GRUIA Chari alias CSORDAS Charlotte (Sarolta) [née KLEIN] dite Erna

Par Daniel Grason, Gérard Larue

Née le 12 mars 1914 à Oradea en Transylvanie (Roumanie) ; couturière à domicile ; militante communiste ; membre de l’Organisation spéciale ; adjointe du responsable du service technique des FTP-MOI.

Chari Guia mena son action militante sous sa fausse identité de Csordas. Pour les militants comme pour la police française, elle était la fille d’Ignatz et de Fanny, née Schwartz, se nommait Sarolta Klein qui épousa Jean Csordas dans sa ville natale en 1920. Située à une dizaine de kilomètres de la frontière hongroise, Oradea comptait 17% de sa population de confession juive avant la guerre. Membre du Parti communiste de Roumanie, condamnée à dix ans de prison en raison de son activité politique, elle quitta sa patrie avec son mari en 1937, tous deux vinrent en France. Jean Csordas mourut le 28 février 1939.
Elle déposa une demande de carte d’identité en tant qu’étrangère le 24 novembre 1941 à la préfecture de police de Paris. Elle utilisa le prénom de Charlotte à celui de Sarolta d’origine hongroise. Elle militait au sein du Parti communiste clandestin, habita 83 rue du Faubourg-Saint-Denis à Paris (Xe arr.), elle loua une chambre sous le nom de Duval au 41 rue Pelleport à Paris (XXe arr.).
Le 15 décembre 1942, Charlotte Csordas était en compagnie de Jeanne et Maurice Alexandre, résistants FTP. Tous les trois avaient rendez-vous avec le successeur de Roger Pinçon, Raymond Lambert, chargé de la répartition du matériel pour l’inter région parisienne FTP. Quatre inspecteurs de la BS2 étaient sur le lieu du rendez-vous rue Léon-Renault aux Lilas (Seine, Seine-Saint-Denis).
Interrogée dans les locaux des Brigades spéciales à la préfecture de police, elle déclara que Marguerite Kuffler l’hébergeait chez elle 83 rue du Faubourg-Saint-Denis (Xe arr.). Les policiers allèrent à l’adresse indiquée, auditionnée Marguerite Kuffler indiqua qu’elle connaissait Charlotte Csordas en tant que voisine, elle était en règle, Juive, sa carte d’identité était valable jusqu’au 22 janvier 1943.
Les inspecteurs questionnèrent à nouveau Charlotte Csordas, elle se justifia sur la fausse piste : « C’est pour dissimuler l’adresse de mon domicile que j’ai donné cette adresse. Madame Kuffler n’était pas au courant de mon activité, elle ne connaissait pas mes relations ». Elle donna sa véritable adresse 41 rue Pelleport où elle logeait dans une chambre, les policiers saisissaient : une carte d’identité et un livret de famille au nom de Duval, une matraque plombée dans une boîte à outils et un pistolet calibré 6,35 mm et son chargeur dissimulé sous le matelas du lit.
Sommée de s’expliquer, elle affirma ignorer la présence de la matraque et du pistolet dans sa chambre. Frappée elle livra le nom de celui qui lui avait remis les faux-papiers, François Torok, ouvrier ébéniste à Aubervilliers (Seine, Seine-Saint-Denis). Elle reconnut qu’elle militait au sein du parti communiste sous le nom d’Erna.
La GPF Geheime Feldpolizei, police secrète de campagne dans une note du 29 décembre 1942 informa la BS2 que Sarolta Klein était l’amie de François Torok dit Juraz Kiss, né le 30 juin 1899 à Budapest (Hongrie), de plus elle avait été vue en compagnie d’Anton Popa, Juvko Rohac de sa véritable identité, résistant FTP-MOI. Lors d’un interrogatoire par la GPF il avait donné le signalement de Charlotte Scordas : « Hongroise âgée de 25 à 30 ans, d’une taille de 1,60 mètres, brune », ainsi que son adresse 83 rue du Faubourg Saint-Denis ».
François Torok habitait à la même adresse que Charlotte Scordas, au premier étage, les chambres étaient contigües. Lors de la perquisition les policiers saisirent : une matraque, quatre tubes en métal, un paquet de coton poudre, des fils électrique, un brassard de la SNCF, trois clefs, deux étuis à acide, et un ovule en gélatine pouvant servir à la confection d’engins incendiaires.
Marguerite Kuffler n’appartenait à aucun mouvement politique, elle habitait en France depuis 1937, sa carte d’identité était valable jusqu’au 22 janvier 1943. Mais elle était juive, elle fut internée au camp de Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis). Née en Hongrie, âgée de 50 ans, le 7 octobre 1943, elle était dans le convoi n° 60 de mille déportés à destination d’Auschwitz (Pologne), dès l’arrivée 491 déportés étaient gazés, 509 subirent le même sort après la sélection. Quand l’armée Soviétique libéra le camp de 27 avril 1945, 31 déportés de ce convoi dont 2 femmes avaient survécus.
Après son incarcération Charlotte Csordas prenait le 26 juillet 1943 le chemin de la déportation au départ de la gare de l’Est à destination de Ravensbrück (Allemagne). Un convoi de 58 femmes étaient dans des wagons aux fenêtres grillagées, toutes condamnées à la déportation pour leurs actions dans la résistance gaulliste ou communiste.
Elles arrivèrent à Sarrebruck le lendemain, elles partirent le 30 juillet pour Ravensbrück, arrivèrent le 1er août. Les détenues furent soumises à un régime qui s’apparenta à celui des Nuit et Brouillard « NN », destinées à disparaître. Elles n’étaient soumises à aucun travail en Kommando extérieur, un régime d’isolement total, pas de colis, pas de courrier. Les déportées furent transférées au camp de Mauthausen (Autriche), le 22 avril 1945 la Croix-Rouge prenait en charge 43 déportées dont Charlotte Scordas, matricule 21660.
Rentrée en France, elle regagna la Roumanie. Boris Holban ancien chef militaire des FTP-MOI dans son ouvrage Testament, leva un coin du voile sur le rôle de Charlotte. En réalité Charlotte Scordas s’appelait Chari Gruia, Juive, elle était bien née en Transylvanie et fut l’adjointe de Mihaly Grünsperger alias Mihai Patriciu, responsable technique des FTP-MOI parisiens de juin 1942 à mai 1944.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article177565, notice GRUIA Chari alias CSORDAS Charlotte (Sarolta) [née KLEIN] dite Erna par Daniel Grason, Gérard Larue, version mise en ligne le 28 décembre 2015, dernière modification le 28 juillet 2021.

Par Daniel Grason, Gérard Larue

SOURCES : Arch. PPo. 77W 486 (dossier Henri Fongarnand), 77W 539, GB 114 bis BS2 22 bis, KB 24. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989, p. 122, 148 et 286.

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