VENDART Jean

Par Isabelle Antonutti, Frédéric Stévenot

Né le 7 juillet 1937 à Paris (XIVe arr.) ; métallurgie, électromécanicien ; soldat du refus pendant la guerre d’Algérie ; président de l’association l’ACCA (Agir contre le colonialisme aujourd’hui).

Jean Vendart vécut dans le XIIe puis le XIe arrondissement. Son père était ouvrier tourneur et sa mère ouvrière spécialisée ; ils travaillaient chez Citroën. Très jeune, son père vendait L’Humanité Dimanche dans le XIIe arrondissement, sans avoir une implication militante beaucoup plus importante ; son fils l’accompagna vers treize ou quatorze ans, marqué par la guerre, la Résistance et des modèles comme Guy Môquet. C’est là que Jean Vendart entra en contact avec des membres de l’UJCF, et s’engagea à leurs côtés assez rapidement. À quatorze ans, il était secrétaire de cercle. À seize ans, il participa comme délégué au quatrième festival international de la jeunesse, qui se tint à Bucarest du 2 au 16 août 1953 ; au retour, il adhéra au PCF.
Entre temps, il passa son certificat d’études. Jean Vendart travailla dans la métallurgie à partir de 1954, avant de devenir électromécanicien dans la presse quotidienne pour Le Parisien libéré, puis Le Figaro-Sirlo, Paris-Print et Roissy-Print. Il adhéra à la CGT en 1952, alors qu’il était au centre d’apprentissage d’usine.

En septembre 1957, Jean Vendart fut appelé au service militaire. Après ses auatre mois de classe, à Roanne et Montluçon, au retour d’une marche, il apprit qu’il était affecté en Algérie. En toute conscience, le 28 janvier 1958, il fit alors le choix de ne pas partir se battre contre la liberté d’un peuple qui réclamait son indépendance et l’exprima à ses chefs. C’était la conséquence de son engagement militant au sein du parti, contre la guerre d’Indochine, avec notamment la campagne en faveur d’Henri Martin, condamné à cinq ans de réclusion, mais aussi les manifestations contre la guerre en Algérie, dont celles des rappelés en 1956. La désertion était une possibilité, mais Jean Vendart estima qu’il valait mieux ne pas être en dehors de l’armée, malgré le risque d’emprisonnement. Le défaut de compréhension des buts de guerre se posait alors dans les organisations de jeunesse.

Il adressa une lettre au président de la République : « je ne me pose pas en objecteur de conscience, puisque je porte l’uniforme de l’armée depuis quelques mois. Je suis prêt à faire mon devoir de jeune Français contre quiconque attaquerait mon pays. En tant que citoyen, j’obéis aux lois de la constitution française, qui déclare notamment dans son préambule : "La République n’entreprendra aucune guerre dans des buts de conquête, et n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple". Or, la guerre qui sévit depuis trois années en Algérie est réellement une guerre de conquête dirigée contre la liberté d’un peuple, qui voit chaque jour des jeunes tomber, perdant des vies utiles à la nation, pendant que se creuse un fossé toujours plus grand entre la France et l’Algérie. Donc je refuse de partir en Algérie ».

Convoqué au fort de Vincennes, Jean Vendart ne s’y rendit pas. un jour après, il fut emmené par les autorités militaires. Là, il confirma son refus. Il s’adressa aux soldats dans les chambrées et fut isolé. Il refusa de monter dans les camions, et fut embarqué de force. À Port-Vendres, il demande à parler aux autorités militaires, et exprime à nouveau son refus. Il s’opposa à l’ordre d’embarquer sur le bateau ; il refusa de monter la garde. Il fut alors emmené au quartier général d’Orléansville et emprisonné pendant soixante jours, dont quinze jours de cellule. Certains soldats lui témoignèrent leur soutien ; il fut sorti clandestinement pour venir discuter dans les chambrées, partager un colis. Il fut victime d’intimidations (menaces d’exécution), d’insultes (traître), contraint à des exercices physiques épuisants, etc.. À quelques kilomètres d’Orléansville, emmené en voiture par des gens de la sécurité militaire en civil, pour être contre-interrogé devant le capitaine devant lequel il avait exprimé son refus : les conditions de l’interrogatoire lui firent craindre pour sa vie.

Jean Vendart fut ensuite emmené en train au centre pénitentiaire d’Alger, où il retrouve une dizaine de camarades réfractaires. Il fut jugé le 23 mai 1958 par le tribunal militaire d’Alger. L’avocat qui devait venir de Paris fut empêché de venir l’assister en raison des conditions politiques à Alger. Il fut donc défendu par un avocat commis d’office, qui lui dit son désaccord avec sa conduite, que Jean Vendart dut réfuter au cours du procès pour s’expliquer lui-même. Il fut condamné à deux ans d’emprisonnement pour refus d’obéissance.
Il resta plusieurs mois à Alger, pendant que se développait une campagne d’opinion, soutenu par le Secours populaire, la CGT, le PCF et d’autres organisations. Jean Vendart et d’autres soldats obtinrent de pouvoir revenir en France, enchaîné aux pieds et aux mains, d’abord à Nîmes avant d’être répartis dans plusieurs prisons. Lui fut dirigé vers la prison de Fresnes, puis Toul… Les manifestations se poursuivirent à leur arrivée.
À la centrale de Nîmes, le groupe se battit pour être reconnu comme politique, ce qu’il obtint. C’est là que Jean Vendart apprit la mort de son père. La direction de l’administration pénitentiaire lui refusa une permission pour assister aux obsèques. À Paris, une protestation des associations, du Secours populaire, des syndicats, des partis politiques, des organisations de jeunesse, s’engagea auprès de la présidence de la République, qui obtint que Jean Vendart puisse venir à Paris, seul, pendant deux jours. Il rentra à Nîmes, accompagné par l’un de ses camarades.

Libéré de prison en janvier 1960, se posa alors la question de terminer son service militaire en Algérie ou de s’y refuser. La situation était alors différente. Constatant qu’une certaine prise de conscience avait eu lieu dans l’opinion publique, Jean Vendart décida de partir. La ligne du parti communiste l’y incite également. Le 31 mai 1959, Maurice Thorez avait clairement indiqué que le temps de la désobéissance était terminé, dans son discours de clôture à la conférence fédérale de Paris (« Rassemblons toutes les forces pour la bataille contre le pouvoir personnel. Discours de clôture à la Conférence fédérale de Paris (31 mai 1959) », L’Humanité, 3 juin 1959) : « « Lutter pour la libération des emprisonnés, c’est une chose. Et mener coûte que coûte le travail communiste à l’armée, c’est une autre chose ». Thorez avait aussi cité Lénine : « Le soldat communiste part à toute guerre, même à une guerre réactionnaire pour y poursuivre la lutte contre la guerre. Il travaille là où il est placé. S’il en était autrement, nous aurions une situation telle que nous prendrions position sur des bases purement morales, d’après le caractère de l’action menée par l’armée au détriment de la liaison avec les masses ».

Il arriva dans une compagnie chargée du matériel parachutiste, puis fut affecté dans une compagnie de réparation automobile à Navarre. Il continua à expliquer son parcours aux appelés, et eut le sentiment que son engagement était compris., d’autant qu’ils avaient été confrontés aux enjeux d’une situation algérienne qu’ils méconnaissaient avant leur incorporation. Jean Vendart ne participa à aucune opération de répression. Différents mouvements de grève eurent lieu dans la compagnie, sur la question de la discipline, de la nourriture, des activités, etc., en obtenant satisfaction sur un certain nombre de revendications. Le récit de ces mouvements parut dans un journal que reçut un appelé de la compagnie, lequel journal avait repris la lettre qu’avait envoyé Jean Vendart à sa famille. Cette publication émanait du parti communiste, et était explicitement destinée aux appelés.
Lors du putsch des généraux, en avril 1961, un comité révolutionnaire se constitua le 21 et 22 sur la base des mouvements précédents. Il réfléchit sur la situation et s’organisa dans l’éventualité d’actions des putschistes contre le dépôt de matériel, qui était très important. Les officiers durent prendre position et, pour beaucoup, exprimèrent leur accord ; les autres furent écartés. Là, la troupe apprit ce qui se passait en métropole, ce qui conduisit des indécis à se joindre au mouvement : appel à la grève générale de la part de la CGT, manifestations, l’appel de de Gaulle, etc. Des légionnaires et parachutistes putschistes vinrent, mais durent se replier devant la résolution et l’organisation de la compagnie.

Rendu à la vie civile, Jean Vendart fut parmi les « soldats du refus » qui furent reçus et fêtés par la direction du parti communiste au siège du comité central, le 31 mars 1962, en présence de Maurice Thorez, Waldeck Rochet, Jacques Duclos, Etienne Fajon, Raymond Guyot, Paul Laurent.

éprouva des difficultés à évoquer sa période en Algérie avec ses camarades proches qui ont été impliqués dans les opérations. Il reprit son activité militante. Il trouva du travail dans l’imprimerie et, en 1968, devint délégué du personnel. Il poursuivit son combat contre l’impérialisme dans l’association l’ACCA (Agir contre le colonialisme aujourd’hui) dont il devint le président. Il partit en retraite en 1993.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article180145, notice VENDART Jean par Isabelle Antonutti, Frédéric Stévenot, version mise en ligne le 28 avril 2016, dernière modification le 8 novembre 2019.

Par Isabelle Antonutti, Frédéric Stévenot

SOURCES. Renseignements fourni par Jean Vendart (questionnaire). — Sites Internet : Wikipedia ; Espace parisien Histoire Mémoire guerre d’Algérie (EPHMGA (témoignage audio-visuel de Jean Vendart, enregistré le 16 mars 2011) ; site de Michel Ancelot. — Institut CGT d’histoire sociale du livre parisien, Esprits de résistance (témoignage sur leur parcours en Algérie d’Alfred Gerson, Jean Vendart, Daniel Vernhettes).

ICONOGRAPHIE. EPHMGA

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