GAILLARD Jean-Marie, Ange

Par Michel Thébault

Né le 19 juillet 1925 à Juvigny-le-Tertre (Manche), exécuté sommairement le 13 juin 1944 au siège de la Gestapo à Poitiers (Vienne) ; militaire (élève-garde) de l’école de la Garde de Guéret (Creuse) ; résistant FFI.

Jean Gaillard était le fils de Jean, Louis, Marie Gaillard sous-officier de la gendarmerie et de Marcelle, Émilienne Doré. Son père, né le 19 juin 1896 à Pleurtuit (Ille-et-Vilaine), était un ancien combattant de la première guerre mondiale, mobilisé d’avril 1915 à septembre 1919, nommé caporal en septembre 1918. Il s’engagea dans la gendarmerie en février 1921, gendarme à pied puis chef de brigade de 4ème classe le 10 juin 1925, domicilié avec son épouse à Dinard (Ille-et-Vilaine). Jean Gaillard fut orphelin peu après sa naissance, à l’âge de deux mois, après le décès de son père le 21 septembre 1925 à l’hôpital militaire de Rennes, suite à une tuberculose contractée en service. Jean Gaillard, célibataire, âgé de 18 ans, domicilié à Dinard, 12, rue de la Vallée, s’engagea pour trois ans le 11 mai 1944 à l’école de la Garde de Guéret (Creuse). L’école de la Garde créée par une décision du ministère de l’intérieur de Vichy le 29 octobre 1943, était la seule école militaire subsistante sous autorité française. Elle ouvrit ses portes le 24 novembre 1943, à la caserne des Augustines à Guéret (Creuse), après de longues tractations entre le général directeur de la Garde et les autorités d’occupation. Ayant pour mission la formation d’élèves officiers, d’élèves gradés et de gardes, ses effectifs totaux étaient à la veille du 6 juin 1944, d’environ 500 hommes, ce qui en faisait la seule force militaire d’importance du département de la Creuse.
Le 7 juin 1944, Albert Fossey, alias commandant François, dirigea la première libération de Guéret à la tête des maquis de la Creuse. Il obtint grâce à ses contacts personnels avec le directeur des études, le commandant Corberand, le ralliement à la Résistance de la majorité des effectifs de l’école. Jean-Marie Gaillard et les élèves-gardes participèrent à la libération de Guéret au côté des FFI. La garnison allemande de peu d’importance fut vaincue, les prisonniers furent confiés à l’école de la Garde.
Guéret fut ainsi la première préfecture métropolitaine libérée de France. Pour les autorités de Vichy et l’État-major allemand, la situation ne pouvait être acceptée, en particulier le passage d’une unité militaire constituée avec armes et bagages à la Résistance. Le gouvernement de Vichy proclama la déchéance de la nationalité française pour les militaires. L’État-major allemand prépara une offensive ayant pour but de rétablir la liaison stratégique Montluçon – Limoges, d’éliminer les forces de la résistance et en particulier d’anéantir les troupes de la Garde. Le 8 juin une compagnie allemande venue de Montluçon en reconnaissance fut repoussée. Le 9 juin, une opération allemande massive fut organisée, avec l’assaut en provenance de Montluçon de troupes de la Wehrmacht appuyée par l’aviation. Au sud et à l’est des éléments blindés et motorisés de la division Das Reich furent chargées de contrôler les routes et d’empêcher le repli des résistants. Au vu de la disproportion des forces, les chefs de la Résistance ordonnèrent le repli et la dispersion de leurs forces. L’école de la Garde se replia vers Janaillat, 25 km. au sud-ouest de Guéret.
Le 11 juin, des éléments blindés de la division Das Reich (un groupe d’artillerie blindé et des éléments de la 11ème compagnie du 3ème bataillon du régiment Der Führer) se replièrent de Guéret où ils étaient restés le soir du 9 juin à la disposition de la Wehrmacht et se dirigèrent vers Limoges pour rejoindre le gros de la division avant son départ pour le front de Normandie. Ils menèrent dans le secteur de Janaillat une opération à la recherche des prisonniers allemands et des résistants, prenant des otages et terrorisant les habitants. Le 4ème escadron de la garde composé de 80 jeunes élèves-gardes, dont Jean Gaillard, s’était installé après son repli de Guéret dans le hameau de Pierrefitte (commune de Janaillat). Ils avaient la surveillance dans un relais de chasse (relais de la Mossue) situé dans un bois au dessus du hameau de Pierrefitte de 17 prisonniers allemands des combats du 7 juin à Guéret. A 17 h 30, les troupes SS bien renseignées attaquèrent le hameau. Un combat s’engagea, inégal contre des forces blindées. Une partie des gardes parvint à s’enfuir aidés par de jeunes gens du hameau. Le capitaine Jouan et 22 hommes (Jean Gaillard en faisait partie) avec les prisonniers allemands furent encerclés dans le bois et durent se rendre. L’intervention des prisonniers allemands auprès des SS, affirmant avoir toujours été bien traités, leur assura sur le moment la vie sauve. Jean Gaillard fit partie des prisonniers conduits le soir même à Limoges.
Le lendemain, à la suite d’un tri, un convoi d’environ 370 personnes (otages de Tulle, résistants extraits de la prison de Limoges, et les 20 militaires de la garde faits prisonniers la veille dont Jean Gaillard), fut formé et emmené vers Poitiers afin d’être déporté vers l’Allemagne. Il y parvint en fin d’après-midi du 12 juin. Les prisonniers furent regroupés et parqués dans la cour de la Gestapo, rue des Écossais, surveillés par des soldats armés. Dans la nuit, vers deux heures du matin, débuta un bombardement de l’aviation alliée sur le secteur de la gare de Poitiers. Le bâtiment de la Gestapo, proche de la gare fut encadré par les bombes. Les prisonniers se plaquèrent au sol pour se protéger des nombreux éclats qui parvenaient jusqu’à eux. Les soldats tirèrent sur eux au moyen de deux fusils mitrailleurs. Jean Gaillard fit partie des prisonniers tués sur le coup. Ses camarades furent déportés le lendemain vers Compiègne puis Buchenwald. D’abord enterré à Poitiers, son corps fut exhumé et transféré à Dinard le 19 mars 1949.
Il fut déclaré Mort pour la France (décision du 29 décembre 1947) et son nom figure sur le monument aux morts de Dinard (Ille-et-Vilaine). Il reçut à titre posthume la médaille de la Résistance française ainsi que la médaille de la déportation et de l’internement. Il obtint également la Médaille militaire et la Croix de guerre 1939 – 1945 avec citation à l’ordre de l’Armée : « Magnifique patriote. Arrêté pour faits de résistance le 11 juin 1944, a été interné jusqu’au 13 juin 1944, date à laquelle il est mort glorieusement pour la France ». Son nom figure sur le mémorial de la Résistance creusoise à Guéret et sur la plaque « in memoriam » de la caserne de gendarmerie de Guéret (aujourd’hui caserne Bongeot).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article178734, notice GAILLARD Jean-Marie, Ange par Michel Thébault, version mise en ligne le 23 février 2016, dernière modification le 12 mars 2020.

Par Michel Thébault

SOURCES  : Arch. Dép. Vienne, archives du commissariat central de Poitiers 1695 W art. 10 — Arch. Dép. Ille-et-Vilaine (registre matricule) — Amicale des cadets de la GardeJournal de maquis d’un élève de l’École de la Garde — mémorial genweb — État civil, mairie de Poitiers, registre des décès 1944 acte n° 529.

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