VÉNITIEN Jean [VÉNITIEN Jean, Louis, Léon]

Par Anysia L’Hotellier

Né le 8 mars 1911 à Constantine (Algérie), mort le 27 mai 1995 à Chevreuse (Yvelines) ; artiste peintre, illustrateur.

Jean Vénitien vit le jour à Constantine en Algérie où son père, Paul Vénitien, était géomètre au service topographique. Quelques années plus tard, sa famille partit pour Alger, dans la basse Casbah, où son père exerça le métier de décorateur de théâtres et de l’Opéra pour mieux préserver sa santé. Durant la Première guerre mondiale, ce dernier fut mobilisé et il mourut en 1919 à l’âge de 33 ans des suites des dommages causés par les gaz de combat utilisé pendant le conflit. Le 6 novembre 1919, Jean devint donc pupille de la nation. Sa mère, Alix Giraudet, fut obligée de trouver un travail pour subvenir à leurs besoins. Jean Vénitien acheva ses études secondaires classiques tout en suivant les cours de l’école des Beaux-arts d’Alger, section architecture.
En 1931, il quitta l’Algérie pour Paris et s’inscrivit à l’École des Beaux-arts section peinture où il se familiarisa avec l’utilisation du fameux nombre d’or appliqué à la peinture. Grâce à une bourse du gouvernement de l’Algérie lui permettant de poursuivre ses études artistiques en France, il fut également admis le 13 février 1932 à l’École nationale des Arts décoratifs de Paris. En 1932, il remporta le prix du gouvernement de l’Algérie. En 1931, il se maria avec une jeune russe du nom de Tarkanoff, fille d’un chef comptable d’une usine en URSS. Il partit ensuite faire son service militaire en tant que brigadier chef dans le train des équipages militaires. De retour à Paris, la vie du jeune peintre était difficile. Il dût travailler comme peintre en bâtiment pour pouvoir continuer ses études et sa femme devint serveuse de restaurant.
En 1935, Jean Vénitien rencontra des amis d’Algérie de sa mère (décédée en 1932) qui l’entrainèrent dans l’association d’anciens combattants les Croix de feu. Il adhéra alors à la ligue des Volontaires nationaux, le mouvement des sympathisants des Croix de feu. L’expérience dura quatre mois. Influencée par sa femme qui commença à se politiser grâce à un ami socialiste russe, Jean Vénitien s’aperçut vite de la réalité de ce mouvement nationaliste et le quitta au bout de quatre mois.
Côté artistique, le jeune peintre, qui commençait à être reconnu comme un excellent portraitiste, évoluait dans le milieu artistique parisien des années 1930. Il côtoyait notamment les peintres du mouvement dit « Réalité Poétique » animé par Maurice Brianchon, Christian Caillard, Jules Cavaillès, Raymond Legueult, Roger Limouse, Roland Oudot, André Planson et Kostia Terechkovitch. Ces artistes partageaient souvent les mêmes ateliers, leurs toiles témoignaient notamment d’une passion pour la couleur. Mais les temps sont durs pour les jeunes peintres. Grâce à René Berthier, un conseiller municipal de Paris, l’État accorda à Jean Vénitien 1000 francs de secours en mars 1938. Durant les années 1930 et 1940, Jean Vénitien participa au Salon des Tuileries, au Salon des indépendants et au Salon d’Automne. Il exposa aux côtés de Pierre Bonnard, Albert Marquet, Maurice de Vlaminck et Georges Rouault. Ce dernier admirait beaucoup ses talents de portraitiste et l’encouragea. Grâce à lui, Jean Vénitien reçut de nombreuses commandes de portraits. Au salon d’Automne 1941, l’État lui acheta une nature morte. En été 1942, une autre toile est achetée par l’État (Femme la mandoline). La même année, il participa à l’exposition « Treize peintres, sculpteurs contemporains » à la Galerie Charpentier. Des expositions personnelles de Vénitien eurent lieu à la galerie Charpentier et à la galerie André Weil.
En 1939, Vénitien fut mobilisé en Algérie et intégra le service auxiliaire du train des équipages à cause de sa santé fragile (insuffisance hépatique prononcée). De retour à Paris et face aux événements terribles de la guerre et de l’occupation, sa femme et lui se rapprochèrent beaucoup des communistes. L’exécution, probablement en 1944, de deux peintres communistes par l’occupant le marqua durablement, il dira plus tard que ce fut l’évènement qui marqua le début de son engagement auprès du Parti communiste français (PCF). Il hébergea durant quelques temps un camarade russe, Borissoff, responsable du journal clandestin Patriote russe (Russkij patriot, 1943-1944). En 1944, il exposa avec Christian Caillard et Roger Limouze à Paris puis à Alger avec Bonnard et Marquet.
En octobre 1946, il adhéra officiellement au PCF et intégra la Fédération de la Seine au sein de la section du XVe arrondissement. Il prit la fonction de délégué à la propagande en novembre 1946 dans une cellule locale. C’est à cette époque qu’il adhéra au syndicat des peintres proche du PCF, l’Union des Arts plastiques. Il adhéra également à l’association France-URSS créée en 1945. Il fut ensuite secrétaire de la cellule Lacazette avant sa fusion avec la cellule Morlaix en 1947, il fit aussi partie d’un comité de section en 1948 au sein de la commission des fêtes. En 1948, il suivit les cours moyens de l’école fédérale du PCF.
En parallèle, Jean Vénitien continuait à peindre. Mais il devait trouver une autre source de revenus pour faire vivre sa famille qui s’était agrandie en 1945 avec la naissance d’un enfant. Il devint ainsi professeur de dessin et d’anatomie à l’Institut des Hautes études cinématographiques. Fort de ce nouveau statut, il rejoignit la CGT enseignement en 1947. Il réalisait aussi parfois des travaux de peintre en bâtiment. En 1947, l’État lui acheta une toile Femme au masque qui sera déposée en 1951 au Musée de Constantine. Au début des années 1950, il fut également professeur de dessin délégué à la Ville de Paris et à l’école communale rue de la Fraternité à Romainville.
À cette époque, Jean Vénitien participait beaucoup aux expositions collectives d’artistes communistes et peignait des œuvres à caractère politique. Comme de nombreux artistes de l’époque, il adhéra quelques temps aux préceptes du réalisme socialiste. Il souhaitait traduire l’angoisse et la révolte du monde après l’horreur de la guerre. Il peignit des toiles comme Le fusillé, Le jugement de Paris, Nous voulons la paix, etc. Au début des années 1950, il exécuta le portrait du dirigeant communiste Jacques Duclos (Duclos à la tribune) sur lequel on voit le député haranguer l’Assemblée nationale avec pugnacité. Il réalisa un peu plus tard le portrait du ministre Jules Moch, ce qui suscita quelques débats dans son entourage. Du 14 au 31 mai 1953, à la Maison des métallurgistes de Paris, des dizaines de toiles et dessins furent consacrés à la vie de Marx pour une exposition interne au Parti communiste intitulée « De Marx à Staline ». Plusieurs œuvres avaient pour sujet la mort de Marx comme la toile de Jean Vénitien, La mort de Marx. En 1954, il créa une toile intitulée La mort d’Alfred Gadois (Alfred Gadois était un ouvrier tué par un caporal américain de la base militaire de Melun, ses obsèques furent l’occasion pour le PCF de dénoncer la présence sur le sol français des soldats de l’OTAN). Jean Vénitien eut l’occasion de réaliser un portrait officiel de Maurice Thorez. Au début des années 1950, pendant environ deux ou trois ans, Jean Vénitien accompagna des groupes de jeunes communistes lors de voyages en Europe de l’est organisés par le PCF. À partir du milieu des années 1950, il s’éloigna du PCF.
Suite à un signalement réalisé par son ami peintre Roger Limouse, alors professeur à l’école des Beaux-arts de Paris, de la situation financière particulièrement difficile que Vénitien traversait, l’Etat lui acheta en 1954 une toile intitulée Les transformateurs.
En 1958, Jean Vénitien quitta Paris et s’installa avec Marcelle Capy, sa nouvelle compagne, au Prieuré Saint-Saturnin de Chevreuse pour y vivre et y installer son atelier. Ensemble, ils sauvèrent de la ruine ce monument historique. Juste à côté de l’atelier, ils aménagèrent un restaurant dans lequel ils recevaient régulièrement leurs amis et leurs proches.
Durant les années 1960, Jean Vénitien participa à divers salons et expositions collectives. Il fit de nombreux portraits, notamment celui du Docteur Pierre Osenat... Ce dernier fut un ami très proche de Jean Vénitien. En 1969, Jean Vénitien illustra un recueil de poésie de ce médecin-écrivain. Dans les années 1980, Pierre Osenat écrivit plusieurs ouvrages sur le peintre. À cette époque, Jean Vénitien peignit aussi le Vercors, la vallée de l’Isère, le village de Saint-Antoine où il possédait une habitation où encore Arcachon et les bords de Seine. À partir de 1964, Jean Vénitien exposa régulièrement aux États-Unis. L’Amérique voyait Vénitien comme un peintre représentatif de l’art français. On doit à son amie Françoise Eric, directrice des Eric galleries de New York d’avoir introduit cet artiste chez les collectionneurs et dans les musées américains.
En juin 1966, une exposition personnelle fut organisée à la Galerie Durand-Ruel à Paris. À la fin des années 1960 puis dans les années 1980, il fut professeur à l’école des Beaux-Arts de Paris où il donnait notamment des conférences sur la loi du nombre d’or.
Une exposition rétrospective Jean Vénitien eut lieu du 10/05/2014 au 01/06/2014 au Centre d’art contemporain Prieuré Saint-Saturnin de Chevreuse.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article180029, notice VÉNITIEN Jean [VÉNITIEN Jean, Louis, Léon] par Anysia L’Hotellier, version mise en ligne le 23 avril 2016, dernière modification le 21 mai 2016.

Par Anysia L’Hotellier

SOURCES : Pierre Osenat, Jean Vénitien vu par le poète Pierre Osenat, Béziers, 1984, [77] p. — Pierre Osenat, Vision sur un peintre, 1984 — « Vénitien, un personnage haut en couleurs », dans Mémoire de Chevreuse, bulletin n°12, association La mémoire de la ville et de la cathédrale de Chevreuse, 2014, pp. 7 à 9 — Archives du Parti Communiste Français, dossier Jean Vénitien — Archives nationales (Ecole nationale des Arts décoratifs : AJ/53/140 ; Ecole nationale des Beaux-arts : AJ/52/1203 ; commandes et achats d’œuvres d’art par l’Etat : F21/6858, 6948, 7024/B, — — Entretiens avec Paule et Jean-Claude Domenech, amis et fondateurs du Cercle des amis de Jean Vénitien (mars 2016).
OEUVRE : Principales institutions conservant les œuvres de Jean Vénitien : Musée national d’art moderne – Centre Georges Pompidou, Musée d’art moderne de la ville de Paris, Musée d’Alger, Musée du Caire, Musée de Bucarest, Musée de Moscou, University of Virginia Art Museum (Charlottesville, Etats-Unis), collections particulières en Europe et aux Etats-Unis.

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