CATHALA Marie, Édouard, Joseph

Par André D. Robert

Né le 4 décembre 1892 à Castelnaudary (Aude), mort le 19 avril 1969 à Toulouse (Haute-Garonne) ; professeur d’université, chercheur spécialisé en génie chimique ; résistant ; président de la sous-commission des questions intellectuelles et d’enseignement créée par la France libre.

Fils de Charles, Louis, Antoine Cathala, avocat-avoué, et d’Hermance, Marie-Louise Sancery, sans profession, Joseph Cathala était le huitième d’une famille de 14 enfants. Après un baccalauréat latin-sciences et mathématiques (1908-1909), il entra en 1909 à la faculté des sciences de Toulouse, où il étudia sous la direction des professeurs Bouasse, Camichel, Paul Sabatier (prix Nobel 1912). Détenteur du diplôme d’études supérieures de chimie, boursier d’agrégation en 1913, il suivit les cours de la faculté des sciences de Marseille d’octobre 1913 à février 1914. Il devint alors, le 1er mars 1914, préparateur du professeur Camille Matignon, titulaire de la chaire de chimie minérale au Collège de France ; il resta son collaborateur jusqu’en 1927, avec une interruption pour « campagnes de guerre », du 7 janvier 1915 au 15 août 1919. Réformé, en service spécial comme infirmier militaire, il fut intoxiqué aux gaz asphyxiants et hospitalisé de mars à octobre 1917. Il fut nommé conseiller technique de l’aviation en 1920.

Joseph Cathala se maria le 19 août 1914 à Saint-Lizier (Ariège) avec Elisabeth Noémie Cohn. Le couple eut sept enfants (3 garçons, 4 filles).

Joseph Cathala devint docteur ès sciences en 1927 (titre de sa thèse : « Contribution à l’étude des réactions photochimiques des halogènes ») et, à cette date, partit au Canada occuper une chaire de chimie inorganique à l’université Laval, à Québec. Ce séjour en Amérique du Nord entre le 1er octobre 1927 et le 30 octobre 1930 lui fit acquérir une admiration pour une pédagogie universitaire étroitement liée à une conception moderne de la chimie. Il évoqua ainsi « les contacts étroits avec l’expérience pédagogique si intéressante que poursuit la puissante “American Chemical Society“ depuis la guerre dans les pays de langue anglaise » lors de son cours inaugural à l’Institut de Chimie de Toulouse (1932). En effet, à son retour en France, il fut chargé de cours à la Faculté des sciences de Toulouse de 1930 à 1932 avant de succéder à Paul Sabatier dans une des deux chaires de chimie de l’université, le 1er mai 1932, prenant ensuite la direction du laboratoire d’électrochimie. Joseph Cathala s’attacha à la rénovation de l’enseignement de la chimie ; il fut rejoint à Toulouse, pour succéder au professeur Giran parti à la retraite, par un autre élève de Paul Sabatier, Mignonac, qui fut chargé de la chaire de chimie générale, tandis que lui-même enseignait la chimie physique et l’électrochimie. Il s’efforça de mettre en œuvre les méthodes observées au Canada et d’implanter en France la notion de génie chimique en relation avec l’industrie électrochimique pyrénéenne, donnant ainsi à son laboratoire un caractère semi-industriel (véritable « usine chimique d’enseignement »). En particulier, il noua des relations avec la Société des Produits azotés dirigée par Jean Gall, et développa des recherches sur la production de l’acide sulfurique à partir du gypse. Un procédé d’extraction au four électrique de mélanges riches en gaz sulfureux fut mis au point à l’échelle industrielle.

Appelé à Bordeaux au ministère de l’Armement le 17 juin 1940 du fait de dispositions prises par le service des Poudres, Joseph Cathala embarqua pour la Grande Bretagne en vertu des accords Raynaud-Churchill, et rejoignit Londres (21 juin). Il fut affecté, en raison de ses compétences scientifiques, aux Poudreries Royales Britanniques. Il y exerça les fonctions d’ingénieur du Génie Chimique et de conseiller scientifique et technique (ce qu’il resta, même après son retour en France, jusqu’en 1959) ; il eut pour mission de développer des ateliers de production d’acide nitrique et d’oxygène. Il dirigea pendant 5 ans deux usines importantes, au service des Alliés. Pendant une partie de cette période, son congé maladie, invoqué pour expliquer son absence à Toulouse et argumenté au motif qu’il aurait été rapatrié en Angleterre car « grièvement blessé » lors de son retour en France à bord du Meknès, torpillé dans la nuit du 24 au 25 juillet, fut renouvelé de trois mois en trois mois par le secrétariat d’État ou le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse du gouvernement de Vichy, à partir du 1er octobre 1940 jusqu’en janvier 1943. A l’issue de démarches difficiles auprès du ministère appuyées par des attestations du recteur de l’Académie de Toulouse, son épouse, restée à Toulouse avec cinq de ses enfants, perçut alors son demi-traitement. Sa famille le rejoignit à Londres en octobre 1942, date à laquelle le doyen de la Faculté des sciences déclara avoir perdu sa trace. Sa fille aînée, qui se maria en Angleterre, y résidait déjà.

Joseph Cathala fut appelé par René Cassin, nommé par le général de Gaulle commissaire national à la Justice et à l’Instruction publique de la France Libre en vertu d’un décret du 2 décembre 1941, à présider les travaux de la sous-commission des questions intellectuelles et d’enseignement. Celle-ci se réunit au 4 Carlton’s Garden à Londres, du 8 juillet 1942 au 27 juillet 1943, à raison d’une réunion tous les quinze jours. Elle inaugura une chaîne de commissions françaises de réforme éducative dont les maillons suivants furent constitués par la commission dite d’Alger présidée par Marcel Durry en 1944, puis par la commission Langevin-Wallon de 1944 à 1947.

Lors de la première séance de la sous-commission le 8 juillet 1942, prenant la parole après René Cassin qui exprima « le besoin de rénovation » se faisant sentir en France, Joseph Cathala insista sur ce même besoin de rénovation en matière pédagogique et évoqua l’expérience anglaise, liée à la conjoncture, de transplantation des enfants des villes menacées par les bombardements vers les campagnes (« un régime d’école primaire différent pour la campagne du régime urbain »), et ses incidences pédagogiques : « L’expérience anglaise actuelle résultant des évacuations massives d’écoles pourrait suggérer […] des observations profitables, dont pourrait tirer parti, après la guerre, une politique résolue de “ruralisation“ de l’école ». Pendant toute la durée des travaux de la sous-commission, le président Cathala se montra bon connaisseur et parfois admirateur du cas anglais ; plus précisément au cours de la séance du 11 juin 1943, il analysa les difficultés d’application du Fischer Act de 1918 concernant l’enseignement professionnel.

Lors de la séance du 2 octobre 1942, la « Note sur les principes fondamentaux de la réforme de l’enseignement français » fit état du projet global, composé de cinq principes, dits de synthèse et de réconciliation, censés guider une réforme démocratique de l’enseignement français après la victoire : 1) former non seulement les intelligences mais les caractères ; 2) faire de l’enseignement un service public, nationalisé, et cependant autonome par rapport à l’État (l’expression « monopole de l’enseignement » étant utilisée au profit de « l’Université » comme ensemble des établissements scolaires et universitaires) ; 3) veiller à ce que l’enseignement ne blesse la conscience d’aucun élève ou parent ; 4) concilier, en vue d’un enseignement civique et moral fondamental, la « tradition chrétienne de la dignité de la personne humaine, [et la] tradition révolutionnaire des Droits de l’homme et du citoyen » ; 5) penser à l’enseignement des adultes « qui devra être étendu et perfectionné, s’inspirera des mêmes idées de pensée libre et de respect de la foi d’autrui ».

Joseph Cathala fut ensuite missionné à Alger du 1er juin 1943 au 1 février 1944.

Après la guerre, Joseph Cathala rejoignit son université et son laboratoire à Toulouse à la fin de 1945, où il développa la notion, originale en France, de « génie chimique » (adaptation de l’anglais « chemical engineering »). Avec l’appui de la Direction des Poudres au ministère de la Défense nationale et de la Direction des industries chimiques au ministère de l’Industrie, il réunit une équipe de collaborateurs, nécessaire pour développer l’enseignement du génie chimique. Dans ce contexte, fut créé en mars 1948 le diplôme d’ingénieur du Génie chimique (en remplacement de celui d’ingénieur électrochimiste) ; l’Institut du Génie chimique de Toulouse fut officialisé en 1949 (assimilé aux ENSI en 1953, et devenu ENSIGC en 1975). Les travaux de Joseph Cathala furent à l’origine de perfectionnements importants apportés aux procédés de fabrication de l’acide sulfurique et de l’acide nitrique, et reçurent la consécration de la pratique industrielle (sous la forme d’usine pilote transformée ensuite en usine de production). Y ayant adhéré en 1946, il devint en 1959 le vice-président de l’« Institution of Chemical Engineers » (IChemE), organisme britannique professionnel de qualification des « chemical engineers », qui reconnut, pour la première fois hors du Commonwealth, l’Institut de Génie Chimique comme apte à former des étudiants « graduate » en « chemical engineering ».

Joseph Cathala reçut la médaille commémorative des Forces Françaises Libres ; il fut fait chevalier de la Légion d’honneur en 1951, officier en 1961. Il était commandeur de l’ordre des Palmes Académiques depuis le 14 juillet 1951.

Cathala fut maintenu dans ses fonctions au-delà de la limite d’âge de son cadre « pour services rendus dans la Résistance » ; il prit sa retraite le 30 septembre 1966.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article179850, notice CATHALA Marie, Édouard, Joseph par André D. Robert, version mise en ligne le 11 avril 2016, dernière modification le 6 décembre 2022.

Par André D. Robert

SOURCES : Arch. Nat. F/17/28638, 71 AJ 62 « France combattante, secrétariat des commissions », (procès-verbaux des réunions de la section enseignement) ; base Leonore, dossier des titulaires de l’ordre de la Légion d’honneur, cote 19800035/1001/15815. — Cours inaugural du professeur J. Cathala, in Bulletin de l’Association des Ingénieurs et Élèves de l’Institut de Chimie de Toulouse, n° 11, juin 1932. — Jean-François Muracciole, Les enfants de la défaite. La Résistance, la culture et l’éducation (1940-1944), Paris, Presses de Sciences Po, 1998 ; André D. Robert, « La commission Cathala et le modèle anglais, Londres 1942-1943 », Carrefours de l’éducation, n° 41, (2016) ; Michel Grossetti et Claude Detrez « Sciences d’ingénieurs et sciences pour l’ingénieur : l’exemple du génie chimique » in Sciences de la société, numéro 49, 63-85 (accessible : https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00127990/document) ; « Note biographique concernant le professeur J. Cathala » dactylographiée (anonyme, postérieure à 1959) communiquée par Michel Grossetti. — Sites : http://www.francaislibres.net/liste/fiche.php?index=59892 ; http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/leonore_fr ?

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