VÉDY Gilbert, Méderic, René, pseudonymes Médéric, René Lemoulec

Par Fabrice Bourrée

Né le 16 février 1902 à Paris (XIVe arr.), arrêté et mort par suicide le 21 mars 1944 à Paris (IVe arr.) ; conducteur de travaux ; résistant membre du comité directeur de "Ceux de la Libération" FFC.

Gilbert Védy
Gilbert Védy

Issu d’une famille de onze enfants, fils de Jules Védy, employé, et d’Alphonsine Defransure, sans profession, Gilbert Védy s’était marié le 8 décembre 1923 à Cachan (Seine, Val-de-Marne) avec Marie Louise Glaisance, puis il se remaria le 16 mai 1936 à Paris (XIVe arr.) avec Marie Octavie Guenault.Il était père de trois enfants. Il s’établit à Cherbourg en 1932 comme conducteur de travaux d’adduction d’eau entrepris dans diverses communes de la région de Cherbourg, pour le compte de la société La Parisienne.
Le 17 juin 1940, jour de la demande d’armistice par Pétain, avec son frère Raymond, il aida douze soldats anglais à regagner les îles anglo-normandes en mettant à leur disposition une vedette désaffectée sur le petit port de Diélette. Le 3 juillet 1940, à Cherbourg, Georges Fougère, sa femme et Gilbert Védy, imprimèrent avec un composteur de lettres en caoutchouc, des tracts contre Pétain qu’ils répandirent, à bicyclette, dans la ville. Gilbert et son frère Raymond participèrent ensuite au groupe que le maire de Tourlaville, Jules Lemoigne, constitua en fin d’année avec l’ingénieur Cottat, responsable des travaux d’adduction d’eau confiés à la société La Parisienne. A ce petit groupe se joignirent Marcel Leblond, directeur de la Défense passive, puis le garagiste Auguste Giot. En février 1941, Gilbert Vedy fut désigné par Leblond comme chef de secteur de la Défense passive, ce qui lui permettait de circuler librement. Mais le 24 juillet, dénoncé, Gilbert Vedy, s’enfuit à Paris, muni d’une fausse carte d’identité portant le nom d’un peintre décédé, fournie par le secrétaire de mairie de Querqueville.
En 1942, le groupe de Tourlaville entra en contact avec Ceux de la Libération CDLL par l’intermédiaire de Giot, en relations d’affaire avec René Leduc, un des responsables parisiens du réseau. Gilbert Védy le mit en relation avec Leduc qui l’intègra à CDLL. Très actif, Gilbert Védy dit Médéric s’occupa de l’organisation du mouvement au niveau national. Maurice Ripoche étant arrêté en mars 1943, Roger Coquoin, Jacques Ballet et Médéric assurèrent conjointement la direction du mouvement. Au cours d’une de ses émissions radio, le 3 avril 1943, Louis Goron, agent de CDLL, fut repéré et appréhendé par un service de police allemand qui le relâcha quelques jours plus tard. Dans les jours qui suivirent, plusieurs membres du réseau furent arrêtés. Le 18 avril, Médéric se présenta au domicile de la famille Goron à Sèvres et demanda à voir Louis. Celui-ci fut emmené en voiture à Meudon et exécuté dans le bois des Bruyères.
En septembre 1943, Médéric partit pour Londres, au titre de la délégation des mouvements de Résistance qui discutait avec les services de la France libre de la mise en place des futurs Comités de libération en métropole. Par ailleurs, délégué de la Résistance à l’Assemblée consultative mise en place à Alger en novembre 1943, il fit plusieurs voyages entre la métropole, Londres et Alger.
En janvier 1944, il est à Alger lorsqu’il apprend la mort du chef de Ceux de la Libération, Roger Coquoin, abattu dans un guet-apens. Sans hésiter, il retourna en France. Débarqué dans le Finistère par une vedette lance-torpilles le 18 mars 1944 Gilbert Védy se rendit à Paris pour prendre la tête du mouvement.
Le 21 mars 1944, au cours d’une perquisition effectuée par le commissaire de police du quartier des Grandes Carrières, au domicile de Madame Renée Fanti, 57 rue de la Chaussée d’Antin, celui-ci se trouva en présence d’un individu (Védy) qui a déclaré se nommer "Marlier Jacques", et se disant être industriel domicilié à Gouessenou (Finistère). Arrêté, il fut remis entre les mains des inspecteurs de la brigade spéciale et identifié comme étant en réalité Gilbert Védy.
Le commissaire David chef de la BS1 entreprit alors de l’interroger sur ses agissements : "C’est alors que le pseudo-Marlier m’a déclaré "Je suis fait, il me reste à payer" : "Je lui ai dit : A payer quoi ?". Il m’a répondu "Vous le savez aussi bien que moi". Puis il a reconnu, au cours d’un interrogatoire sommaire qui présentait plutôt le caractère d’une conversation, être l’un des membres les plus importants de l’organisation gaulliste en France. Il me déclara également qu’il faisait partie d’un Comité consultatif d’Alger, et qu’il se déplaçait fréquemment entre la France, Londres et Alger. Il ajouta d’un air désabusé : "C’est lamentable pour un homme comme moi de s’être fait prendre aussi bêtement". A quoi j’acquiesçai en lui disant notamment que policièrement, l’opération n’était pas une splendeur, mais que le hasard aidait bien souvent les policiers. J’ai alors enchaîné en lui disant "Nous avons mal commencé, mais j’espère que nous continuerons mieux et que vous voudrez bien nous donner des explications sur votre activité en France". J’ai ajouté "Vous avez à vous reprocher certains faits graves, au nombre desquels figure le meurtre de l’étudiant Goron". Le pseudo Marlier me déclara alors : "C’est exact, c’est bien moi Vedy, alias Médéric, qui ai organisé le coup contre Goron. Cela fait d’ailleurs une belle fripouille de moins". Je lui ai dit "Alors il va falloir que nous parlions de cela plus en détail". Il a répondu " Je pense que nous n’aurons pas le temps car maintenant que vous m’avez cravaté, dans deux heures je serai mort". "Mort ?" lui demandai-je. "Parfaitement, me répondit-il, et en même temps il se mit à mâcher quelque chose qu’il avait dans la bouche. J’ai alors réalisé qu’il absorbait un produit toxique, et je l’adjurai de le recracher." (Audition de Gilbert Védy par le commissaire David, chef de la BS1 des Renseignements Généraux, 21/03/44 - archives de la préfecture de police)
Les inspecteurs présents tentèrent aussitôt de le faire vomir, mais il réussit à avaler la totalité de son poison. Védy fut immédiatement transporté à l’hôpital de l’Hôtel Dieu et admis salle Cusco à 18 heures15. A 19 heures, les services hospitaliers informèrent le commissaire David que le nommé Védy venait de décéder de suites d’intoxication.
Gilbert Védy fut inhumé au cimetière des Batignolles près de la Porte de Clichy, Paris XVIIe arr.
Gilbert Védy reçut de nombreuses décorations : Compagnon de la Libération, décret du 29 avril 1944, chevalier de la Légion d’honneur, croix de guerre 1939-1945, Médaille de la Résistance.

En septembre 1944, son frère Raymond président du Comité local de Libération de Tourlaville enquêta sur l’assassinat de son frère. Le 20 septembre, le commissaire des grandes carrières, Dufour, celui qui avait fait fusiller plus de 80 résistants, fut arrêté par les FFI. Le 27 septembre 1944, Raymond procéda à l’interrogatoire du commissaire Dufour et l’exécuta dans sa cellule.

Une rue Médéric Védy commémore son nom à Cachan, et à Paris XVIIe arr. l’ex rue Guyot a été renommée Médéric.
il existe également une rue Médéric à Tourlaville (commune fusionnée depuis quelques années dans Cherbourg en Cotentin) dans la Manche.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article178517, notice VÉDY Gilbert, Méderic, René, pseudonymes Médéric, René Lemoulec par Fabrice Bourrée, version mise en ligne le 16 février 2016, dernière modification le 8 mars 2022.

Par Fabrice Bourrée

Gilbert Védy
Gilbert Védy

SOURCES : Archives du musée de l’Ordre de la Libération. — Archives de la préfecture de police, GB 85, BS1-37. — Archives nationales, 72 AJ 42 (Ceux de la Libération : témoignage écrit de Georges Savourey daté du 18 décembre 1945). —
Archives départementales des Yvelines, 300 W 55. — Marcel Leclerc, La Résistance dans la Manche, Édition La Dépêche, 1980. — Vladimir Trouplin, Dictionnaire des compagnons de la Libération, Elytis, Bordeaux, 2010. — Témoignage de son neveu Laurent Védy, 2018. — État civil en ligne cote V4E 9811, vue 26.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable