REYBAUD Irma [Née Irmgard Herta Camille DRUCK]

Par Michèle Bitton, Jean-Marie Guillon

Née le 20 juin 1908 à Metz (alors allemande) (Moselle) ; résistante ; arrêtée à La Motte-d’Aigues (Vaucluse) et exécutée le 21 juin 1944 près d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) ; sans profession ; Réseau Carte, puis Organisation de résistance de l’Armée (ORA)..

Irma Reybaud
Irma Reybaud
SOURCE : monument commémoratif, route de Rognes, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône)

Née à Metz alors allemande, fille d’Antoine Druck et de Jeanne Eichemauer, mariée le 26 octobre 1933 à Ban-Saint-Martin (Moselle) avec Sosthène Reybaud, né le 25 juillet 1907 à Villelaure (Vaucluse), mère de deux filles, sans profession, Irma Reybaud résidait à La Motte d’Aigues, village du Sud-Lubéron où la famille était venue s’installer en octobre 1936 afin de se trouver auprès des parents de son époux. Architecte comme son père, celui-ci travaillait dans le cabinet Amédée et Sosthène Reybaud installé dans leur habitation, la Villa Louise. Irma et Sosthène Reybaud, qui était capitaine de réserve, s’engagèrent très tôt dans la Résistance, d’abord par l’intermédiaire de l’architecte François Spoerry, installé à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), membre du réseau Carte-Radio-Patrie, dont l’une des activités, avant même l’occupation de la zone Sud, fut la recherche de terrains de parachutages. Ayant perdu le contact avec le réseau après l’arrestation de Spoerry par la police allemande en avril 1943, le couple intégra l’ORA, dont le chef régional, le capitaine Jacques Lécuyer Sapin, officier instructeur à l’École de Saint-Cyr, repliée à Aix, était lui-même un ancien du réseau Carte. Irma Reybaud assistait son mari devenu responsable militaire du Lubéron-Est. L’organisation d’équipes de parachutage continua en collaboration avec l’industriel pertuisien Maurice Cousin alias Bibendum, responsable ORA du secteur. La première opération eut lieu dans la nuit du 14 au 15 septembre 1943 aux environs de La Motte-d’Aigues. À la suite de la capitulation de l’Italie le 8 septembre, les Allemands avaient pris le contrôle de leur zone d’occupation. À peine installés, ils effectuèrent une rafle massive dans le Vaucluse, les 15 et le 16 septembre. Sosthène Reybaud y échappa et entra dans la clandestinité, tout en restant dans la région, mais son père fut arrêté un moment à sa place. Irma Reybaud et leur fille Anne-Marie continuèrent à œuvrer pour l’ORA. À partir de janvier 1944, la maison Reybaud abrita le radio de l’ORA, Michel Uriarte Octave, parachuté peu avant, que leur avait adressé Maurice Cousin et qui émit dans le secteur. Le deuxième parachutage d’armes eut lieu en février. Les époux Reybaud furent parmi les organisateurs du parachutage qui eut lieu sur le terrain Table (commune de Beaumont-de-Pertuis, Vaucluse), dans la nuit du 18 au 19 mars 1944, au cours duquel le radio Lucien Alexandre* fut tué, son parachute n’ayant pu s’ouvrir. Désormais, les parachutages furent plus nombreux et le secteur devint l’un des principaux de la région pour la réception des équipes envoyées par Alger. Ils abritèrent, entre autres, à leur arrivée en France le chef de la mission interalliée R2, le commandant Henri Chanay*, fusillé le 18 juillet à Signes dans le Var, tout comme le major américain Muthular d’Errecalde*, fusillé lui le 12 août au même endroit. Irma Reybaud joua « un rôle de premier plan dans l’organisation de la Résistance dans la région, accomplissant de nombreuses missions de liaison en général par de longs trajets à bicyclette mais, surtout, en faisant de sa maison, où habitait avec elle ses deux filles, dont la plus jeune Françoise n’avait pas dix ans, et ses beaux-parents, un lieu de rencontre et de décision où se préparaient parachutages, répartition des armes reçues, lieu d’accueil des officiers alliés en mission et radios arrivés par voie aérienne. » (Medvedowsky 2001, 99). Cette activité ne pouvait passer inaperçue. La police allemande vint à plusieurs reprises dans le secteur après la forte mobilisation que la région avait connue à la suite du débarquement en Normandie, le 6 juin 1944. La section IV du Sipo-SD de Marseille (la « Gestapo ») était renseignée par Éric Seignon de Possel*, officier parachuté par Alger, qui était passé à son service. C’est lui qui dénonça à Dunker Delage, membre le plus actif de la section IV, le lieu où était caché Uriarte. Dunker vint l’arrêter avec son équipe, le chef de la section IV Pfanner et le responsable de sous-section Petermann, le 21 juin, chez les Reybaud à La Motte d’Aigues. Leur intervention ce jour-là fut motivée par l’opération que la Milice des Bouches-du-Rhône effectuait depuis plusieurs jours dans les villages du Sud-Lubéron après l’enlèvement de miliciens à Lourmarin (Vaucluse). Les policiers allemands craignaient qu’Uriarte prenne la fuite et ils ne voulaient pas qu’il soit arrêté par la Milice. Leur équipe rattrapa la Milice avant qu’elle arrive à proximité de La Motte et obtint qu’elle mette à leur disposition sa trentaine nord-africaine. Les sept occupants de la maison, la plupart appartenant à la famille Reybaud, furent arrêtés, des messages cryptés furent découverts. Tandis qu’Uriarte restait avec Dunker pour essayer de joindre Alger (pour commencer une opération de retournement), les autres prisonniers furent conduits à Lourmarin. Tous furent libérés, sauf Irma Reybaud et sa fille Anne-Marie que de Possel avait signalé comme très actives. Dans le courant de l’après-midi du 21, elles furent interrogées à la mairie de Lourmarin par les policiers allemands. Un témoin entendit Dunker dire à Irma Reybaud qu’elle serait fusillée dans les 48 heures. Dunker laissa sa fille aux mains de la Milice. Espérant sauver sa mère, Anne-Marie accepta de conduire la Milice vers des dépôts d’armes. Dunker partit à Marseille avec Uriarte, suivi par la voiture où se trouvaient ses trois hommes de main, Tortora, Maurel et Mariani avec Irma Reybaud. D’après Tortora, en cours de route, elle aurait essayé de se servir d’une grenade qui était dans la voiture et fut abattue entre Rognes (Bouches-du-Rhône) et Aix, quartier du Grand Saint-Jean. Dunker dira : « J’étais alors furieux parce que je tenais beaucoup à interroger Madame Reybaud sur toutes les personnes parachutées dans la région, qui, surtout les chefs, avaient tous été reçus ou logés par elle depuis cinq mois. […] J’ai su par la suite et par des conversations que les agents ont eues entre eux que c’est Mariani qui avait tiré sur Mme Reybaud ». Son corps mutilé fut retrouvé le 23 juin. Inhumée à Aix-en-Provence, elle ne fut identifiée que plusieurs semaines après. Le décès d’une inconnue dont le corps avait été découvert quatre jours auparavant au quartier de Brégançon fut déclaré le 27 juin à la mairie d’Aix-en-Provence par un gendarme. Cet acte fut rectifié au nom d’Irmgard Druck épouse Reybaud en 1946 et la mention « Mort pour la France » y fut portée en 1948.
Son nom apparaît sous le n°18 dans le rapport Catilina rédigé le 6 juillet par Dunker et faisant le bilan des arrestations de juin :
 : « REYBAUD née DRUCK Irmgard. Alsacienne ayant acquis la nationalité française par son mariage. Née le 20.6.08 à Metz. Ménagère. Demeurant à la villa Louise, La Motte-d’Aigues. Arrêtée à son domicile le 21.6.44. Chef de secteur des FFI, en particulier pour le village de La Motte. Chez la Reybaud nous avons trouvé une grande quantité de tracts en langue allemande, d’un contenu séditieux, qui étaient destinés à nos troupes. Nous avons pu constater que la Reybaud avait trois frères de nationalité allemande, dont deux sont morts sur le front de l’Est. Le troisième, qui est officier sur le front de l’Est n’a pas donné de ses nouvelles depuis trois mois. Malgré cela la Reybaud a dû reconnaître que depuis cinq mois, jusqu’au jour de son arrestation, elle avait organisé et dirigé la résistance dans son secteur. Cela s’explique par la haine profonde qu’elle a pour le régime hitlérien. »
D’après Dunker, ces informations provenaient de de Possel
Un monument a sa mémoire a été érigé au bord de la route départementale n°543, avant le cimetière du Grand Saint-Jean, en direction de Rognes, sur le territoire de la commune d’Aix-en-Provence. Il a été édifié par son gendre Émile Roman, époux de sa fille Anne-Marie. Inauguré en 1992 il a été rénové par la municipalité d’Aix-en-Provence en 2009. Il porte les inscriptions : « Ici fut fusillée par la Gestapo le 21 juin 1944 Irma Reybaud née Druck résistante de la Motte d’Aigues. Elle avait 36 ans. » À l’arrière du monument sont gravés les armes et le nom du mouvement de la résistance auquel elle appartenait : « Organisation de résistance de l’armée ». Le monument lui-même, surmonté d’une haute croix de Lorraine, présente une femme tombée à terre appuyée sur son coude (ce serait la position dans laquelle la dépouille d’Irma Reybaud aurait été trouvée). Son nom figure ("Irmy Raybaud") sur le monument aux morts de La Motte-d’Aigues. Le parc de La Motte d’Aigues porte le nom d’Irma et Sosthène Reybaud.
Sosthène Reybaud s’était engagé dans la Première Armée française après la Libération et mourut le 29 octobre 1947 à son domicile de La Motte-d’Aigues.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article178192, notice REYBAUD Irma [Née Irmgard Herta Camille DRUCK] par Michèle Bitton, Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 26 janvier 2016, dernière modification le 1er juillet 2020.

Par Michèle Bitton, Jean-Marie Guillon

Irma Reybaud
Irma Reybaud
SOURCE : monument commémoratif, route de Rognes, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône)

SOURCES : Arch. Dép. Bouches du Rhône, 58 W 20, enquêtes de police, affaire Dunker dit Delage et 56 W 99. ⎯ Arch. Dép. Vaucluse 43 W 7, arrestations opérées par les troupes d’occupation. —presse locale (Marie-Louise Davin, « Pour Irma, héroïne de la Résistance », La Provence, 26 août 2006). ⎯ Madeleine Baudoin, Témoins de la Résistance en R2, thèse d’Histoire, Université de Provence (Aix-Marseille I), 1977. ⎯ Romain Beyner, Le pays d’Aigues (1940-1944) : histoire et représentations, Université de Provence (Aix-Marseille I), master1, 2007. —Jean-Louis Medvedowsky, Mémoire d’automne, Châteauneuf, 2001. ⎯ Sapin et quelques autres (Jacques Lécuyer général dir.), Méfiez-vous du toréador, des soldats sans uniforme témoignent de leur combat contre l’occupant..., Toulon, AGPM, 1987. ⎯ Guillaume Vieira, La répression de la Résistance par les Allemands à Marseille et dans sa région (1942-1944), Aix-en-Provence, thèse d’histoire, Université d’Aix-Marseille, 2013. — Témoignage Henri Tassy.— état civil de Metz (Moselle), naissances 1908, acte n°775 (mentionnant aussi son mariage et son décès). — état civil d’Aix-en-Provence, décès 1944, acte n°480.

ICONOGRAPHIE : Monument Reybaud au bord de la RD 543, Aix-en-Provence, localisation GPS : N 43.36.07 E. 5.21. 57. (cliché Michèle Bitton, 2007).

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