THORRAND Georges, Paul

Par Gérard Leidet

Né le 2 juillet 1936 à Grenoble (Isère) ; instituteur, syndicaliste (SNI) ; militant communiste (1955 - 2014), maire de Miramas (Bouches-du-Rhône) (1977-1989) (1995-2001), vice-président du Conseil régional PACA (1983) ; conseiller général du canton d’Istres-Nord (1994-2001), vice-président du Conseil général des Bouches-du-Rhône (1994-2001).

Georges Thorrand au micro. Derrière lui : René Rieubon.

Georges Thorrand était le fils de Gaston Thorrand (1909-1989), ouvrier mécanicien, et de Paulette Lancelon (1913-2006), comptable. Il vécut son enfance dans un quartier populaire, la cité Paul Mistral, une cité-jardin de Grenoble. Dans sa famille à la culture républicaine bien affirmée, où seul l’anticléricalisme semblait s’être exprimé parfois, on ne parlait pas de politique. Cependant, les lectures enfantines et familiales permettaient aux idées « progressistes » de pénétrer l’univers familial. Chaque semaine, pour le jeune enfant de ces années d’après-guerre, la lecture de Vaillant, « le journal le plus captivant » qui reprenait les planches de Pif publiées dans l’Humanité, éveillait son imaginaire. Mais on lisait aussi chaque jour Les Allobroges, le quotidien régional du PCF qui allait compter dans la prise de conscience des questions sociales de Georges Thorrand. Ainsi se souvenait-il, des années après, des relations détériorées entre les communistes et Pierre Mendès France relatées dans le journal, et des défis auxquels fut confrontée, à cet égard, la fédération de l’Isère du PCF.

Georges Thorrand fréquenta l’école communale Anatole France puis le collège moderne de Grenoble situé dans les locaux de l’ancienne école primaire supérieure, supprimée comme toutes les EPS en août 1941. Il étudia simultanément la musique lorsqu’il entra dans la classe de violoncelle du conservatoire de Grenoble.

Parvenu en classe de seconde, il réussit, en octobre 1952, le concours de l’École normale d’instituteurs d’Aix-en-Provence et se lia d’amitié avec Vincent Porelli et René Merle. De cette génération (1952-1956) d’élèves-maîtres de l’EN d’Aix, plusieurs d’entre eux allaient ensuite, dans les années 1960-1970, entamer un parcours d’élu communiste : Roger Meï, maire de Gardanne, Vincent Porelli (Port-Saint-Louis-du Rhône), Jean Tardito (Aubagne), Georges Vassalo (Grasse) ; ou socialiste comme Maurice Janetti puis sénateur-maire de Saint-Julien-le-Montagnier (Var). Georges Thorrand adhéra immédiatement au Syndicat national des instituteurs (SNI) et milita au sein de la tendance « Bouches-du-Rhône » qui regroupait alors les cégétistes de la FEN, représentée à Marseille par des militants tels que Abbès, Jean-François Battini, Alfred Bizot, Jean Briand Ernest Denoize, Guy Grandemange et Gabriel Vialle. Les débats de tendances dans cette période évoquée par Georges Thorrand étaient rudes, à l’image des échanges avec les militants de l’École émancipée ; ces derniers fustigeaient les dirigeants de la section des Bouches-du-Rhône en les classant en 3 catégories : les « innocents » (ceux qui suivent sans comprendre), les « sorciers » (chargés d’endoctriner), et les « hommes de main » (qui manieraient « le fer, le feu et le sang »).

Georges Thorrand devint membre de la commission des jeunes puis de la commission exécutive au sein de laquelle la personnalité de Thérèse Fiorini, militante modeste mais très écoutée, le marqua durablement. Il assista en 1958 au congrès de Brest du SNI en compagnie de Jean Buisson, l’ancien secrétaire de la section départementale (1948-1950), devenu inspecteur primaire en Bretagne. Le 19 juin 1960, il participa, avec Vincent Porelli, au rassemblement de Vincennes contre la loi Debré organisant le financement public de l’enseignement privé catholique.

Cette période vécue à l’École normale d’Aix devait décider de son adhésion au Parti communiste français qu’il souhaita rejoindre en 1955, une fois le baccalauréat en poche. Fernand Jassaud, son professeur de français, et Louis Leboucher – plus connu sous le pseudonyme de Georges Mounin – son professeur d’italien, et éminent linguiste, exerçaient une influence intellectuelle certaine sur de nombreux étudiants et élèves-maîtres. Georges Mounin, « intellectuel communiste provincial », occupait des fonctions telles que secrétaire de la section d’Aix durant une année (1945-1946), et conseiller municipal communiste à Aix en charge de l’analyse du budget municipal (1950-1958), d’abord dans la majorité socialiste-communiste jusqu’en 1953 puis dans l’opposition au maire Henri Mouret (« indépendant » - centre droit). Les réunions des jeunes communistes de l’école normale se déroulaient au bar Martin, situé près de la mairie. G. Thorrand se rendait alors souvent au conseil municipal, afin de soutenir l’action municipale des deux élus communistes.

En 1956, Georges Thorrand obtint son premier poste d’instituteur à l’école Jean Macé de Miramas. C’était la seule école de la commune, elle comprenait un cours complémentaire. Il enseigna ensuite jusqu’en 1991, année de sa retraite sur le même établissement dans la voie dite « transition-pratique ». Cet enseignement, assuré par des instituteurs spécialisés, était chronologiquement divisé en deux parties : les classes de transition (6e-5e), héritières des classes de fin d’études, les classes pratiques ou terminales pratiques (4e-3e), qui consistaient en une formation pratique pour un apprentissage ou une carrière d’ouvrier spécialisé.

La cité cheminote de Miramas avait été, avant la guerre, la seule commune du département de deux mille cinq cent habitants ou plus à être gérée par les communistes, avec en 1934 l’élection du menuisier Isidore Blanc comme maire de Miramas (1934 à 1940 puis de 1946 à 1953). Lorsque Georges Thorrand s’installa dans la commune, les communistes venaient de perdre la mairie (1953) au profit de Roger Lazard. Il rejoignit alors la direction de la section du PCF dominée par les syndicalistes cheminots CGT. Il découvrit une intransigeance idéologique qui s’expliquait, selon lui, par le fait que « beaucoup d’entre eux avaient subi la captivité ou la déportation ». Par ailleurs, leur réticence face aux orientations nouvelles en faveur de l’Union de la gauche à venir provenait également de la tradition anarcho-syndicaliste des cheminots.

Lors des visites à Miramas de dirigeants fédéraux tels François Billoux, Pierre Doize – qui avait séjourné durant la guerre près de Miramas, embauché comme ouvrier agricole au domaine de Sulauze – ou Georges Lazzarino, le désir de sortir le parti d’un certain isolement se heurtait à l’hostilité de plusieurs militants hostiles à la SFIO.
Après avoir été candidat aux élections municipales de 1965, en troisième position, sur la liste du PCF conduite par Louis Cote, avoir mené la liste en 1971 où il fut battu de peu par Pierre Tristani (liste UDR), Georges Thorrand fut élu maire de Miramas en 1977, dans la foulée du programme commun. Le contexte nouveau, relatif à la création de Fos-ville nouvelle, allait permettre aux communes environnantes, regroupées dans un syndicat communautaire d’aménagement (SCA), de bénéficier de moyens supplémentaires permettant de piloter la réalisation d’équipements structurants. Le SCA permit de mutualiser ces ressources nouvelles provenant notamment de l’installation de la sidérurgie sur la zone industrielle de Fos-sur-Mer. Au cours de cette période, de nombreux équipements furent réalisés afin de développer et de moderniser Miramas. De nombreux groupes scolaires et de structures culturelles virent le jour (créations du lycée Jean Cocteau, du conservatoire de musique, du théâtre de la Colonne, d’un centre de santé municipal mutualiste, de centres sociaux, d’équipements sportifs, d’un centre technique municipal…). En direction de la lecture publique, l’effort le plus singulier fut apporté avec la création de la médiathèque intercommunale adossée à des dotations très importantes en faveur des Bibliothèques centres de documentation (BCD). Celles-ci, situées dans les écoles primaires, apportèrent un appui très innovant vers le milieu des années 1980 aux activités pédagogiques qui se déroulaient dans les classes maternelles et élémentaires.

Réélu maire en 1983, désigné la même année comme l’un des vice-présidents de la Région par Michel Pezet, Georges Thorrand fut battu lors des élections municipales de 1989 par Pierre Carlin, candidat de l’UDF, à la suite d’une campagne très agressive de la Droite locale. Il se retrouva alors simple conseiller municipal dans le groupe de l’opposition. Il fut cependant réélu pour un troisième mandat en 1995 après avoir été élu conseiller général du canton d’Istres-Nord en 1994 (jusqu’en 2001). Le chassé-croisé avec Pierre Carlin se poursuivit en 2001, lorsque ce dernier fut de nouveau maire de Miramas. En 2014, Georges Thorrand avait soutenu la liste conduite par Cécile Dumas « Front de gauche écologiste et citoyen », concurrente de la liste « Divers gauche » conduite par le socialiste Frédéric Vigouroux, maire sortant qui fut réélu avec 5 151 voix et 50,68% des suffrages exprimés. Les communistes locaux s’étant divisés sur la stratégie à suivre (la section du PCF se ralliant dès le 1er tour à la liste F. Vigouroux), Georges Thorrand, toujours en phase avec les directions successives du PCF, fut « suspendu » par son parti et Cécile Dumas fut la seule élue Front de gauche au conseil municipal. En désaccord avec le point de vue local du PCF, il ne reprit pas sa carte en janvier 2015.

D’autres dossiers importants de sa gestion concernèrent l’environnement, avec la rénovation du vieux village, la maîtrise des collines environnantes et la mise à disposition à la population de centaines d’hectares, l’aménagement du domaine de Cabasse et du parc de la poudrerie. Il s’agissait de créer et de perpétuer un « poumon vert » dans une région où l’urbanisation se développait. Par ailleurs, Georges Thorrand a élargi le secteur associatif qui était uniquement lié à l’activité cheminote en facilitant la naissance de structures autogérées dans de nombreux secteurs de la vie municipale notamment en direction des retraités (foyer-restaurant), des personnes en situation d’handicap, ou du milieu sportif. Il s’agissait, ainsi, de rompre avec un certain « assistanat » et de commencer à mettre en œuvre la « gestion démocratique » qui était un de ses engagements essentiels.

En 1960, Georges Thorrand avait épousé Gisèle Zampol (née le 15 mai 1939), institutrice à Miramas. De leur union allaient naître trois enfants, un garçon, né en 1961, et deux filles, sœurs jumelles nées en 1972.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article179621, notice THORRAND Georges, Paul par Gérard Leidet, version mise en ligne le 7 juin 2021, dernière modification le 10 juillet 2022.

Par Gérard Leidet

Georges Thorrand au micro. Derrière lui : René Rieubon.
Inauguration de l’Espace Ambroise Croizat (à destination des personnes âgées), 1981
Georges Thorrand et Vincent Porelli sur le cours Mirabeau (Aix-en-Provence) du temps où ils étaient élèves de l’École normale d’instituteurs [photo tirée de Miramoi n°17].
Vincent Porelli et Georges Thorrand

SOURCES : Archives de la section départementale des Bouches-du-Rhône du SNI. — Archives de la fédération des Bouches-du-Rhône du PCF. — Miramoi, mensuel d’information de la ville de Miramas, n°17, mars 1988 [photographie]. — Miramas en Provence n°1, avril-mai 1989. — Dimitri Manessis, La Fédération de l’Isère du Parti communiste français face à Pierre Mendès France. Mémoire de Master 1 « Sciences humaines et sociales ». Mention : Histoire. Spécialité : Histoire des sociétés modernes et contemporaines, sous la direction de M. Johann Chapoutot (2011-2012). — Notice Georges Mounin, par Nicole Racine, in DBMOF, tome 37, 1990. — Max Butlen, « Les BCD seraient-elles mortes ? » in Argos, la revue des BCD et CDI, Dossier : vers une politique documentaire ? / 2. Prévenir. — Entretien avec le militant, 6 février 2016. — Archives Argiolas. — Notes et iconographie de Renaud Poulain-Argiolas.

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