JURESTAL Roland, Marceau, Albert alias Jean

Par Daniel Grason

Né le 4 avril 1921 à Paris (XIIIe arr.), exécuté sommairement le 25 juin 1944 à Saulzet-le-Froid (Puy-de-Dôme) ; technicien ; militant communiste ; résistant FTPF-FFI.

Roland Jurestal alias Jean Vergne
Roland Jurestal alias Jean Vergne

Fils naturel de Gabrielle Jurestal, née à Varsovie, couturière, Roland Jurestal s’appelait en fait Rainer Juresthal, famille d’origine juive allemande. Il demeura avec ses parents à Saint-Ouen (Seine, Seine-Saint-Denis), où sa scolarité se déroula au groupe scolaire Jean-Jaurès. Il s’était marié le 9 novembre 1940 à Paris (Xe arr.) avec Sophie Hammer, le couple habitait l’arrondissement 12 rue d’Hauteville.
Le 14 septembre 1942, sa mère fut déportée en tant que déportée politique.
Pendant la guerre, il utilisait plusieurs fausses identités « Fleury » et « Vergne », gérait plusieurs planques dont l’une était 12 rue d’Hauteville à Paris (Xe arr.), et d’autres au 3 boulevard Voltaire à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine). Dans ce dernier immeuble, une pièce servait à l’impression de tracts de l’organisation communiste, le responsable technique chargé de l’impression vivait à Gennevilliers et travaillait à la Compagnie Industrielle des Téléphones, quai de Javel à Paris (XVe arr.).
Début avril 1944, le responsable technique demanda à Roland Jurestal de garder la clef, afin de recevoir son amie dans le logement du dessous. Vers cinq heures du matin, des policiers de la police de sécurité et du renseignement de la SS (Sipo-SD) donnaient des coups de crosses contre la porte des deux tourtereaux… qui furent arrêtés, elle accoucha alors qu’elle était internée, lui a été déporté en Allemagne. Son convoi n’était pas un convoi de politiques. Dans la planque du dessous, Roland Jurestal et deux jeunes Juifs Daniel et Simone après quelques acrobaties se retrouvèrent sur le toit d’un cinéma mitoyen et réussirent à se dégager du guêpier. Daniel et Simone Lisopraski, furent envoyés à Dinan chez les parents d’Anne Beaumanoir qui les considéreront comme leurs enfants, ce qui vaudra mention au « mémorial des Justes » de Yad Vashem à Jérusalem. Convoqués par la direction politique de l’organisation Anne Beaumanoir compagne de Roland Jurestal fut envoyé à Lyon et Jurestal à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).
Roland Jurestal était arrêté le 22 juin 1944 place Delille à Clermont-Ferrand, il s’évada le lendemain. Le 25 juin, il se dirigea avec Paul Berquez, technicien et Raymond Stora, professeur à l’université de Montpellier vers Servières situé sur la commune d’Orcival. Ils s’installèrent dans un refuge non-occupé appartenant à la Compagnie des Eaux et Forêts. Un berger remarqua leur présence, il prévint un fermier, M… et sa famille. Ceux-ci armés de bâtons interpellèrent Jurestal et ses compagnons, une empoignade s’ensuivit, tous les trois furent emmenés dans la cour de la ferme. Paul Berquez s’échappa, mais fut rattrapé, des documents, des tracts et leurs armes étaient trouvés dans leurs sacs… ils furent tous les trois sauvagement battus. Prévenu le maire d’Orcival intervint pour faire entendre raison à la famille M… leur demandant de relâcher les trois résistants, ils refusèrent, les M… étaient proches de la Milice. Le lendemain Roland Jurestal, Paul Berquez et Raymond Stora étaient emmenés à quelques kilomètres de là, ils furent abattus de plusieurs balles dans la nuque et enterrés près du lac de Servières. Le corps de Roland Jurestal fut exhumé le 18 décembre 1944, des funérailles officielles furent organisées le 20 décembre à Saulzet.
En avril 1946 les assassins comparurent devant la Cour de Riom, ils nièrent les crimes et leur appartenance à la Milice. Condamnés à mort leurs peines furent commuées en travaux forcés.
L’inhumation de Roland Jurestal eut lieu le vendredi 22 juillet 1949 dans le carré militaire du cimetière de Saint-Ouen. Le ministère des Anciens combattants lui attribua la mention « Mort pour la France », il fut homologué capitaine F.F.I. Un cercle de Clermont-Ferrand de l’Union des Jeunesses Républicaines de France (UJRF) porta le nom de Roland Jurestal.
Devant les Assises de l’Allier
Deux assassins
répondent de leurs crimes

La session des Assises de l’Allier s’est ouverte hier à 13 h. 50, sous la présidence de M. le Conseiller Vialatte, assisté de MM. Martin et Teyssier, juges au siège. M. Clergue, procureur de la République, occupe le siège de l’accusation. Greffier, M. Jabot ; huissier audiencier, Maître Vigneron.
Deux hommes sont assis au banc des accusés : André Montel et Fernand Montel, demeurant à Servières (Puy-de-Dôme). Ils sont accusés d’assassinat de trois résistants et de vols qualifiés. André et Fernand Montel sont assistés de Maître Menut et Lenain du barreau de Clermont-Ferrand.
Les accusés appartiennent à une famille de résistants : un de leurs frères a donné sa vie pour la France et c’est alors que l’on comprend mal le geste homicide de ces deux salopards qui, froidement, ont assassinés trois patriotes pour les dévaliser ensuite et cacher les cadavres sous des broussailles.
La préméditation ne fait aucun doute. Les frères Montel appartenaient-ils à une organisation pro-nazie et obéissaient-ils à des ordres donnés ? Qui le saura jamais ? En tout cas, le crime est là, palpable et trois patriotes sont tombés sous les balles de ces deux chenapans qui rendent des comptes à la justice.
Les faits
Le 25 juin 1944, trois jeunes hommes, Paul Berquez, 21 ans, Roland Jurestal, 23 ans, Raymond Store, 27 ans, appartenant au mouvement de résistance « Jeunesse Laïque Combattante » explorent la région du lac Servières où ils doivent recueillirent des renseignements avant de gagner un maquis.
Ils pourront séjourner, leur aurait-on indiqué, dans une baraque désaffectée au Service des Eaux et Forêts. Par suite d’une erreur, ils croient voir en une maison en planche servant de café à la belle saison la baraque indiquée et en fracturent un volet, pour y pénétrer.
En fait cette construction dit la Maison Bleue, appartient à un sieur Jean Gratadeix beau-frère de Jean Montel, voit les jeunes gens s’introduire dans la maison. Il court au hameau voisin de Servières en prévenir Montel. Celui-ci se munit de son fusil de chasse et part aussitôt avec Gratadeix vers la Maison Bleue, mais les trois jeunes gens ayant constaté leur méprise se sont dirigés vers la véritable baraque des Eaux et Forêts à environ un kilomètre et demi plus loin.
C’est là que Jean Montel et Jean Gratadeix les rejoignent suivis quelques instants après par tout un groupe de jeunes gens qui participaient à un bal organisé dans une ferme à Servières et que la femme Montel a alertés.
Au moment où Jean Montel arrive près de la baraque un des trois jeunes gens. Jurestal en sort, Montel lui demande si c’est bien lui qui a abîmé le volet de la Maison Bleue et pour quel motif. Jurestal réplique qu’en effet il a eu avec ses camarades l’intention d’y passer la nuit. Montel l’invite alors à l’accompagner à Servières et lui saisit le bras. Jurestal sort de sa poche un revolver. Jean Montel se jette alors sur lui et le saisit à bras le corps. Au cours de la lutte un coup de feu blessa grièvement Jean Montel qui à la poitrine traversée ; un deuxième coup, également tiré par Jurestal, atteint légèrement au bras René Montel qui est arrivé sur les lieux de la lutte avec les jeunes gens de Servières. Berquez et Stora sont sortis du bureau et cherchent à s’enfuir. Fernand Montel voyant Berquez avec un bâton en main tire sur lui un coup de fusil avec l’arme de son père ; Berquez atteint à la main et au bras gauche est blessé profondément.
Les trois jeunes inconnus ont pu être considérés comme des miliciens recherchant des dépôts d’armes mais les papiers qu’ils possédaient ne peuvent laisser aucun doute sur le fait qu’ils appartiennent à une organisation de résistance.
La femme Montel décide d’envoyer son fils André au maquis le plus proche pour y prendre des directives. Pendant ce temps Fernand Montel et Eugène Joigoux munis des papiers pris aux jeunes gens, de deux revolvers ainsi que de 16.000 fr., se rendent à la mairie d’Orcival où les papiers sont soigneusement examinés par le maire, la nature de ces papiers, ne laissent aucun doute sur le fait que les jeunes gens travaillent pour la résistance. La femme Montel a envoyé son fils Antonin au-devant de son fils Fernand et de Joignoux non encore revenu d’Orcival pour les prévenir du départ des jeunes gens. Quatre kilomètres ont été parcourus et le petit groupe est éloigné de tout lieu habité.
Les jeunes gens s’assoient à terre, les deux Montel à une quinzaine de mètres. André Montel a chargé son revolver, sans éveiller l’attention il s’approche d’un des jeunes gens et lui tire par derrière une balle dans la tête. Celui-ci s’affaisse. Un de ses camarades se lève et crie : « Qui a un revolver ? « André Monteil continue de tirer. Deux hommes sont à terre. Pour le dernier, André Montel tremble et propose à son frère d’achever le travail. Il refuse. André Montel tire, puis comme l’un des trois [remuait] encore, il les achève chacun d’un projectile dans le crâne.
Les Montel emportent les papiers et les 16.000 francs.
Le crime demeura longtemps inconnu de la police. Les membres de la famille Montel en défendaient farouchement le secret. Les évènements qui se déroulèrent à cette époque continuèrent pendant un certain temps à assurer l’impunité des criminels.
C’est au mois de novembre 1944 que les investigations de la police débutèrent.
Vingt-neuf témoins répondirent à l’appel, et les débats commencèrent. (Valmy quotidien de la Renaissance française du mercredi 16 octobre 1948 page 2).
« Pour avoir assassiné trois patriotes André Montel est condamné à la peine de mort. Son frère Fernand aux travaux forcés à perpétuité ». Les familles parties civiles obtinrent des indemnités pour un total de 1 600.000 francs. (Valmy jeudi 17 octobre 1946)
Nos remerciements à Éric Panthou qui nous a communiqué la collection du journal Valmy.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article178264, notice JURESTAL Roland, Marceau, Albert alias Jean par Daniel Grason, version mise en ligne le 24 avril 2019, dernière modification le 18 juillet 2022.

Par Daniel Grason

Roland Jurestal alias Jean Vergne
Roland Jurestal alias Jean Vergne

SOURCES : Arch. PPo. 1W 1710. — SHD, Caen, AC 21 P 61785. — Bureau Résistance : GR 16 P 315125. — "Deux assassins répondent de leurs crimes", Valmy : quotidien de la renaissance française, 16 octobre 1946. — AM de Saint-Ouen « Roland Jurestal héros de la Résistance », Le Réveil de Saint-Ouen, 1er octobre 1949. — État civil.

PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 155

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