BRAUSCH Gabrielle, Jeanne, Henriette, dite Gaby, dite Branseti

Par Rodolphe Prager

Née le 6 juin 1909 à Paris (XIe arr.), morte le 27 mars 1958 à Paris (XIIIe arr.) ; comptable ; épouse de Jean Van Heijenoort (divorcée en 1949), secrétaire de Léon Trotsky ; responsable des organisations trotskystes de 1935 à 1941 ; emprisonnée de 1941 à 1944.

Orpheline, Gabrielle Brausch fut élevée, avec sa sœur, par sa grand-mère. Sympathisante communiste, elle fit la connaissance de Jean Van Heijenoort, membre de la Ligue communiste (trotskyste) depuis le printemps 1932 qui se rendit auprès de Léon Trotsky, à Prinkipo (Turquie), en octobre de la même année. Gabrielle Brausch lut La Vérité et les publications trotskystes et adhéra à la Ligue communiste en 1933. Elle signa en août une pétition réclamant la démocratie syndicale à l’intérieur de la CGTU, à laquelle elle était affiliée comme employée. Jean Van Heijenoort revint en France avec Léon Trotsky, qui obtint enfin l’autorisation d’y résider, fin juillet 1933. Après un séjour de deux mois à Saint-Palais, près de Royan, Trotsky alla se reposer dans les Pyrénées et « Van » rejoignit Paris où il vécut avec Gabrielle Brausch. Elle fut du petit groupe de militants qui partagèrent la vie de Trotsky dans la villa Ker Monique à Barbizon, à partir de novembre 1933. Secondant Natalia Sedova Trotsky, elle fut préposée aux travaux ménagers et y demeura jusqu’aux journées de février 1934. Elle retourna alors avec « Van » à Paris pour se replonger dans une action militante active. Les trotskystes ayant choisi d’adhérer au Parti SFIO, en août 1934, en créant la tendance dite Groupe bolchevik-léniniste, elle adhéra à la 19e section.
Gabrielle Brausch épousa Jean Van Heijenoort, le 11 octobre 1934. Au moment où naquit leur fils, prénommé également Jean, Van se trouvait une fois de plus auprès de Trotsky placé en résidence surveillée à Domène (Isère). Raymond Molinier* transmettant l’heureuse nouvelle par téléphone eut l’idée d’annoncer la naissance de jumeaux. Trotsky y voyait le signe que le mélange des races était toujours très fertile, Gaby étant petite et brune tandis que Van est blond et élancé. L’exclusion des principaux dirigeants du GBL, en octobre 1935, aggrava les dissensions parmi les trotskystes. Une scission s’ensuivit en décembre, après la sortie le 6 décembre de La Commune, parution décidée par le groupe dirigé par Pierre Frank et Raymond Molinier. Gabrielle Brausch soutint ce groupe, vivement blâmé par Trotsky, et centralisa les finances du journal jusqu’à sa disparition en décembre 1938. Elle en assuma également la gérance à partir de janvier 1936, ce qui lui valut d’être inculpée à deux reprises. À la fondation, par ce groupe, du Parti communiste internationaliste, en mars 1936, elle fut élue au Comité central et conserva cette responsabilité, sauf un court laps de temps, jusqu’après l’éclatement de la guerre. Elle fut gérante, en outre, de L’Exploité des métaux et du Jeune bolchevik, organe de la Jeunesse communiste internationaliste dont elle était l’une des dirigeantes.
Sous l’influence du mouvement gréviste, les groupes trotskystes parvinrent à fusionner, le 1er juin 1936, au sein du Parti ouvrier internationaliste. Cette réunification fut de courte durée, et c’est Gabrielle Brausch qui donna lecture, le 10 octobre 1936, au premier congrès du POI, d’une déclaration de rupture, prenant acte d’une expérience commune infructueuse, et annonçant : « Le PCI reprend son existence. Le PCI continue ! » Cette division eut, pour elle, des effets perturbants sur sa vie familiale, son époux appartenant à la fraction adverse et quittant définitivement la France, le 28 décembre 1936, pour reprendre ses fonctions de secrétaire aux côtés de Léon Trotsky exilé au Mexique. Se résignant mal à cette séparation qui pouvait devenir définitive, elle prit la décision de rejoindre Van, malgré le déchirement causé par l’abandon de l’action militante en France. Déployant une intense activité, parlant au nom du PCI dans des meetings, tant à Paris qu’en province, Gabrielle eut bien des fois des démêlés avec la police. Elle occupa, avec d’autres militants de son parti, les locaux de l’ambassade soviétique le 3 décembre 1936, pour solliciter des visas afin qu’une commission d’enquête sur les procès de Moscou puisse se rendre en URSS. Le 25 avril 1937, on l’arrêta encore dans le XIXe arr. alors qu’elle distribuait des tracts.
La vie commune avec Van au Mexique fut de courte durée. Arrivée avec son fils dans la maison de Trotsky, en novembre 1937, Gabrielle Brausch avait accepté de n’avoir aucune activité politique en raison des différends de son organisation avec Léon Trotsky. Elle s’employa donc avec Natalia, comme à Barbizon, aux besognes domestiques. Cette situation dut devenir pesante pour elle et elle eut, après quelques semaines seulement, un esclandre dans la cuisine avec Natalia, dans lequel Trotsky intervint mal à propos, avec des menaces regrettables dont il s’excusa très vite. Il ne resta plus à Gaby qu’à rentrer en France avec son enfant. Cet épisode l’avait marquée. Elle fut cooptée à nouveau au Comité central du PCI et se replongea dans l’activité. Elle fit partie de la délégation de son groupe aux négociations, en septembre 1938, avec le Secrétariat international de la IVe Internationale nouvellement fondé. Elle subit de nouvelles poursuites à la veille de la guerre pour propagande contre les heures supplémentaires. Il ne semble pas qu’elle eut adhéré au Parti socialiste ouvrier et paysan de Marceau Pivert, suite à la décision prise dans ce sens par son organisation en décembre 1938. Elle vécut en 1939 avec Maurice Segal* installé en Belgique à partir de juillet 1939 pour se joindre à Bruxelles à la délégation à l’étranger désignée par le PCI en prévision de la guerre.
Au début de la guerre, Gabrielle Brausch prit part à l’activité clandestine de son groupe qui fut sévèrement touché par une vague d’arrestations en février 1940. Elle fit partie du nouveau trio de direction mis en place à ce moment et quitta Paris avec deux autres militantes, en juin, avant l’entrée des troupes allemandes dans la capitale munie d’une machine à écrire et d’un appareil à polycopier. Après de longues pérégrinations sur les routes fort encombrées par les foules de l’exode, ces militantes parvinrent à Toulouse. Logées dans des conditions les plus précaires, elles parvinrent pourtant à tirer un tract rédigé par Gaby, à l’annonce de l’assassinat de Trotsky, le 20 août, qu’elles distribuèrent en ville. Gabrielle se rendit ensuite à Marseille où Maurice Segal s’était replié avec des camarades venus, comme lui, de Bruxelles. Le regroupement des forces dispersées, la reconstitution de l’organisation furent leur premier souci. Des bulletins parurent à cet effet, les contacts furent rétablis en France et à l’étranger où résidaient Pierre Frank* et Raymond Molinier*, les principaux dirigeants.
Jugeant plus prudent de mettre son fils en sécurité, Gabrielle Brausch l’accompagna en mai 1941 à Lisbonne pour l’embarquement à destination de New-York où son père l’attendait. Raymond Molinier qui séjournait dans la capitale du Portugal avait contribué à préparer le voyage. Gaby rentra à Marseille après deux à trois semaines passées à Lisbonne. Elle fut arrêtée en décembre 1941, en se rendant à la poste restante de Marseille. Les circonstances étranges de cette affaire ne furent pas éclaircies. On avait trouvé son nom sur une liste d’adresses saisie sur un officier tchèque parachuté par Londres. Gabrielle Brausch fut condamnée à cinq ans de prison, pour atteinte à la sûreté extérieure de l’État, le 23 décembre 1942, par la section spéciale de la Cour d’appel de Montpellier. Sa culpabilité n’était nullement établie et Gaby fut convaincue que sa peine se justifiait uniquement par ses antécédants politiques et par son refus de parler de ses activités, de celles de Maurice Segal et de Van.
Transférée à la prison des Baumettes à Marseille, elle retrouva d’autres détenues trotskystes dont Marguerite Usclat avec lesquelles elle fut envoyée, début 1944, à la Centrale de Rennes. Ses amies la quittèrent, en avril 1944, enlevées par les Allemands pour être déportées à Ravensbruck. Cette séparation fut d’autant plus douloureuse que les trotskystes subirent une quarantaine sévère de la part des détenues communistes. On peut supposer que Gaby échappa à la déportation en raison de son inculpation « non-politique » qui l’assimilait un peu à une espionne. Libérée en août 1944, elle fut très inquiète sur le sort de Maurice Segal disparu dans un maquis FTP de la Haute-Loire où il avait été évacué après l’évasion des détenus de la prison du Puy-en-Velay, le 1er octobre 1943. Elle entreprit une enquête en coopération avec les familles et les amis des autres trotskystes disparus dans les mêmes conditions : Pietro Tresso*, Abraham Sadek* et Jean Reboul*, compagnon de son amie Marguerite Usclat*. Fin 1944, elle visita le département de la Loire en quête de témoignages de co-détenus ou de résistants qui n’aimaient pas évoquer ce sujet, disaient ne rien savoir quand ils ne refusaient pas tout net de parler. Les épreuves subies altérèrent la santé de Gabrielle Brausch qui ne milita plus dans le mouvement trotskyste unifié. Elle se contenta de rencontrer quelques vieux amis, de fréquenter des meetings, de lire les publications. Les soucis de santé et les difficultés matérielles l’accaparèrent. Elle éleva son fils qui revint des États-Unis en 1949 et la même année aboutit son divorce avec Jean Van Heijenoort. Elle mourut à l’âge de quarante-neuf ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article17821, notice BRAUSCH Gabrielle, Jeanne, Henriette, dite Gaby, dite Branseti par Rodolphe Prager, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 20 octobre 2008.

Par Rodolphe Prager

SOURCES : Arch. J. Maitron. — Arch. R. Prager. — La Vérité, 18 août 1933. — La Commune, 1936 à 1938. — S. Ketz, De la naissance du GBL à la crise de la LCI (1934-1936), mémoire de maîtrise, Paris I 1974. — Renseignements recueillis par J.-M. Brabant. — Témoignages de J. Van Heijenoort sénior et junior et de Jeanne K. recueillis par R. Prager. — J. Van Heijenoort, Sept ans auprès de Léon Trotsky, Paris, 1978.

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