Par Dominique Loiseau
Née le 3 juin 1919 à Ault (Somme), morte le 18 février 2019 à Paris ; résistante et déportée ; rédactrice en chef d’Heures claires ; membre du bureau de l’UFF depuis 1954, présidente nationale de 1977 à 1985.
Denise Dumas naquit à Ault, dans les environs du Tréport, dans une famille ayant déjà deux filles. Elle perdit sa mère de bonne heure et son père, d’abord artisan boucher, travailla ensuite comme garçon boucher après avoir fait faillite. Elle-même alla en pension religieuse jusqu’au CEP. Elle fréquenta ensuite l’école communale jusqu’au brevet puis, à quinze ans et demi, suivit un apprentissage de modiste.En effet, son père l’obligea à travailler à quatorze ans. Elle le regretta. Elle devint modiste chez Madame Suzy, rue de la Paix à Paris.
Denise Dumas se maria avec André Risch, un garçon prénommé Robert naquit en 1939, mais le couple se sépara en 1941.
Sa famille n’était pas militante, mais Denise Breton, très marquée par ce qu’elle y avait entendu sur les horreurs de la guerre de 1914-1918 (son père y avait perdu une jambe), eut durant la Seconde Guerre mondiale une réaction patriotique face à l’occupant. Mise en contact avec la Résistance par Pierre Breton, son nouveau compagnon, elle entra le 1er février 1943 dans le réseau F2 des Forces françaises combattantes comme agent de liaison. Le réseau ayant été trahi, tous deux furent arrêtés le 10 août 1943 par la Gestapo de Besançon, à la Ferme de Franois, près de Besançon avec Fanny Schlegel, Georges Maurivard, et Pierre Breton. Son compagnon fut déporté à Buchenwald puis à Dora. Denise Risch passa quatre mois et demi à la prison de Besançon, puis à Romainville au secret pendant un mois. Transférée au camp de Compiègne-Royallieu le 23 janvier 1944, elle aperçut derrière les fils barbelés son compagnon Pierre Breton. Elle fut déportée le 31 janvier 1944 à Ravensbrück puis en octobre 1944 envoyée travailler dans l’usine Siemens-Halske de Zwodaü (kommando en Bohême) dépendant du camp de Flossenbürg.
Libérée le 8 mai 1945, rapatriée en France à l’hôtel Lutétia le 16 mai 1945, elle dit ne pas avoir supporté de retrouver le badinage de ses collègues de l’atelier Velghe, rue Duphot, qui lui donnait alors à confectionner des chapeaux chez elle. Elle se maria en 1948 avec Pierre Breton et cessa alors de travailler, le couple estimant que les revenus du mari, entrepreneur en maçonnerie, étaient suffisants à la vie de la famille. Elle s’occupa de son garçon et donna naissance à deux filles en 1950 et 1952.
Denise Breton se réadapta très difficilement, et considérait que c’est l’Union des femmes françaises qui le lui avait permit. Elle cherchait à son retour des camps un mouvement agissant pour la paix. Une première inscription à l’UFF en 1945 demeura sans suite mais, en 1950, elle participa à une réunion contre les armes atomiques, au moment de l’Appel de Stockholm. C’est ainsi qu’elle commença à y militer, dans le Ier arrondissement de Paris, avec Marguerite (Jean-Richard) Bloch et Françoise Leclercq.
Elle s’investit tout de suite dans l’UFF, en suivit une école de formation de huit jours à Suresnes, et fut élue au conseil national en 1952, puis au bureau national à partir de 1954, et enfin à la vice-présidence (1974) et présidence (1977).
Elle fut à partir de 1958 rédactrice en chef d’Heures claires, périodique de l’UFF, jusqu’à son élection en tant que vice-présidente, y couvrant de grands reportages comme en Iran (reçue par le Shah en 1962), ou en Espagne pour la première grève des mineurs des Asturies sous le régime franquiste, en Tunisie (reçue par Bourguiba). Elle appréciait beaucoup l’intérêt du travail à Heures claires, ainsi que l’équipe formée avec Henriette Bidouze et Colette Sabatier et l’état d’esprit qu’elle trouvait bien plus ouvert qu’à la direction de l’UFF.
Toutefois, elle dit avoir aussi aimé l’UFF pour la diversité sociale des femmes, et y avoir retrouvé à tous les niveaux de responsabilité l’esprit de solidarité de la Résistance et de la déportation. Attirée à la fois par les actions en faveur de la paix et du droit des femmes (« Je suis née féministe », dit-elle), elle participa aux deux commissions nationales et fut, en 1957, co-secrétaire de la commission Paix. Elle suivit également les travaux de la commission "Accouchement sans douleur" qui, dit-elle, permit de dépasser l’ancestral « tu accoucheras dans la douleur » et de développer le respect envers les femmes.
Elle représenta l’UFF à la Fédération démocratique internationale des femmes (FDIF) mais estima qu’il y était difficile, surtout après la mort d’Eugénie Cotton*, d’y parler du droit des femmes, les réflexions y étant plutôt orientées vers la paix et le désarmement. Par ailleurs, n’adhérant elle-même à aucun parti, elle y appréciait peu le côté « très pro-soviétique ». Elle participa néanmoins au Congrès mondial des femmes à Moscou en 1987, assurant la représentation de l’UFF lors de nombreuses rencontres internationales.
Elle représenta également l’UFF au comité de travail féminin créé par Valéry Giscard d’Estaing, et fut nommée Chevalier de la Légion d’Honneur en 1975 puis officier en 1983.
La même année, elle coorganisa un colloque à la Sorbonne sur "Les Femmes dans la Résistance" (actes publiés au Éditions du Rocher en 1997). Elle présenta à Danielle Mitterrand l’exposition sur Danielle Casanova créée par l’UFF.
En 1985, prenant prétexte de son âge, elle quitta la présidence de l’UFF pour devenir présidente du comité d’honneur, créé en 1968. En réalité, elle souhaitait partir, sans pour autant provoquer de conflits. Elle considérait qu’avec le renouvellement des militantes, l’état d’esprit de l’UFF avait changé, privilégiant moins l’union des femmes au profit d’une politique davantage liée au PCF. En tant que présidente du comité d’honneur, elle continua à être membre du bureau national, mais partit définitivement peu de temps après.
Parmi ses souvenirs douloureux de militantisme figurent les luttes contre les guerres coloniales, pour lesquelles, dans un premier temps, il n’était pas facile de mobiliser et qui lui valurent des menaces de la part de l’OAS. Ses meilleurs souvenirs militants sont liés aux victoires obtenues dans le cadre de la lutte pour les droits des femmes, comme la reconnaissance de l’accouchement « sans douleur », le livret de famille aux mères célibataires, désormais appelées « madame »,l’obtention d’un chéquier personnel au nom de la femme en 1965, le changement des régimes matrimoniaux en 1970, .
Son mari, militant communiste, maire adjoint de Sartrouville (Yvelines) durant plusieurs mandats, ne mit aucun obstacle à l’investissement de Denise Breton dans l’UFF, essayant au contraire de lui faciliter la tâche. Ils élevèrent trois enfants et, pour concilier vie familiale et vie militante, furent aidés par une employée qui s’occupait notamment des enfants. Deux de leurs enfants ont milité au PCF ; l’aînée des filles a soutenu un doctorat sur "La socialisation des descendants de déportés" et fut présidente des Amis parisiens de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation à parti de 1997.
Denise Breton écrivit un livre sur de nombreuses femmes (ouvrières, paysannes, intellectuelles) de l’UFF, intitulé Histoires ordinaires du féminin présent, publié en 1982 par les éditions Messidor (Temps actuels).
Par Dominique Loiseau
SOURCES : Entretien avec Denise Breton. — Clara, magazine UFF, mai 1989. —. — Archives nationales de l’UFF. — AFMD (Amis de la Fondation de la Mémoire de la Déportation). — Notes de Catherine Breton.