FUENTES José

Par Michel Thébault

Né le 17 avril 1914 à Madrid (Espagne), fusillé le 4 avril 1944 après condamnation d’une cour martiale du régime de Vichy à la maison d’arrêt de Limoges (Haute-Vienne) ; républicain espagnol ; résistant et maquisard FTPF de la Creuse.

Républicain espagnol réfugié en France lors de la défaite de l’armée républicaine espagnole, il entra le 11 février 1939 sur le territoire français et fut interné dans un premier temps au camp d’Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales). Célibataire, après une étape dans un camp de travailleurs étrangers du Gers, il fut affecté au GTE 420 de Clocher, commune de Saint-Sulpice-Le-Guéretois (Creuse). La loi du 27 septembre 1940 organisant les GTE, prévoyait de mettre les étrangers des GTE à la disposition d’entreprises, l’objectif étant en Creuse de fournir de la main d’œuvre pour les travaux agricoles et forestiers, main d’œuvre d’autant plus attendue que le nombre conséquent des prisonniers de guerre posait problème au fonctionnement des exploitations agricoles. Arrivé au camp en juillet 1941, José Fuentes fut placé comme ouvrier agricole dans une ferme de la commune de Saint-Agnant-de-Versillat (Creuse), au nord de La Souterraine et à la frontière de la Haute-Vienne.
Le journal tenu par un jeune résistant devenu historien, Marc Parrotin (repris après la guerre dans un livre, op. cit.) nous donne le récit du passage au maquis : « dimanche 26 décembre 1943 : ils sont trois camarades espagnols attablés dans la salle de notre café-tabac, cet après-midi. Je les connais bien, ces combattants de l’armée républicaine que la défaite a amenés dans notre région après une longue détention dans des camps de réfugiés. Il y a là José Fuentes qui travaille dans une ferme de Villeberthe, Francisco Roberto et Miguel Lopez dit Vidal. Ils viennent assez régulièrement chez nous, le dimanche, heureux de s’y retrouver. Chassés de leur patrie par le fascisme, ils sont ouvriers agricoles, pauvres, mais scrupuleusement honnêtes. Parfois, surtout quand ils retrouvent le fils des Lachaise, un ancien des brigades internationales, ils entonnent des complaintes de leur pays natal et aussi des chants révolutionnaires où s’exprime la haine d’Alphonso XIII et de Franco et où sont exaltés les combats de l’Ebre et de Guadalajara. Mais aujourd’hui, ils sont soucieux, José vient de recevoir une convocation pour le S.T.O. Ils sortent ensemble et je les revois peu après, au pont de Mazeigoux, tout au bord de la rivière où ils discutent à voix basse. Je comprends que Francisco et Vidal veulent décider José à les rejoindre au Maquis ».
En effet depuis octobre 1943, le responsable régional FTPF avait décidé de réunir les espagnols engagés dans la clandestinité au sein d’un groupe FTP-MOI (Main d’Œuvre Immigrée), au hameau de Nouvelours, commune de Grand-Bourg, à l’endroit où Vidal De Juana Baldazo avait travaillé entre 1941 et 1943 et noué de solides amitiés. José Fuentes intégra donc ce maquis après avoir déserté du GTE 420 et fut caché chez un agriculteur du village de Nouvelours, Mr. Terrasson. Le 20 mars 1944, suite à une dénonciation, une vaste opération policière fut menée dans la commune de Grand Bourg, par la 20ème brigade de police de sûreté du gouvernement de Vichy appuyée par des détachements du 5ème régiment de la Garde et du GMR Berry stationné à la Souterraine. Quatre maquisards espagnols furent arrêtés. José Fuentes fut capturé en tentant de porter secours à Vidal De Juana Baldazo, blessé en tentant de s’échapper. Les agriculteurs soupçonnés d’avoir hébergé les maquisards furent également arrêtés et déportés à Buchenwald. José Fuentes fut conduit à Limoges (Haute-Vienne) avec Franscisco Roberto et Ramon Marco et incarcéré à la maison d’arrêt. Remis à la Milice, ils subirent interrogatoires et tortures sous l’autorité de Jean Filliol (un des fondateurs de la Cagoule) chef du deuxième bureau (renseignement) de la Milice de Limoges. José Fuentes fut finalement présenté le 4 avril 1944 devant une "cour martiale" itinérante et anonyme créée en janvier 1944 sous l’autorité du gouvernement de Vichy. Condamné à mort, il fut aussitôt avec ses deux camarades, fusillé à 17 h. dans l’enceinte de la prison. En même temps qu’eux fut également fusillé un résistant FTPF des maquis de la Haute-Vienne, René Jallageas.
Son nom (orthographié Fuantès) figure sur le monument des Espagnols arrêtés à Nouvelours, édifié par la municipalité de Grand-Bourg en 1978, au lieudit La Montagne, sous l’impulsion de l’A.N.A.C.R de la Creuse. Lors de son discours du 16 septembre 2007, Raoul Vaugelade de l’ANACR cite le témoignage d’Adrien Bounaud, étudiant en droit réfractaire, qui avait connu ces hommes : « Je me rappelle bien les quatre Espagnols qui ont été fusillés à Limoges au début 1944 ; il y avait Vidal, âgé d’une quarantaine d’année, ex-lieutenant de l’armée républicaine ; José, un paysan de très petite taille, brun comme le jais ; le grand François, un garçon élégant dont j’ai retenu qu’il chantait bien, et Ramón, un jeune qui les avait rejoints à Nouvelours. C’est le petit José qui, bien que peu instruit m’a fait connaître mon premier poème de García Lorca, le grand poète espagnol assassiné par les franquistes. Je me souviens du début : « Yo que me la llevé al rio/Pensando que era mozuelle/Pero tenia marido… » (sic).
Je n’ai connu García Lorca que plus tard, mais ce poème, je ne l’ai pas oublié ».
Le nom de José Fuentes figure aussi (là encore orthographié Fuantès) à Guéret (Creuse) sur le mémorial de la Résistance creusoise.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article179718, notice FUENTES José par Michel Thébault, version mise en ligne le 4 avril 2016, dernière modification le 10 novembre 2020.

Par Michel Thébault

SOURCES : Marc Parrotin, Le temps du maquis, histoire de la Résistance en Creuse, Verso 1984 et Immigrés dans la résistance en Creuse, Verso 1998 — Christophe Moreigne, Réfugiés et travailleurs étrangers dans la Creuse (1940 – 1944), ARSVHRC 2006 et l’internement des travailleurs étrangers in La Creuse pendant la seconde guerre mondiale, Le Puy Frau 2012 — Eva Léger, L’exil républicain espagnol en Limousin, cartographie des mémoires, des imaginaires et des appartenances, thèse de doctorat Paris Ouest Nanterre, 2014 — Article de presse La Montagne.

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