REZNIC Nadia (Nadejda), épouse STIERS.

Par José Gotovitch

Kichinev (Roumanie), 20 novembre 1903 − Bucarest (Roumanie), 29 avril 1983. Pharmacienne, dirigeante de la Main-d’œuvre étrangère, de la Ligue des femmes contre la guerre impérialiste, membre du Comité central du Parti communiste de Belgique (PCB), résistante, déportée, épouse d’Edouard Stiers.

Née dans une famille juive de trois enfants à Kichinev, d’un père soit employé de banque soit enseignant selon les documents et d’une mère ménagère, Nadia Reznic termine le lycée pour filles de cette ville en 1921. Précédée à Liège (pr. et arr. Liège) en mai 1924 par sa sœur cadette, Natalia (née à Kichinev le 5 octobre 1906) qui a entamé des études de médecine à Liège, elle gagne la Belgique en novembre 1925 comme étudiante en chimie, (comme l’indique le visa belge obtenu à Bucarest), parcours entamé à Gand (Gent, pr. Flandre orientale, arr. Gand) et poursuivi en pharmacie à Liège (pr. et arr. Liège).
Le 22 septembre 1926, Nadia Reznic obtient un visa de séjour illimité donné par le Gouvernement provincial de Flandre orientale. Ayant également transité par Gand, elle retrouve Nadia en 1927 à Bressoux (aujourd’hui commune de Liège) où les deux sœurs résident ensemble avant de se fixer à Liège, rue Thiers de la Chartreuse, puis au Quai de la Boverie.

Les deux sœurs Reznic s’engagent impétueusement dans la militance communiste. Une note anonyme de la Sûreté de l’État décrit l’une d’elles comme faisant partie de « l’État-major juif extrémiste de la région liégeoise, assistant aux meetings communistes et y prenant souvent la parole ». Si Nadia a délaissé quelque temps les études pour militer, elle les reprend avec succès en 1929, précisément quand un arrêté d’expulsion « est émis à son encontre pour motifs politiques », car « elle compromet la tranquillité publique ». Ce mandat qui prend cours en juin 1929, est prorogé jusqu’à fin juillet pour lui permettre de passer ses examens. Le commissaire de police de Liège indique en effet qu’elle doit passer des examens entre le 3 et le 13 juillet. Un arrêté identique frappe également sa sœur. Mais la police ne peut que constater que les deux sœurs ont disparu de leur domicile « sans laisser d’adresse » le 30 juillet 1929. L’arrêté ne peut être signifié à Natalia. Ironie : à la même date, le commissaire de police de Liège signale que Nadia a passé avec satisfaction les deux premières épreuves d’examens et qu’il lui reste à subir les examens oraux et un stage de trois mois !

En réalité, les deux sœurs Reznic sont à Halluin, municipalité communiste du Nord de la France où le 5 octobre 1929, Nadia épouse Edouard Stiers, un militant communiste bruxellois, mariage initialement blanc destiné à lui attribuer la nationalité belge et à la protéger désormais contre l’expulsion. De son côté, Natalia regagne définitivement la Bessarabie (Roumanie).

Désormais « protégée », Nadia Reznic multiplie les activités. Elle milite à Liège où elle est secrétaire fédérale de la Main d’œuvre étrangère (MOE), organisation du PCB qui organise les membres étrangers, alors principalement italiens, juifs (polonais et bessarabiens). Elle peut désormais prendre la parole, voire présider les meetings du Parti comme, par exemple, au Premier mai en 1930 et 1931.

En 1929-1930, la bolchevisation sévit : le PCB décide d’intégrer les étrangers au sein des organisations belges. La direction centrale de la MOE s’incline, mais à l’assemblée liégeoise, le 5 octobre 1930, Nadia Reznic s’oppose violemment à cette option. Elle est aussitôt déchue de cette responsabilité.. En 1931 elle réside toujours à Liège. Mais le parti affecte cette activiste à une autre tâche : en 1932, elle est responsable de la Fédération du Centre du parti, ultérieurement secrétaire nationale de la Ligue des femmes contre la guerre impérialiste, l’organisation qui évoluera successivement en Ligue des femmes contre la guerre et la misère puis, en septembre 1933, la Ligue des femmes contre la guerre et le fascisme (CMF).
À l’été 1932, lors des grèves violentes qui éclatent dans le Hainaut, le Gouvernement déclenche une vague d’arrestations qui vise toute la direction communiste sous l’inculpation de « complot contre la sécurité de l’État ». Nadia Reznic est du lot : elle est écrouée à Mons (pr. Hainaut, arr. Mons) le 15 juillet 1932. Elle fait un aller-retour entre la prison de Mons et celle de Forest (Bruxelles) pour comparaître en appel. On ne possède pas plus d’informations sur cette inculpation qui semble s’évanouir en septembre 1932.
Cela n’interrompt pas la série d’inculpations qui se répète en février, avril, juin et novembre 1933, en décembre 1934 à Bruxelles, Ixelles, Molenbeek (Bruxelles), Châtelet (pr. Hainaut, arr. Charleroi), La Louvière (pr. Hainaut, arr. Soignies), à chaque fois pour des faits qui traduisent manifestations, distributions de tracts, rassemblements interdits : l’activité courante d’une militante quasi-professionnelle.

Sur le conseil du Parti, Nadia Reznic cesse de militer pendant une période pour achever ses études et obtient son diplôme de pharmacienne, avec distinction, à l’Université libre de Bruxelles (ULB) en 1935. Mais c’est pour mieux replonger dans la militance puisqu’au Congrès de 1936, elle est élue au Comité central du PCB et, en 1939, à la Commission centrale de contrôle, poste de responsabilité et de confiance. Elle y demeure jusqu’à la guerre.

Lors du déclenchement de la guerre civile d’Espagne, Nadia Reznic offre de partir comme pharmacienne mais n’est pas acceptée, car les Brigades internationales, lui oppose-t-on, ne font pas appel aux femmes ! En 1937, elle travaille à Morlanwelz (pr. Hainaut, arr. Thuin) la semaine mais revient à Bruxelles le week-end. Le couple habite alors rue des Six Jetons au centre de Bruxelles, puis est inscrit à Saint-Josse ten-Noode (Bruxelles) où son époux, Edouard Stiers, conduit la liste communale en 1938, pour s‘installer en 1939 à Ixelles, rue Wéry. La même année, le 26 octobre, elle accouche d’une fille, Jeanne. Nadia est secrétaire du rayon d’Ixelles, membre du Comité fédéral de Bruxelles.

Le 10 mai 1940, Nadia Reznic est arrêtée, ainsi que son mari, par les Autorités belges comme communistes. Ils sont déportés, elle à Saint-Cyprien (département des Pyrénées-Orientales, France), lui au camp de Vernet en Ariège (département de l’Ariège, France). Elle est libérée en juillet, avec quelques autres militantes, par un coup d’audace de l’avocat belge Jean Fonteyne.

Sans vivre dans la clandestinité, le couple Stiers-Reznic poursuit l’activité clandestine du parti. Ils sont dénoncés et arrêtés à une réunion de groupe dans un café d’Ixelles, le 31 juillet 1941. Selon des sources divergentes, son mari, Edouard Stiers, aurait été arrêté en même temps qu’elle, selon d’autres sources, il l’aurait été le 2 août 1941. Nadia Reznic est reconnue comme prisonnière politique à partir du 31 juillet, date du début de sa détention. De Saint-Gilles (Bruxelles), elle est déportée, après un an à la prison d’Aix, puis à Ravensbruck (Brandebourg, Allemagne) ; elle y est internée du 15 juin 1942 au 2 mars 1945 puis est rapatriée via Hambourg le 30 mai 1945.

La santé de Nadia Reznic est fortement ébranlée, mais après trois mois de clinique, notamment dans celle du docteur Ley, et encore deux mois dans le home des Prisonniers politiques à Limelette (aujourd’hui commune d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, pr. Brabant wallon, arr. Nivelles), elle se remet à la disposition du Parti et demande, « impatiente », à reprendre du service. Mais sa santé ne le lui permet pas.
En 1947, elle désire rentrer en Roumanie où vit sa sœur. Elle vivra un an chez elle avant que le PCB ne s’aperçoive de son départ et envoie une recommandation chaleureuse pour son acceptation au Parti communiste roumain.

Nadia Reznic est retournée dans son pays d’origine avec sa fille, Jeanne, jusqu’alors élevée par ses grands-parents, Charles Stiers et Jeanne Lemaire, et dont la scolarité a débuté en Belgique. Jeanne Stiers poursuivra son parcours en Roumanie, donnant notamment naissance à trois enfants. Quant à Nadia Reznic, son diplôme n’étant pas reconnu en Roumanie, elle travaillera comme traductrice puis comme bibliothécaire et bibliographe.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article179274, notice REZNIC Nadia (Nadejda), épouse STIERS. par José Gotovitch, version mise en ligne le 15 mars 2016, dernière modification le 29 novembre 2022.

Par José Gotovitch

SOURCES : CArCoB, Dossier Commission de contrôle politique − SPF Sécurité sociale, Direction générale Victimes de la Guerre, Dossier Prisonnier politique (http//warvictims.fgov.be) − Archives générales du Royaume, Police des étrangers, dossier 1.417.664 − Renseignements communiqués par Vlad Lutic, petit-fils d’Edouard Stiers et de Nadia Reznic.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable