VILLE Célina, Adélaïde, née LÉONARD

Par Pierre Bonnaud

Née le 26 mai 1905 à Meysse (Ardèche), morte le 18 février 1974 à Pierrefeu-du-Var (Var) ; rédacteur principal de préfecture, révoquée en 1940, réintégrée en 1944, attachée de préfecture après 1950 ; militante du parti communiste et de l’union des femmes françaises  ; membre du comité départemental de Libération de l’Ardèche où elle représente les comités des femmes de France ; trésorière fédérale du PCF de 1944 à 1953 ; secrétaire départementale de l’UFF de 1954 à 1960.

Célina Ville au centre de la photo
Célina Ville au centre de la photo

Célina Adélaïde Léonard était la fille de Henri Saturnin Léonard, receveur des postes à Meysse (Ardèche) et de Adélaïde Appolonie Blachère. Voeuf, son père prit la direction d’une entreprise de papeterie à l’Isle-sur-Sorgue (Vaucluse) d’où sa famille était originaire. Il se remaria et eut une deuxième fille. La belle-mère de Célina avait eu un enfant d’un premier lit, Robert Ville. Célina l’épousa le 6 décembre 1927 à Gras (Ardèche).
À cette date elle était institutrice, en poste en Ardèche. Suivant la même voie que son mari, elle entra bientôt dans l’administration préfectorale à Privas comme rédacteur stagiaire. L’amicale des employés de préfecture de Privas s’était affiliée en 1923 à la fédération nationale des syndicats de fonctionnaires adhérente à la CGT. En 1933, dans plusieurs listes de souscription de la section syndicale -dont le secrétaire était alors Marcel Champanhet, rédacteur principal- apparaissent les noms de Célina et de Robert Ville.
C’est à cette même année 1933 que se réfère le commissaire spécial de Privas (dans un rapport au préfet le 22 décembre 1939) pour situer l’adhésion des Ville au Parti Communiste. En fait, l’année 1931, donnée par Célina Ville elle-même dans les différents documents relatifs aux conférences fédérales d’après guerre paraît plus vraisemblable. Elle correspond à une première vague d’engagement antifasciste et au regain de l’activité du Parti communiste dans la préfecture ardéchoise, sous l’impulsion notamment du philosophe Henri Lefevre* en poste au collège de Privas. Jusqu’en 1939, les Ville comptèrent parmi les animateurs de la cellule locale qui se réunissait régulièrement au café-restaurant Levêque à Privas. En 1936, ils devinrent rédacteurs principaux de préfecture, et étaient parents d’une petite fille. Robert Ville et l’enfant contractèrent la tuberculose.
En 1939, après la signature du Pacte germano-soviétique le 23 Aout, les Ville s’abstinrent de toute activité publique. Cependant, le 27 septembre, leur domicile fut l’objet d’une perquisition opérée par le capitaine de gendarmerie de Privas. Un lot important de "publications et livres doctrinaires communistes ou soviétiques" (rapport du commissaire spécial le 22 décembre 1939) fut saisi. Le préfet de l’Ardèche proposa de les sanctionner par une mutation (tentative de protéger ses collaborateurs ?). Sous la pression du ministère de l’intérieur, il dut finalement appliquer le décret du 18 Novembre 1939 qui prescrivait les "mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique" et prononça leur révocation par arrêté le 3 Janvier 1940
Tandis que Robert Ville, malgré un état de santé très précaire était mobilisé à Grenoble, Célina vécut d’expédients, de petits travaux de tricot et de dactylographie. Les décès successifs de sa fille (1941), et de son mari (avril 1942) survinrent sur fonds de misère matérielle. Durant cette période, les contacts avec le PC désorganisé par la répression furent probablement très limités, voire interrompus.
Effectuant des travaux pour un organisme dépendant des services du ravitaillement général à Privas (le GIRPIA), Célina Ville entra en contact avec Louis Govers, réfugié belge, agent du SOE britannique. Dès 1941, elle travailla pour les réseaux de renseignement Sabot-Reims et Brick-Oudinot. Sa connaissance des services préfectoraux lui permit de multiplier les aides aux différentes organisations de la Résistance et sans doute vers la fin de 1942 ou le début de 1943 elle renoua avec le Parti communiste clandestin. À la fin de l’année 42, elle assurait la liaison entre les organisations résistantes de l’Ardèche et les réfugiés républicains espagnols de l’UNE. (voir biographie de Rosa Sarda, épouse Ponton).
Le 10 août 1944, au cours d’une réunion à Lalevade d’Ardèche, Célina Ville entra au CDL en tant que représentante du comité des femmes de France. Après la libération de la préfecture le 12 août, elle devint vice-présidente du comité des femmes de Privas, fit partie du bureau du premier comité départemental présidé par Marie-Louise Heller, et contribua à la publication d’un bi-mensuel départemental La voix des femmes qui parut jusqu’ en octobre 1945.
Réintégrée dans l’administration préfectorale comme chef de bureau - elle fut intégrée en 1950 dans le cadre des attachés de préfecture - elle participa le 24 septembre 1944 à la première conférence légale de la nouvelle "région" communiste ardéchoise qui se tint à Privas (voir Raoul Galataud*). Trésorière de la fédération jusqu’en 1953, membre du bureau fédéral jusqu’en 1960, elle participa notamment au XIe congrès du PCF qui se tint à Strasbourg en juillet 1947. La délégation ardéchoise était conduite par Roger Roucaute* et Henri Chaze*.
Célina Ville fut dans la période 1945-1960, de tous les combats de l’UFF. Ses camarades la surnommaient affectueusement Nina. Comme elle l’avait fait dans la Résistance, elle mit ses compétences au service de l’organisation.
En mai 1947, s’adressant aux élus municipaux communistes, La Voix de l’Ardèche publia sous le titre "l’enfance, notre plus doux espoir", un article significatif de l’esprit pragmatique qui guidait sa démarche :
"(…) combien de nos camarades au sein des municipalités ont-ils posé le problème des locaux scolaires qui sont parfois la honte de certaines localités de notre département ? combien se sont souciés d’organiser dans ces mêmes localités où l’urgence s’est fait sentir, avec l’appui des paysans et des syndicats agricoles en vue de pourvoir à leur approvisionnement, des cantines municipales ? Dans les communes plus importantes, nos camarades élus ont-ils essayé d’organiser des patronages laïques et municipaux, des garderies, des crèches, des gouttes de lait ? (…)"
En octobre 1950, en pleine période de guerre froide, un rapport des Renseignements Généraux signalait la participation de Célina Ville à un meeting organisé à Valence par l’UFF pour "une journée de lutte contre la misère et la guerre". Elle faisait partie d’un groupe de huit déléguées Drôme-Ardèche qui devait se rendre aux "Assises de la Paix".
En 1956, elle participa à l’organisation du rassemblement du 11 mars au parc Charnot à Marseille "pour le cessez-le-feu immédiat, la paix en Algérie par la négociation et le retour des soldats". Son action se poursuivit pendant la guerre d’Algérie. Au début des années soixante, dernières années qu’elle passa en Ardèche, Célina Ville participa activement aux stages et soirées d’étude de l’UFF.
Au sein de l’organisation féminine, elle occupa diverses responsabilités : membre du bureau départemental depuis la fondation de l’UFF, elle assura le secrétariat départemental de 1954 à 1960 en partage avec Marie-Ange Gaubert*, puis avec Andrée Gamondès*. De 1958 à 1960 elle fut également la secrétaire d’une association départementale d’aide familiale de l’UFF qui siégeait au Teil et s’efforçait de secourir les familles démunies.
Célina Ville avait fait la connaissance dans la clandestinité d’un ingénieur des mines résistant et militant communiste : Raphaël Evaldre*. Elle partagea désormais sa vie et à la retraite le rejoignit à Hyères où il résidait. La fin de la vie de Célina Ville fut difficile, marquée par la maladie. En 1974, elle décéda dans une maison de santé à Pierrefeu du Var et fut inhumée à Privas.

Pierre Bonnaud

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article180203, notice VILLE Célina, Adélaïde, née LÉONARD par Pierre Bonnaud, version mise en ligne le 30 avril 2016, dernière modification le 12 juin 2016.

Par Pierre Bonnaud

Célina Ville au centre de la photo
Célina Ville au centre de la photo

SOURCES : Arch. Dép. Rhône 668 W 89. — Arch. Dép. Ardèche, 72 W 365 , fonds du syndicat des employés de préfecture 1J 734-735, fonds du CDL de l’Ardèche 76 W, fonds du musée départemental de la Résistance en Ardèche 70 J. — Archives du comité national du PCF, fiches de la SMC, composition du comité fédéral de l’Ardèche (1953-1968).- Notes, correspondance et archives personnelles d’Andrée Gamondès. — La voix des femmes, bi-mensuel du comité des femmes de France de l’Ardèche (1944-1945). —La voix du peuple de l’Ardèche et la voix de l’Ardèche (1944-1947). —Les Allobroges (1944-1956). — Louis-Frédéric Ducros, Montagnes ardéchoises dans la guerre, Valence, 1981, t.III, p. 335. — Hervé Mauran, Espagnols rouges, un maquis de républicains espagnols en Cévennes, Nîmes, Édition Lacour, 1995, p. 60. — A. et A. Cayron, Peuple de la nuit, Montmélian, La Fontaine de Siloé, 1998. Fiche d’état-civil établie par la mairie de Meysse. — Renseignements fournis par Gil Evaldre et Mathé Galataud.

IMAGE ET SON : juillet 1953. Le stand UFF à la fête fédérale du PCF sur les bords de l’Ardèche à Vallon Pont d’Arc. De gauche à droite, Célina Ville, Andrée Gamondès, Yvonne Barruel. Photographie Andrée Gamondès.

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