Par Jean-Louis Ponnavoy, Michel Thébault
Né le 9 avril 1903 à Cérilly (Allier) ; exécuté sommairement le 1er septembre 1944 au camp de Natzweiller-Struthof, à Natzwiller (Bas-Rhin) ; tapissier puis affréteur ; résistant réseau SR Alliance.
Victor Joyon était le fils de Gilbert, charcutier et de Léonie Marie Alexandrine Lefèvre, sans profession, domiciliés place du marché à Cérilly. Il exerçait la profession de tapissier à Belleville-sur-Allier (Allier) où il était domicilié, 37 avenue de Vichy et où il se maria le 22 décembre 1928 avec Simone Jacqueline Alix. Ils eurent une fille Monique née le 14 février 1929 à Varennes-sur-Allier (Allier).
Son frère Paul Joyon était entré dans la résistance dès février 1941 au groupe Combat puis en juin 1942 au réseau SR Alliance. Victor entra à son tour dans la Résistance le 1er octobre 1942 également comme membre du réseau de renseignement Alliance d’abord sur le secteur de l’Allier, région Centre. Il fut ensuite affecté par le réseau à la région sud-ouest Hangar, secteur Bordeaux/La Rochelle avec le pseudonyme "Otarie" afin d’organiser et de participer à la collecte des renseignements sur les activités militaires allemandes et les installations maritimes dans le secteur de Bordeaux. Il réussit à entrer comme affréteur au port de Bordeaux, logeant à l’hôtel-café Mazelié, quai de la monnaie à Bordeaux. Il fut arrêté une première fois le 3 mars 1943 et interné au fort du Hâ, à Bordeaux. Libéré faute de preuves le 7 septembre, il se remit au service de l’organisation dans laquelle il fut nommé adjoint du chef du secteur de Bordeaux -La Rochelle Philippe Koenigswerther (alias Mandrille). Il effectuait le relevé des installations de la Kriegsmarine sur la côte Atlantique et participait en outre à des opérations d’évasion et de parachutage.
Il fut arrêté à nouveau par la SIPO-SD le 2 février 1944 au "Bar de la Gironde", quai de la Grave à Bordeaux, en plein travail d’émission par radio de renseignements sur l’activité maritime et terrestre de l’ennemi, suite à la dénonciation par un agent double à la solde de l’ennemi. Il fut de nouveau emprisonné au fort du Hâ puis transféré à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne) et déporté le 14 mai au départ de Compiègne à destination de Strasbourg puis du camp de Schirmeck (Bas-Rhin), où il arriva par le convoi du 15 mai 1944 (29 avril 1944 selon le livre mémorial des déportés) et où il fut interné au block 10 avec tous les hommes du réseau Alliance. Le dossier d’accusation d’espionnage instruit par la Gestapo de Strasbourg dans le cadre de la liste des affaires n° 297 et concernant également André Collard* qui venait d’être arrêté le 26 avril fut transmis le 17 juillet au Tribunal de guerre du Reich qui y apposa les tampons « Geheim » (secret) et « Haftsache » (affaire concernant des détenus) ainsi que la mention « NN » (Nacht und Nebel-Nuit et Brouillard). Il n’y aura aucun procès et les accusés seront remis le 10 à disposition de la Gestapo de Strasbourg mais leur destin s’était déjà accompli car devant l’avance alliée les 106 membres du réseau Alliance détenus à Schirmeck, dont Victor Joyon, furent sur ordre du Haut commandement de la Wehrmacht (OKW) à Berlin, transférés en camionnette par fournées de 12 vers le camp de concentration du Struthof, où ils furent dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944, abattus d’une balle dans la nuque à la chambre d’exécution puis incinérés directement dans le four crématoire du camp, situé dans le même bâtiment.
Son frère Paul Joyon arrêté le 20 avril 1943 fut emprisonné à Fresnes puis dans plusieurs prisons allemandes. Condamné à mort, la peine ne fut pas exécutée et il fut déporté au camp de Sachsenhausen. Il fut libéré par les troupes soviétiques le 22 avril 1945 et put rentrer en France.
Victor Joyon fut homologué comme agent P2 des FFC (Forces françaises combattantes) et chargé de mission de 2e classe avec le grade de lieutenant par arrêté du 26 mai 1948
Il reçut à titre posthume une citation à l’ordre de l’Armée comportant l’attribution de la Croix de guerre avec palme le 27 novembre 1946 et la Médaille de la Résistance par décret du 31 mars 1947 ainsi que le "Certificate of Service" signé du maréchal Montgomery.
Il obtint la mention "Mort pour la France" le 21 mai 1946, le titre de "Déporté résistant" le 22 juin 1954 et la mention "Mort en déportation" par arrêté du 20 octobre 2011.
Son nom figure sur le monument aux morts et sur la stèle commémorative 1939-1945 de Bellerive-sur-Allier (Allier), sur le monument commémoratif de la Résistance à Vichy (Allier), sur la plaque commémorative du réseau S.R. Alliance au camp de concentration du Struthof, à Natzwiller (Bas-Rhin) et sur celle qui est apposée à l’entrée de la base sous-marine, à Bordeaux (Gironde), accompagné d’une citation de Marie-Madeleine Fourcade "Leur sacrifice a permis de renseigner le Commandement Allié sur les mouvements des navires militaires allemands, sous-marins et torpilleurs arrivant et partant de l’Arsenal de Bordeaux. Bientôt, on ne saura plus ce qu’ils ont fait, ni pourquoi ils l’ont fait, même si c’était nécessaire de le faire, voire on les plaindra d’être morts pour rien. Je voudrais qu’on ne les oubliât pas et que l’on comprît surtout quelle était la divine flamme qui les animait... Madame Marie-Madeleine Fourcade (Hérisson)."
Par Jean-Louis Ponnavoy, Michel Thébault
SOURCES : Dossier DAVCC Caen. — Marie-Madeleine Fourcade in L’Arche de ¨Noé Fayard 1968. — Auguste Gerhards in Tribunal de guerre du 3e Reich, Archives historiques de l’armée tchèque, à Prague, éd. Le cherche midi Paris 2014. — Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l’Allier. — Mémorial de l’Alliance, 1948. — État civil.