Pendant cette période, il suivit notamment les fédérations de la Drôme puis des Vosges et fut délégué à des congrès des partis communistes étrangers (République démocratique allemand en 1954, Israël en 1957, Danemark plus tard). La commission des intellectuels du comité central dissoute fut remplacée par une section idéologique en 1953. Il en fit partie pendant peu de temps. N’étant plus membre du comité central, il intégra à nouveau la commission des intellectuels de 1966 à 1971. Il prit une part active à la préparation du rassemblement des intellectuels pour la paix au Vietnam.

André Voguet joua un rôle dans les accusations contre les communistes écartés dans les années 1950 ou émit des analyses innovantes. Lors de la réunion du comité central des 3 et 4 septembre 1952, il critiqua André Marty : "[Il] a tenu devant moi à l’égard, entre autres, du camarade Aragon et du camarade Jean-Richard Bloch des paroles qu’on peut vraiment infâmer (sic)". Lors de la réunion des 16-17 juin 1953, il évoqua, en analysant des résultats des élections municipales, des perspectives de front unique avec les socialistes apparues lors de l’élection des maires. Plus tard, le 22 octobre 1953, il critiqua l’action des instructeurs politiques défendus par Auguste Lecœur. A celle des 4-6 mars 1954, il affirma que ce dernier avait tout fait pour opposer Picasso et Fougeron. Lors de la mise en accusation de Pierre Hervé, il publia un article dans l’hebdomadaire France nouvelle particulièrement virulent, texte qui fut critiqué par Jean-Paul Sartre dans Les Temps modernes. Lors de la mise en place d’un appareil clandestin du PCF en mai 1958, il devait être chargé d’assurer la parution illégale de l’Humanité et de diriger de la fédération communiste illégale de Seine-Sud.

André Voguet fut élu conseiller municipal de Paris en 1947, en 1953, en 1959, il conduisait la liste communiste dans le 7eme secteur (XIIIe.-XIVe. arrondissements). Il en fut de même en 1971, année où il devint membre du bureau du groupe communiste, et en 1977. Son mandat prit fin en 1983 mais il continua à aider le groupe municipal communiste. Il fut aussi jusqu’en 1966 membre du Conseil général de la Seine.

Aux élections sénatoriales de 1948, il était en 16e positon de la liste communiste de la Seine et en 1952, en 15e position. Pour les élections législatives du 2 anvier 1956, il figurait en cinquième position sur la liste communiste dans le premier secteur de la Seine. Cette liste eut trois élus. Il fut le suppléant du candidat communiste aux élections législatives de 1968 dans le XIVe. arrondissement puis en 1973, le suppléant dans le XIIIe. arrondissement.

Désigné en 1956 comme directeur du Centre de diffusion du livre et de la presse, il resta à sa tête jusqu’en 1966. Il s’intéressa beaucoup aux « Amis du livre progressiste ».

Veuf en 1960, André Voguet se remaria en juin 1961 à la mairie du XIIIe. arrondissement. Ils divorcèrent et se remarièrent en juin 1980 à Drancy (Seine-Saint-Denis).

En décembre 1997, le nom d’André Voguet fut donné à une artère du XIIIe. arrondissement de Paris qui se prolongeait sur le territoire d’Ivry. Le 15 décembre 1997, l’Humanité rendit compte de la cérémonie d’inauguration.

Il était le père de Jean-François Voguet, né en 1949, maire de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne) depuis 2001.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article177385, notice VOGUET André, Paul, Abel par Jacques Girault, Claude Pennetier, version mise en ligne le 17 décembre 2015, dernière modification le 27 janvier 2021.

Par Jacques Girault, Claude Pennetier

SOURCES : Renseignements fournis par l’intéressé à J. Girault en 1977. — Interview par Claude Willard en 1984, 48 p. dactylographiées, éditée sous forme d’ouvrage : André Voguet, Parcours d’un militant communiste (1937-1986), Conversation avec l’historien Claude Willard, édité à compte d’auteur, 2020. — APPO, 77 W 947. — RGASPI, Moscou, 495 270 274 . — Archives du comité national du PCF. — Presse nationale. — Renseignements fournis par les fils de l’intéressé. — Sorel (Etya), Une ambition pour l’école. Le plan Langevin-Wallon, Paris, Éditions sociales, 1997. — Philippe Nivet, Dictionnaire des conseillers municipaux de Paris (1944-1977). Notices biographiques, Université de Paris 1, 1992. — Annie Kriegel, Ce que j’ai cru comprendre, Paris, Robert Laffont, 1991.¬— Note de Maurice Perche.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable