Par Daniel Grason
Né le 19 août 1903 à Plusquellec (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), mort en action le 19 août 1944 à Paris (Ve arr.) ; receveur à la STCRP, gardien de la paix ; membre d’Honneur de la Police.
Fils de François Le Pape, cultivateur, et de Marie, Valentine Guyomard, méngère, Marcel Le Pape, alla à l’école primaire, il obtint le CEP à l’issue de sa scolarité. La fratrie était de six enfants, il travailla la terre jusqu’à son départ au service militaire avec ses parents à Loguivy-Plougras commune de Plouaret, arrondissement de Lannion. Appelé le 15 novembre 1923 au 110e Régiment d’Artillerie Lourde Portée à Rennes (Ille-et-Vilaine), il fut libéré le 10 mai 1925 avec le grade de brigadier.
Il s’était marié le 28 septembre 1926 avec Francine Dizez en mairie de Botsorhel (Finistère). Après son installation à Paris, au 23 rue Guisarde (VIe arr.), puis 15 avenue Villemain et 6 rue Jonquoy (XIVe arr.), il débuta le 26 octobre 1926 à la Société des Transports en Communs de la Région Parisienne (STCRP) comme receveur sur la ligne de tramway 126. Il écrivit au préfet de police en juillet et septembre 1927 pour solliciter un emploi de gardien de la paix.
Marcel Le Pape reçut une réponse positive, débuta le 26 janvier 1928. Dans sa biographie écrite quarante-huit heures plus tard, il faisait part de ce qui l’avait motivé : « dans l’exercice de mes fonctions de receveur aux tramways, il m’est arrivé à différentes fois, d’être dans l’obligation de requérir un agent pour faire respecter les règlements, lesquels, malgré ma bonne volonté, je ne pouvais pas faire observer.
Alors l’idée m’est venue, qu’un gardien de la paix, exerçait un métier honorable, utile à la société, en faisant respecter les droits de tout le monde, en défendant les honnêtes gens, contre les malfaiteurs, et en faisant vaincre la violence par la raison ».
Le lendemain de Noël 1929 Marcel Le Pape était de service au centre d’hébergement 48 boulevard Jourdan, des mères de famille accompagnées de leurs enfants attendaient… Des enfants de deux mères se chamaillèrent, voulant apaiser la situation Marcel Le Pape demanda à Philomène F… mère de six enfants de l’accompagner dans un bureau. En guise de réponse, manche à balai à la main elle proféra des noms d’oiseaux, accusa la police de soutenir « mieux les bandits que les braves gens ». Les gosses piaillaient… le directeur du centre ramena difficilement le calme. Après plusieurs jours de réflexion le commissaire rédigea un procès-verbal pour « outrages ».
Le 3 février 1930 Antoine F…, ébéniste, mari de Philomène informait le préfet de police qu’il portait plainte contre Le Pape. Le 11 mars le préfet de police s’adressait au procureur de la République demandant le classement sans suite de cette plainte. Il assurait que pour éviter d’autres incidents Marcel Le Pape n’assurerait plus le service au centre d’hébergement du boulevard Jourdan. Quant à Philomène elle accoucha de jumeaux.
Servitude de l’exercice du métier sur la voie publique, le mercredi 3 août 1932, Marcel Le Pape était de service sur le passage clouté de la porte d’Orléans. Vers 9 heures une dame l’informait qu’une concierge partie avec l’argent du terme des locataires était dans le tramway de la ligne 8. Le Pape voyait effectivement le tramway… qui était déjà à cinq cents mètres de là, à la hauteur de l’église de Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine), il expliqua qu’il était dans l’incapacité de rattraper la fugitive. Mécontente, elle s’adressa au quotidien le Petit Parisien fit paraître un entrefilet intitulé « Un agent requis refuse d’appréhender la disparue ». Marcel Le Pape adressa le 5 août une mise au point au directeur du journal, sous le titre « Dont acte » les faits furent rétablis dans l’édition du 6 août 1932. L’administration fut surprise de sa manière de faire c’était à elle de rétablir les faits.
Le commissaire de l’arrondissement l’auditionna, Marcel Le Pape fit amende honorable : « Je reconnais que je n’ai pas été bien inspiré en m’adressant directement au Petit Parisien […] Le « Dont acte » paru ce jour dans le Petit Parisien me donne entière satisfaction ». Le commissaire d’arrondissement concluait son rapport au Directeur général de la police municipale ainsi : « La manière de servir du gardien Le Pape est bonne ». En marge, il écrivit : « J’estime que les observations adressées au gardien Le Pape pourraient clore cette affaire ».
La hiérarchie appréciait Marcel Le Pape pour son sérieux. Fonctionnaire, il était chaque année bien noté, il désirait être nommé brigadier. Pendant la guerre deux années de suite, fait rarissime, il écrivit son souhait de « voir la paix se rétablir le plus rapidement possible », en écho le commissaire répondit : « C’est un désir qu’il partage avec beaucoup d’autres ».
La famille Le Pape quitta le XIVe arrondissement pour habiter au 7 rue de la Paix à Gentilly (Seine, Val-de-Marne), le frère de son épouse Louis Le Dizez était inspecteur de police. Le 19 août à sa prise de service à 13 heures 30 au poste central du XIVe arrondissement, membre du corps franc Marcel Le Pape était désigné pour se rendre à la préfecture de police rejoindre ses collègues. À proximité de la préfecture, au Petit-Pont, angle du quai Montebello, ils furent surpris par plusieurs véhicules allemands qui se dirigeaient vers la place Saint-Michel (Ve arr.). Marcel Le Pape et son collègue descendirent de leur automobile, s’allongèrent sur le trottoir. Lors de l’échange de tirs, probablement mieux armés, les allemands ripostèrent par des rafales de mitraillettes. Marcel le Pape atteint à la tête mourut.
Des brancardiers de l’Hôtel-Dieu emmenèrent son corps à l’amphithéâtre de l’hôpital. Il fut provisoirement inhumé le 25 août au cimetière parisien de Thiais, exhumé puis ré-inhumé le 14 septembre au cimetière de Gentilly. Son nom figure sur la plaque commémorative en mairie du XIVe arrondissement, sur celle de « La paroisse Saint-Dominique à ses enfants morts pour la France 199-1945 », enfin sur la liste des Morts pour la Libération de Paris au Musée de la Police, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, (Ve arr.).
Déclaré « Victime du devoir », nommé brigadier le 19 août 1944, cité à l’Ordre de la Nation (JO du 20 décembre 1944), nommé Chevalier de la Légion d’Honneur (JO du 3 janvier 1945). Marié à Francine, Yvonne Le Dizez, le couple avait une fille nommée Jacqueline, âgée de dix-sept ans, un tuteur fut nommé par l’administration.
Par Daniel Grason
SOURCES : Arch. PPo. KC 21. – « Au cœur de la Préfecture de Police de la Résistance à la Libération », Sous la dir. de Luc Rudolph, Directeur honoraire des services actifs, Éd. LBM, 2009. – Site internet GenWeb. — État civil en ligne cote 5MiEC1959, vue 22