MADERN Dominique, Joseph, François

Par André Balent

Né le 27 avril 1892 à Reynès (Pyrénées-Orientales) ; mort exécuté par les Allemands à Reynès le 19 août 1944 (victime civile) ; militaire de carrière

Le Pont de Reynès (commune de Reynès, Pyrénées-Orientales), ancien pont ferroviaire, plaque commémorative, mort de François Madern, 19 août 1944
Le Pont de Reynès (commune de Reynès, Pyrénées-Orientales), ancien pont ferroviaire, plaque commémorative, mort de François Madern, 19 août 1944
Cliché André Balent, 14 juin 2016

Fils de François Madern cultivateur de quarante-neuf et d’Isabelle Payré, quarante ans, Dominique, Joseph, François Madern naquit à Reynès, une commune du Vallespir proche de Céret le centre urbain et administratif de cette petite région qui se confond en partie avec le deuxième arrondissement des Pyrénées-Orientales dont il est le chef-lieu. Si « François » semble avoir son prénom le plus utilisé (par exemple la plaque commémorative du Pont de Reynès), il apparait souvent, dans des documents écrits officiels ou non avec son premier prénom, « Dominique ». Il fut ainsi déclaré à l’état civil (en marge) : « Dominique Madern-Payré », associant selon la coutume catalane, les patronymes masculin et féminin. Il avait un degré d’instruction 3, c’est à dire qu’il avait bénéficié d’« une instruction primaire plus développée ».

Le 25 juillet 1910, François Madern signa en mairie de Perpignan (Pyrénées-Orientales) un engagement de quatre ans au 38e régiment d’artillerie de campagne (RAC). Canonnier de de 2e classe le 28 juillet 1910, il fut promu brigadier le 11 février 1911 puis maréchal des logis le 25 septembre 1911. Il participa à la campagne du Maroc entre le 1er septembre 1912 et le 29 novembre 1913. Il prit part aux combats de Biar Mézorée le 13 mars 1913 puis de Kasbah Tadla le 7 avril 1913. Le 29 juin 1913, il fut cité à l’ordre du régiment pour une action courageuse. En Algérie du 30 novembre 1913 au 19 décembre 1913, il fut rapatrié en métropole suivant les mouvements successifs de son régiment jusqu’au 22 mai 1919. Entre temps, le 21 juillet 1914, il avait signé un nouvel engagement de deux ans. De retour en France, le 38e RI était cantonné à Nîmes (Gard) qu’il quitta les 9 et 10 août 1914 pour le front en Lorraine. Il participa ensuite à la bataille de la Marne puis, à la fin mai de 1915 il fut dirigé dans le secteur de Verdun et intégra la 116e division d’infanterie (DI). Il resta cantonné dans l’Argonne jusqu‘en août 1915. À partir d’août 1915, il participa à l’offensive en Champagne, puis retourna dans le secteur de Verdun en mai 1916 alors que la grande bataille faisait rage depuis février. Le régiment demeura dans ce secteur jusqu’en septembre 1917. Le 16 juin 1916, Madern fut cité à l’ordre de la division : « Chef de section. A assuré pendant trois jours et trois nuits le tir de ses pièces d’artillerie sous un violent bombardement ennemi, se refusant à tout repos et confirmé de belles qualités d’énergie et de courage (…) ». Le 12 février 1917, Madern intégra l’école militaire de Fontainebleau (Seine-et-Marne) et en sortit le 1er mai sous-lieutenant à titre temporaire. Le 22 septembre 1917, il fut cité à l’ordre de la 126e DI : « jeune officier toujours sur la brèche pendant la préparation de l’attaque du 20 août1917 (…) ». En octobre 1917, le régiment fut muté en Lorraine. Il participa ensuite aux offensives de l’Oise (juin 1918) puis de la Somme (à partir d’août 1918). Le 23 novembre 1918, Madern fut cité à l’ordre du régiment : « officier d’une ténacité et d’une énergie indomptables (…) ».

Madern fut promu lieutenant à titre temporaire le 1er mai 1919. Il fut muté au 44e RAC à partir du 22 mai 1919 puis au 31e RAC, le 1er janvier 1920, le 231e RAC le 1er octobre 1920 et le 41e RAC le 10 avril 1923. Il participa à l’occupation des territoires rhénans de l’Allemagne (rive gauche du Rhin) du 22 juin 1922 au 16 janvier 1923, à l’occupation de la Ruhr (rive droite du Rhin) du 17 janvier 1923 au 7 janvier 1924, puis à nouveau des territoires de la rive gauche du Rhin jusqu’au 25 juillet 1925. Admis à faire valoir ses droits à une pension à compte du 25 juillet 1925, il se retira à Reynès son village natal dans lequel il passa une paisible retraite. Il fut promu au grade de capitaine de réserve le 1er avril 1933.

Le 19 août 1944, les forces allemandes se repliaient vers la vallée du Rhône en application des ordres du général Johannes Blaskowitz chef du groupe d’armées G (Toulouse). En Vallespir (moyenne et haute vallée du Tech), zone frontalière de montagne, les Allemands présents appartenaient à la Sipo-Sd et, surtout à la Douane allemande (Zollgrenzschutz et le Verstärker Grenzaufsichtsdienst, gardes-frontière militarisés dépendant de la Douane). Leur consigne était de gagner au plus vite Perpignan afin d’organiser une colonne devant refluer vers la vallée du Rhône.
Le maquis 44 formation vallespirienne rassemblant à la fois des hommes de l’AS et des FTPF, cas semble-il unique en France, était cantonné sur les territoires des communes de Prunet-et-Bellpuig et de Saint-Marsal. Il avait été rejoint, après les combats de Valmanya des 4 et 3 août 1944 (Voir : Lieu d’exécution de La Bastide (Pyrénées-Orientales) ; Lieu d’exécution de Valmanya (Pyrénées-Orientales) par des éléments du maquis de l’ AGE (Agrupación de guerilleros españoles) qui y avaient participé aux côtés du maquis FTPF ’‘Henri-Barbusse" ». Près du Pont de Reynès, hameau de la commune de Reynès riverain de la RN 115 le principal axe routier du Vallespir, les maquisards tendirent une embuscade aux Allemands. Postés au-dessus de l’ancienne voie du chemin de fer, ils avaient installé une mitrailleuse couvrant la RN 115. Dans cet affrontement le guerrillero Rafael Gandia se distingua particulièrement. Pendant l’affrontement, les Allemands perdirent plusieurs véhicules. Ils eurent des blessés alors que les maquisards ne subirent aucune perte. Face au feu nourri des maquisards, les Allemands renoncèrent à poursuivre leur route. Ils rebroussèrent chemin et franchirent la frontière franco-espagnole entre Coustouges, dans le Haut Vallespir, et Maçanet de Cabrenys. Les blessés, au nombre de trois furent soignés à Figueres. Un fugitif de Palalda qui les avait bien connus, Alphonse Mias, rencontra l’un d’eux, Walter Neumann, de Berlin, qui lui expliqua, à Figueres le 13 septembre 1944, que Ludwig Buttner gravement blessé mourut en arrivant à Saint-Laurent-de-Cerdans. Mme Riondet, l’épouse d’un milicien d’Amélie-les-Bains qui se trouvait avec eux fut également blessée. Dans cet engagement, les Allemands et les collaborationnistes qui les accompagnaient eurent donc un mort (Buttner) et plusieurs blessés (dont Neumann et Mme Riondet). Sur le franchissement de la frontière-franco-espagnole à Coustouges Voir Giraud Jean.

Juste après cet affrontement, la seule victime, en dehors des Allemands, fut donc François Madern. De retour de sa propriété agricole, il se trouva face aux Allemands qui tiraient sur les maquisards. Il fut tué par un motocycliste qui précédait les camions et les automobiles allemandes. Il aurait été achevé d’un coup de crosse sur la tête. De son côté, Le Républicain (Perpignan) indique que son corps fut criblé par des balles de mitraillette et qu’une grenade lui mutila la tête. Certains témoignages affirment qu’il se serait déplacé afin de se rendre compte de ce qu’il se passait. Madern fut, bien malgré lui, une victime civile de l’affrontement que le motocycliste allemand a pu confondre, il est vrai, avec un maquisard. Le Républicain explique que, avant l’arrivée des Allemands, Madern aurait prodigué conseils et encouragements aux maquisards postés en embuscade. Un maquisard cérétan, Jean Minobis, fut blessé au pied.

Les obsèques de François Madern eurent lieu au Vilar (Reynès), le 21 août 1944, en présence, selon Le Républicain, de plusieurs centaines de personnes. L’éloge funèbre fut prononcé par le maire de Reynès et le président de la Société de secours mutuels de la commune.

Le nom de Madern (Madern Dominique) figure sur le monument aux morts de Reynés. Une plaque commémorative a été posée au Pont de Reynés (commune de Reynès), à proximité du lieu où il fut abattu, sur l’ancien pont ferroviaire et routier (aujourd’hui réservé aux cyclistes et piétons). Elle porte l’inscription suivante : « Ici tomba le 19 août 1944 le capitaine de réserve Madern François (de Reynès) au cours d’un combat que le maquis 44 livra aux Allemands pour la libération de la France ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article178080, notice MADERN Dominique, Joseph, François par André Balent, version mise en ligne le 20 janvier 2016, dernière modification le 20 juin 2022.

Par André Balent

Le Pont de Reynès (commune de Reynès, Pyrénées-Orientales), ancien pont ferroviaire, plaque commémorative, mort de François Madern, 19 août 1944
Le Pont de Reynès (commune de Reynès, Pyrénées-Orientales), ancien pont ferroviaire, plaque commémorative, mort de François Madern, 19 août 1944
Cliché André Balent, 14 juin 2016

SOURCES : Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 1 R 522, f°1202, registre matricule 1912 livre 3. — Arch. com. Reynès, état civil, acte de naissance de Dominique Madern. — André Balent, « Alfons Mias (1903-1950). El fundador de Nostra Terra durant la Segona Guerra Mundial » in Óscar Jané & Xavier Serra, Ultralocalisme. D’allò local a l’universal, Catarroja, Editorial Afers, 2013, 174 p. [pp. 154-155]. — Ramon Gual & Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane , II b, De la résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, p. 585, p. 922. — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Prades, Terra Nostra, 1994, p. 355. — Georges Sentis, Dictionnaire biographique des résistants et des civils des Pyrénées-Orientales tués par les Allemands et les collaborateurs, Perpignan, Éditions M/ R, 2012, 28 p. [p. 27]. — Cristià Xanxo, La libération de Catalunya Nord ou le retrait allemand. Samedi 19 et dimanche 20 août 1944, Prades, Terra Nostra, 2015, 151 p ; [pp. 110-111]. — Historique du 38e régiment d’artillerie [campagne 1914-1918], Paris, Librairie Chapelot, s.d., 40 p. — Le Républicain, Perpignan, 27-28 août 1944, rubrique locale de Reynès article anonyme : « Une victime des dernières heures de la lutte pour la Libération de notre contrée ».

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