THOMAS Yves, Jean

Par Loïc Le Bars, Alain Prigent, François Prigent

Né le 27 novembre 1932 à Quemper-Guezennec (Côtes-du-Nord, Côtes d’Armor) ; instituteur puis principal de collège ; membre du bureau national du SNI (1961-1967) ; militant du PSU puis du PS des Côtes d’Armor.

Yves Thomas naquit au sein d’une famille paysanne relativement aisée, catholique pratiquante, plutôt de droite et bretonnante. Son père, élève de l’école publique, évolua sensiblement vers la gauche, sous l’influence notamment de François Tanguy-Prigent, figure éminente du socialisme breton et pionnier du syndicalisme paysan dans le Trégor. Yves Thomas fréquenta lui aussi l’école publique de son village. Poursuivant ses études au cours complémentaire de Pontrieux, il fut reçu en 1948 au concours d’entrée de l’École normale d’instituteurs de Saint-Brieuc. Devenu instituteur, il exerça dans un premier temps à Plouha puis fut nommé, en 1954, à Pommerit-le-Vicomte. Le 5 juillet 1956 à Ploubazlanec, il épousa Annick Le Calvez, institutrice, fille d’un douanier et devint directeur de l’école de Gommenech. Maître de CEG, il obtint sa mutation en 1960 au CEG de Plestin-les-Grèves où il enseigna les mathématiques, la physique et la chimie. A la rentrée 1968, il fut nommé directeur du CEG de Plestin-les-Grèves. Il s’inscrivit dans la démarche des militants syndicaux des Côtes-du-Nord qui œuvrèrent à la mise en place puis au renforcement du réseau des établissements secondaires (cours complémentaires et CEG) en devenant chefs d’établissement.

Militant de la Coopérative de l’enseignement moderne dès 1958, il participa à plusieurs congrès de ce mouvement pédagogique fondé par Célestin Freinet. Cet engagement pédagogique le conduisit à côtoyer les militants de l’École émancipée (EE) actifs dans ce mouvement. En 1959, il fut élu pour la première fois au conseil syndical de la section du SNI des Côtes-du-Nord sur une liste de l’EE conduite par Émile Orain, liste sur laquelle il figurait en troisième position. Il s’affirma rapidement comme l’un des principaux animateurs de EE dans le département, aux côtés de son ami Louis Bocquet, professeur au lycée de Guingamp, dirigeant du SNES, et Roger Le Roux, instituteur à Pontrieux. La tendance EE décida après un intense débat interne d’intégrer le bureau de la section départementale tout en gardant son identité. Yves Thomas fut élu secrétaire adjoint aux affaires corporatives de la section du SNI sous la direction d’Emile Thomas, jusqu’à son départ pour la région parisienne, puis de Maurice Renault de 1959 à 1965, date à laquelle sa tendance décida de mettre un terme à cette expérience. Yves Thomas fut délégué de la section départementale au congrès national en juin 1959. Il siégea pendant les années 1960 dans toutes les instances paritaires (Comité technique paritaire, conseil départemental).

En 1961, il fut élu avec Paul Duthel au bureau national du SNI au titre de l’EE et désigné pour représenter sa tendance à la CA nationale de la FEN. Réélu en 1963 en compagnie de Julien Desachy, il intégra cette année-là, de même que Louis Bocquet, le groupe trotskyste, qui devint deux ans plus tard l’OCI et dont l’influence s’affirmait de plus en plus au sein de la tendance. Au sein du BN, il siégea en même temps que le secrétaire de la section du SNI des Côtes-du-Nord, Maurice Renault, élu au titre de la tendance unitaire. De 1959 à 1968, il siégea au titre du SNI à la CA de la section FEN des Côtes-du-Nord dirigée à la suite de L. Bocquet par des militants unitaires, en particulier Jacques Gardet, André Mansord puis Jean-Claude Corre. Yves Thomas participa aussi à ce titre à la CA nationale de la FEN en 1962.

La lutte contre ce qu’elle appelait la politique « d’intégration des syndicats à l’État » menée par le pouvoir gaulliste était devenue, depuis la fin de la guerre d’Algérie, le principal cheval de bataille de l’EE. Ses militants considéraient que la FEN devait faire un « geste de rupture » avec « l’État bonapartiste ». Les délégués de l’EE au congrès du SNI à Lille en juillet 1964 demandèrent donc la démission des représentants de la FEN et du SNI au Conseil économique et social et à tous les autres organismes destinés à mettre en œuvre la « réforme administrative ». Les dirigeants de la majorité autonome, soutenue sur ce point par la minorité « Unité et Action », repoussèrent cette exigence. Paul Duthel, principal responsable dans l’École émancipée des militants trotskystes, suggéra à ses camarades la démission de leurs représentants du BN du SNI afin de montrer toute l’importance qu’ils accordaient à ce problème. Sa proposition fut combattue par une partie des délégués de l’EE, et tout particulièrement par Julien Desachy. Yves Thomas était de leur avis, mais, en militant discipliné, il se prononça malgré tout en faveur de la position défendue par Paul Duthel qui fut finalement adoptée. Les deux représentants de l’EE démissionnèrent donc du BN du SNI. Cette décision, qui suscita de vifs débats au sein de la tendance, pendant et après le congrès, constitua le premier acte de la crise que connut cette dernière les années suivantes. Elle contribua aussi à la progressive prise de distance d’Yves Thomas à l’égard de l’OCI avec qui il rompit définitivement en 1967, de même que Louis Bocquet. Deux ans auparavant, il avait été le seul élu de l’EE aux élections renouvelant le BN du SNI. A la réunion du BN, le 5 janvier 1967, il figurait dans toutes les commissions désignées. Après être intervenu pour défendre la place des maîtres de CEG dans le syndicat, il s’abstint dans la désignation du nouveau secrétaire général. Conformément à la règle en vigueur dans la tendance limitant le nombre de mandats de ses élus, il figura en dernière position de la liste que celle-ci présenta en décembre 1967 et ne fut donc pas réélu. Cet épisode constitua la première véritable manifestation de la crise qui devait aboutir à la scission de l’Ecole émancipée en 1969. Il siégea pendant toutes ces années à la CAPD et au CTPD des Côtes-du-Nord où il avait élu à la fin des années 1950.

En mai-juin 1968, Yves Thomas participa à la mise en place et à l’animation du comité central de grève de Guingamp qui, formé essentiellement par des représentants des cheminots et des enseignants, et qui siégeait à la mairie de Guingamp. La mise en place de cette structure créa des tensions vives avec la direction du SNI et de l’UD CGT. Yves Thomas intervint lors des meetings intersyndicaux du 13 mai 1968 et du 29 mai 1968 à Guingamp. Avec Roger Le Roux, il aida aussi à la constitution de comités de grève dans certaines localités de la région, en particulier à Pontrieux. Le comité de Guingamp fut aussi à l’origine de la création d’une caisse de secours destiné à aider les travailleurs du secteur privé à continuer la grève.

Au lendemain des « événements » du printemps, il se rangea au côté des militants de l’Ecole émancipée qui, pendant la crise qui secoua cette dernière, dénoncèrent ce qu’ils considéraient comme une tentative de main mise de l’OCI (OT après la dissolution de celle-ci en juin) sur la tendance. Cette crise aboutit en 1969 à l’exclusion des militants de cette organisation qui se regroupèrent alors dans l’École émancipée-Front unique ouvrier (EE-FUO). Yves Thomas continua par la suite à militer au sein de l’École émancipée et d’écrire dans son organe plusieurs articles consacrés aux questions corporatives comme le statut de la fonction publique, la nécessité des augmentations de traitements uniforme. Il estimait, de même que Louis Bocquet qui, à cette époque, dirigeait le S2 du SNES, qu’il était nécessaire d’ouvrir la tendance syndicaliste révolutionnaire de la FEN à des « réformistes de gauche » opposés à l’intégration des syndicats et attachés à la laïcité. Mais l’orientation de l’École émancipée au début des années 1970, sous l’impulsion notamment des militants de la Ligue communiste, rendit impossible un tel élargissement en multipliant les prises de positions radicales dans des domaines, comme par exemple le soutien aux « comités de soldats », qui, aux yeux d’un militant syndicaliste comme Yves Thomas, n’étaient pas au centre des préoccupations de la grande majorité des adhérents de la FEN.

Devenu directeur de CEG, il siégea de 1968 à 1974, à la commission paritaire départementale des directeurs de CEG toujours syndiqués au SNI. Devenu par la suite principal de collège, il adhéra au syndicat de la FEN des chefs d’établissements de l’enseignement secondaire, le SNPDEN. Sa nomination comme principal de collège ne fut pas du goût d’un certain nombre de ses camarades. Il prit donc progressivement ses distances, de même que Louis Bocquet, avec l’EE où il cessa de militer en 1978. En revanche, il s’investit davantage à cette époque dans la vie mutualiste, tout particulièrement au sein de la MAIF, présidant pendant une quinzaine d’années l’antenne « prévention MAIF » des Côtes-du-Nord.
 
Yves Thomas fut également un militant politique. Il entra en contact avec Antoine Mazier, député-maire socialiste de Saint-Brieuc, et de Tanguy-Prigent qui le convièrent de participer à la fondation du PSA en septembre 1958, puis deux ans plus tard, à celle du PSU où il n’exerça aucune responsabilité départementale. Secrétaire de la section de Pontrieux en 1960, il contribua néanmoins à renforcer son implantation locale en aidant à la création de plusieurs sections. Mais l’essentiel de son activité militante était consacré au syndicalisme enseignant. Yves Thomas, après avoir combattu l’orientation préconisée par Michel Rocard, quitta le PSU en 1974. Trois ans plus tard, il adhéra au nouveau Parti socialiste. A partir de 1977, Yves Thomas engagea un bras de fer avec Marcel Hamon, maire communiste de Plestin-les-Grèves. La constitution de la liste d’union de la gauche fut laborieuse et une liste indépendante de gauche se présenta au premier tour. La droite profita de cette triangulaire pour l’emporter au second tour. Yves Thomas siégea alors dans l’opposition avec trois communistes. En 1979, il fut candidat aux élections cantonales obtenant 1 310 voix loin derrière la candidate communiste Yvette Diguerher (2 288 voix) qui l’emporta au second tour. En 1983, aux élections municipales, il conduisit une liste socialiste qui fut devancée par la liste communiste, obtenant 593 voix en moyenne contre 766 pour le PCF. Le regroupement des forces de gauche se fit au second tour permettant à la liste d’union de la gauche conduite par Yvette Diguerher de l’emporter. Yves Thomas devint maire adjoint chargé de la culture, au sport et de l’enseignement dans une municipalité conduite par le communiste Roger Rioual. Yves Thomas prit sa retraite en 1988 et s’installa l’année suivante à Paimpol. Il entra alors au conseil d’administration de la section MGEN de son département où il siégea jusqu’en 1998. En 2003, Yves Thomas était toujours membre du PS où il avait été longtemps proche du courant animé par Jean Poperen. En retraite Yves Thomas fit des recherches d’histoire locale et publia trois ouvrages.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article178533, notice THOMAS Yves, Jean par Loïc Le Bars, Alain Prigent, François Prigent, version mise en ligne le 11 février 2016, dernière modification le 9 juillet 2016.

Par Loïc Le Bars, Alain Prigent, François Prigent

ŒUVRES : Pontrieux, petite cité du Trégor-Goëlo, Editions La Plomée, 2002. — Crimes et délits dans le Trégor, Editions La Plomée, 2003. — L’eau et le vent de Kerhuel. Une famille de paysans-meuniers au XVIIIe siècle, Editions Oiseaux Papier, 2011

SOURCES : Arch. Nat., 581AP/99, 106, 119. — Arch. Dép. Côtes d’Armor 47W6, rapport des renseignements généraux, juin 1968 ; 1192W25 (Elections municipales de 1977). —Arch. de la FSU 22 (bulletins des sections départementales du SNI et de la FEN). — Maud Crocq, Marcel Hamon (1908-1994). Une grande figure communiste des Côtes-du-Nord, mémoire de maîtrise, sous la direction de Claude Geslin, juin 1998, Rennes II.. —Alain Prigent (sous la direction de), Des salles de classe aux luttes sociales : Mai-juin 1968 dans les Côtes-du-Nord, Publication FSU-22, 2009. — François Prigent, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, thèse de doctorat, Université de Rennes 2, 2011. — Notes de Jacques Girault. — Entretien réalisé en 2003 et 2007.

Iconographie : Photographie du militant.

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