BIENVENU Robert, Julien, Louis

Par Michel Thébault

Né le 4 décembre 1895 à Paris XIV° arr. (Seine), abattu sommairement le 8 septembre 1940 à Tercé (Vienne) ; coiffeur ; résistant.

Fils de Désiré, Alphonse Bienvenu coiffeur à Paris et d’Aline Reteault, il fit lui-même auprès de son père un apprentissage et une formation de coiffeur. Combattant de la guerre 1914 – 1918, caporal au 273ème RI, il fut gazé et fit sa convalescence à Agen où il fit connaissance de sa première épouse, Augustine Bernard. Démobilisé et travaillant avec son père, il le suivit aux Sables d’Olonne (Vendée). Il y devint franc-maçon et fut initié en juillet 1923 à la loge L’Emancipation sablaise du Grand Orient de France, loge dont il fut secrétaire en 1928 et 1929. Séparé de son épouse, Robert Bienvenu épousa le 14 avril 1930 Madeleine, Marie Bignon à Château-du-Loir (Sarthe). Etabli coiffeur à Poitiers, rue de la Tranchée, il adhéra à la loge La Solidarité, de la Grande Loge de France en 1933 (il en fut maître des cérémonies de 1935 à 1937). Il s’affilia également à la loge L’Avant-Garde du Poitou du Grand Orient de France, en janvier 1934. Au sein de ces deux loges, il participa activement en 1939, au soutien et à l’assistance aux républicains espagnols réfugiés en France.
Il s’engagea dès la défaite de juin 1940 dans des actions de résistance à l’occupant. Le département de la Vienne était coupé en deux par la ligne de démarcation séparant la zone occupée de la zone libre. Robert Bienvenu créa avec un ami, Raymond Guichard, membre comme lui, de la loge L’Avant-Garde du Poitou (GODF) et huissier de justice à Chauvigny en zone libre (Poitiers étant en zone occupée), une filière de passage clandestin de la ligne dans le secteur de Tercé (Vienne), filière avant tout destinée aux républicains espagnols menacés. Selon un itinéraire repéré à l’avance, Robert Bienvenu, et son épouse, toujours accompagnés d’un ou deux Espagnols, effectuèrent le passage, chaque dimanche de juillet et août 1940, jusqu’au 8 septembre 1940. Toujours vêtus en « touristes » à bicyclette, avec panier de pique-nique et cannes à pêche, l’idée était, qu’en cas de contrôle, ils prétexteraient une ignorance du tracé de la ligne de démarcation, et n’encourraient dans ce cas qu’une amende. Ils passaient toujours la ligne entre 12 et 13 heures, à un jour et une heure où il n’y avait jamais de patrouille. Selon une attestation rédigée en 1947 par Juanita Zugazagoita, il fit ainsi « franchir la ligne de démarcation à Mr. Gomez, ministre de l’Intérieur espagnol et à sa famille ».

Le 8 septembre 1940, il organisa un nouveau passage de la ligne de démarcation entre la Maisonneuve (commune de Tercé) et les Chirons (commune de Salles-en-Toulon). Il comptait, en compagnie de son épouse, faire franchir la ligne à deux ressortissants espagnols : Vincent Navarro, né à Madrid en 1902, chauffeur d’auto à Poitiers et Firmin Zugazagoita né à Bilbao en 1922 et étudiant à Poitiers. Il transportait également de l’argent français et espagnol et du courrier (sept lettres écrites en espagnol, documents gouvernementaux espagnols à remettre à Mr. Gomez). Dénoncés par un pâtissier de Poitiers, proche de son salon de coiffure, ils furent interpellés par les troupes allemandes. Tandis que sa femme et les deux espagnols étaient arrêtés, Robert Bienvenu tenta de s’enfuir. Abattu par les soldats, grièvement blessé, Robert Bienvenu parvint à cacher les documents (qui furent récupérés par un cultivateur qui les fit parvenir à Raymond Guichard). Transporté par les soldats allemands à l’église de Tercé, il y décéda le jour même dans l’après-midi.
Ecroué à Poitiers à la prison de la Pierre Levée, Vincent Navarro fut condamné le 23 septembre 1944, par le conseil de guerre de la FeldKommandantur 677 à quatre semaines de prison et libéré le 6 octobre 1940. Firmin Zugazagoita également conduit à la prison de la Pierre Levée à Poitiers, fut libéré le soir du 23 septembre. Le dénonciateur fut à la Libération condamné à quinze ans de prison et à la confiscation de tous ses biens.
Robert Bienvenu fut inhumé au cimetière de Chilvert à Poitiers. Il fut déclaré Mort pour la France et fut fait à titre posthume, par décret du 12 juin 1952, chevalier de la Légion d’honneur sous la justification suivante : « membre de la Résistance intérieure française en qualité d’isolé, il a dès l’arrivée des Allemands, organisé une chaîne de passage à la ligne de démarcation ». Une plaque a été apposée sur les murs de l’église de Tercé pour lui rendre hommage. Son nom figure aussi sur une plaque installée dans le temple de la loge La Solidarité, Grande Loge de France à Poitiers, avec la mention : « Les loges Maçonniques de Poitiers à la mémoire de leurs frères assassinés par les nazis ». Il est considéré comme le premier résistant victime de la répression allemande pour le département de la Vienne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article179281, notice BIENVENU Robert, Julien, Louis par Michel Thébault, version mise en ligne le 15 mars 2016, dernière modification le 17 novembre 2019.

Par Michel Thébault

SOURCES : État civil — Arch Dep 86. Registre d’écrou de la prison de la Pierre Levée. 1567 W art. 48 — Christian Richard, La Solidarité, une loge maçonnique poitevine, Geste Editions 2008 — Christian Richard, Tercé, une commune pendant la Deuxième Guerre Mondiale, Bulletin Soc. Rech. Arch. Chauvigny, n° 33, nov. 1995 — Jean Marie Augustin. Collaboration et épuration dans la Vienne 1940 – 1948. Geste Editions 2014 — ONAC. La ligne de démarcation en Charente et dans la VienneVRID (Vienne-Résistance-Internement-Déportation) — mémorial genweb. Recensement des morts pour la France de Poitiers, relevé n°69066.

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