TOURNIER Laurence et André

Par Gérard Jolivet

Laurence, née Quillot le 17 novembre1928 à Estrablin (Isère).
André, né le le 11 novembre 1928 à Estrablin, mort le 12 juin 2012 à Estrablin ; militants chrétiens engagés au PSU et à la CGT (puis au PS pour Laurence), dans une certaine proximité avec les communistes.

Mariés le 19 août 1950, André Tournier et Laurence Quillot ont grandi à Estrablin, près de Vienne. Ce village d’un millier d’habitants à l’époque se partageait entre une activité majoritairement rurale et une activité industrielle concentrée sur les bords de la Gère. Le couple Tournier illustre par ses origines cette dualité économique du pays viennois : les parents d’André Tournier sont des paysans pauvres tandis que ceux de Laurence Quillot travaillent dans les usines de la vallée. Son père est ouvrier dans la stéarinerie d’Estrablin, qui fabrique bougies et savons (110 salariés en 1958), tandis que sa mère travaille, entre autres, à la Tannerie de Pont-Evêque. Ce sont deux familles catholiques pratiquantes et c’est à la Jeunesse Agricole Catholique, puis à l’Action Catholique Ouvrières que les deux jeunes gens font leurs premières armes de militants. L’année de leur mariage, ils participent au congrès national de la JAC à Paris.
Premier du canton au certificat d’études, André Tournier est devenu ajusteur dans l’entreprise viennoise de constructions métalliques Novat. C’est là qu’il rejoignit la CGT au début des années 1950. Son épouse était sténo-dactylo au Crédit Lyonnais jusqu’en 1954, date à laquelle elle décida de rester à la maison pour élever ses quatre enfants. Dans ces années-là le couple Tournier militeait dans un mouvement politique de la gauche chrétienne, le Mouvement de Libération du Peuple. Ils furent très proches du « curé rouge » d’Estrablin, le père André Boucher. Celui-ci, prêtre habité par la passion apostolique, grand nerveux perpétuellement sous traitement médical, ce qui le conduira même à un séjour en hôpital psychiatrique, était un personnage charismatique. En 1949 il contribua à créer la Maison familiale rurale de Chaumont, à Eyzin-Pinet. En 1954 il créa avec d’autres curés du Viennois l’Association culturelle et sociale de la région de Vienne. Son but était d’organiser une sorte d’université populaire rurale pour les jeunes paysans des paroisses environnantes. L’association, dont les Tournier sont des piliers, achète aux religieuses qui l’occupaient le château de Gemens. Dans ce hameau d’Estrablin, sur les bords de la Gère qui fournissait la force motrice, la papeterie Sibille avait fermé en 1946 à la suite d’une crue de la rivière. Un ancien propriétaire de la papeterie, André Bonnefoux, avait fait construire en 1860 son château à côté de son usine. C’est dans ce château qu’eurent lieu les conférences du soir organisées par l’association à partir de 1960. Celle-ci faisait venir pour donner ces conférences des professeurs de Grenoble, Lyon ou Vienne. Parmi eux, Gérard Destanne de Bernis, militant chrétien de gauche, président de l’UNEF en 1950, économiste d’inspiration marxiste qui avait le même âge que les Tournier, et qui adhéra plus tard au parti communiste. Ou encore Henri Bartoli, autre économiste chrétien de gauche qui est un des dirigeants du MLP. Ou Georges Lavau, juriste et futur politologue, spécialiste du parti communiste. En dehors des conférences, les salles du château sont louées pour des mariages, des baptêmes ou pour les vacances d’été à des familles qui ont peu de moyens. La famille Tournier y habitait pendant l’été et assure l’entretien du parc et des bâtiments.
Dans les années soixante, André Tournier partit travailler à Lyon, dans l’entreprise Paris-Rhône, puis revint occuper le poste d’ouvrier d’entretien à la Tannerie de Pont-Evêque, tandis que Laurence, qui élevait ses enfants, militait à la FCPE. Tous deux militaient au PSU dans lequel s’est fondu le MLP, et qui comptait à Vienne une vingtaine d’adhérents. C’est à ce titre politique, autant qu’à sa représentativité auprès des parents d’élèves, que Laurence Tournier fut pressentie par Louis Mermaz pour figurer aux élections municipales de 1971 sur la liste socialiste. Élue, elle effectua dans l’enthousiasme un premier mandat, son plus grand souvenir étant la création du collège de Seyssuel. Elle fit alors partie des militants qui gardaient les enfants du maire, dans l’appartement de l’avenue Général Leclerc, qui n’était presque pas meublé et où le couple Mermaz semblait camper plutôt qu’habiter.
Parallèlement, Laurence reprit le travail à partir de 1973, effectuant alors le reste de sa carrière professionnelle à La Téléphonie lyonnaise, où elle fut élue déléguée de la CGT. En 1974, comme la plus grande partie des militants du PSU, elle prit sa carte au Parti Socialiste. Ce n’est pas le cas de son mari qui se sentait plus proche des communistes que des socialistes et qui ne reprit plus d’adhésion politique. Il termina sa carrière professionnelle comme ouvrier d’entretien chez Ugine-Acier à Grigny. Il fut alors conseiller prudhomme de la métallurgie de 1973 à 1985. Avec quelques autres militants de la CGT, il créa le « Groupe culturel du travail », qui organisait des sorties théâtrales au Théâtre de Vienne et au TNP de Villeurbanne. Souvent la soirée se terminait par un souper chez les Tournier avec Jean Dasté, Gérard Guillaumat et autres personnalités du théâtre populaire.
Réélue conseillère municipale de Vienne en 1977, Laurence Tournier était un peu désabusée par son second mandat. Mermaz supportait mal sa proximité avec les élus communistes de la nouvelle municipalité d’union de la gauche (elle fit partie de l’association France-URSS et fit un voyage en Russie avec ses amis communistes). « Mermaz, dit-elle, n’acceptait pas qu’on puisse le contredire. Il en a massacré plus d’un. Il avait l’humour à la tronçonneuse. » Quant à elle, elle fit partie de l’équipe de Madeleine Moulin, adjointe aux affaires sociales, dont elle accepta difficilement l’autoritarisme. C’est pourquoi elle ne fut pas candidate à un troisième mandat en 1983. Finalement, elle quitta le Parti socialiste en 1991 en même temps que Jean-Pierre Chevènement. Elle se consacre alors entièrement au Secours populaire, qu’elle a recréé à Vienne vers 1980, d’abord seule, puis avec l’aide d’une religieuse du Prado.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article178401, notice TOURNIER Laurence et André par Gérard Jolivet, version mise en ligne le 4 février 2016, dernière modification le 26 septembre 2016.

Par Gérard Jolivet

SOURCE : Entretiens.

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