BAREIGE Emile, Victor

Par Michel Thébault

Né le 21 juillet 1888 à Saint-Fiel (Creuse), exécuté sommairement par la Milice le 25 juin 1944 au lieu-dit La Clairière, commune de Saint-Maurice–La-Souterraine (Creuse) ; négociant en bois ; résistant AS.

Il était le fils de Louis Bareige, cultivateur demeurant à Croze, commune de Saint-Fiel, et de Marie Duffaut. Exerçant la profession de cultivateur lors du conseil de révision de 1908, il effectua son service militaire d’août 1908 à septembre 1911 au 138ème RI. Revenu à Saint-Fiel, il épousa Valentine Angèle Marie Dalby le 29 avril 1912 à Saint-Laurent, commune située à l’est de Guéret (Creuse). Ils eurent deux filles, Juliette née en 1913 et Renée née en 1929.
Ancien combattant de la guerre 1914 – 1918, il fit la campagne contre l’Allemagne du 3 août 1914 au 25 octobre 1916 : mobilisé le 1 août 1914, incorporé le 3 août au régiment d’infanterie de guéret (78ème RI), il fut blessé le 21 décembre 1914 à Jonchery (Marne). Hospitalisé à Grenoble (Isère) puis dans plusieurs hôpitaux successifs, il fut finalement transféré en dépôt de convalescence à Guéret. Classé service auxiliaire en août 1916 (troubles cardiaques, problèmes à la jambe droite liée au sectionnement du nerf sciatique), il fut réformé définitivement en octobre 1916.
Au début des années 20, il abandonna la profession de cultivateur et s’installa avec son épouse à Guéret où il devint dans un premier temps l’associé d’un marchand de bois avant de prendre l’affaire à son compte. Devenu exploitant forestier et négociant en bois, il s’installa dans le quartier de La Rhode encore peu urbanisé, pour y installer sa maison et ses entrepôts. Son épouse y ouvrit au même endroit un débit de boisson : le « café de la Rhode ».
Il s’engagea dans la Résistance au sein de l’Armée Secrète en 1943. L’attestation établie après-guerre par Alfred Maldant, président de la commission FFI de la Creuse (dossier DAVCC) précise : « Mr. Bareige Émile est entré aux M.U.R et à l’A.S dès leur constitution soit fin mars ou début avril 1943. Il a servi sous les ordres de Cerclier Roger dit Jean Pierre ». La possession d’un camion et l’importance de ses déplacements professionnels en Creuse et dans les départements voisins lui permirent de jouer le rôle d’agent de renseignements pour le réseau. Ses chantiers lui permirent également d’embaucher des réfractaires du STO et ses connaissances dans le mode agricole de placer à la demande de leurs parents de jeunes réfractaires. Enfin le café de son épouse servit servit de boîte aux lettres pour les M.U.R et de lieu de rencontre pour des réunions clandestines des responsables locaux de la Résistance. Ces mêmes responsables en témoignent dans une attestation d’août 1951 : « depuis 1943, il a mis à notre disposition tous ses moyens, à de nombreuses reprises le colonel François a organisé des réunions clandestines en la maison de Mr. Bareige. Ces réunions avaient lieu dans la salle à manger de la maison et Mme. Bareige assurait le guet pendant ces réunions ».
Après une première libération le 7 juin 1944, la ville de Guéret fut reprise par les troupes allemandes dès le 9 juin. La situation de la Résistance y devint très difficile en particulier du fait de la présence massive de la Milice qui souhaitait venger ses morts du 7 juin. Émile Bareige fut arrêté le 22 juin 1944 à son domicile à la suite de la dénonciation d’un milicien habitant à proximité ; le dossier DAVCC précise :« L’arrestation de Mr. Bareige est la conséquence d’une dénonciation dont il avait fait l’objet de la part d’un de ses voisins, un certain D., qui habitait à la Rodde et exerçait la fonction de veilleur de nuit à la Milice. En effet la situation de l’habitation de D. lui permettait de se rendre compte, sans se déplacer, des nombreuses visites que recevait son voisin. D. dont la culpabilité ne laissait aucun doute s’est empressé de disparaître à la libération de Guéret et il a été condamné à mort par contumace par la cour de justice de la Creuse. » . Vers 17 h des éléments de la SIPO-SD et de la Milice encerclèrent la maison, Émile Bareige fut arrêté en même temps que son cousin Fernand Bareige présent à ce moment dans le café, et la maison perquisitionnée. A l’issue de la perquisition, Émile et Fernand Bareige furent conduits à pied à la caserne des Augustines de Guéret. Mme Bareige constata aussitôt la disparition d’une forte somme d’argent (100.000 francs) provenant d’une récente vente de bois.
Incarcéré à la caserne des Augustines du jeudi 22 juin au dimanche 25, Émile Bareige y fut interrogé et torturé. Le dimanche 25 juin 1944 se produisit à Guéret la grande rafle organisée par les chefs régionaux de la Milice avec l’aide de miliciens venus des départements voisins, rafle qui aboutit à l’arrestation de 79 personnes. Un convoi fut organisé le même jour pour transporter à Limoges (Haute-Vienne) l’ensemble des personnes arrêtées. Un car et des camions partirent de la place Bonnyaud à Guéret. Émile Bareige, son cousin Fernand et Alphonse Chiozzini arrêté le matin même, furent placés en fin de convoi dans une voiture particulière de la Milice. Sur la RN 145, à l’approche de La Souterraine, au lieu-dit La Clairière (commune de Saint-Maurice-la-Souterraine), le véhicule s’arrêta et les trois prisonniers furent exécutés sommairement. La disposition des corps, à quelque distance les uns des autres en lisière et dans le bois, pourrait laisser penser que les miliciens furent tentés de camoufler leur crime en une tentative de fuite. La cause la plus couramment admise après-guerre pour expliquer la séparation du groupe des personnes arrêtées et l’utilisation manifestement préméditée d’un véhicule particulier, fut la volonté de camoufler le vol d’une importante somme d’argent par les miliciens.
Après leur découverte, les corps furent transportés à La Souterraine où furent établis les actes de décès. Mme Bareige n’en fut informée que le 13 juillet 1944. Le corps de son époux d’abord inhumé à La Souterraine fut transféré le 24 septembre 1944 à Guéret et inhumé au cimetière communal le 25 septembre à l’issue d’une imposante cérémonie.
Il obtint la mention « Mort pour la France » et le titre d’interné résistant en juin 1952. Il reçut à titre posthume la Médaille militaire, la Croix de guerre avec palme et la Médaille de la Résistance. Une stèle à La Clairière, commune de Saint-Maurice-La-Souterraine rappelle le souvenir des trois victimes. Son nom figure sur le monument aux morts de Guéret et sur le mémorial de la Résistance creusoise à Guéret.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article180518, notice BAREIGE Emile, Victor par Michel Thébault, version mise en ligne le 8 mai 2016, dernière modification le 12 mars 2020.

Par Michel Thébault

SOURCES : Arch.Dép. Creuse (État civil, registre matricule) — Dossier DAVCC Caen — Archives familiales et témoignage Mme Renée Picaud-Bareige (fille d’Émile Bareige) — Marc Parrotin Le temps du Maquis, Histoire de la Résistance en Creuse Ed. Verso 1984 — mémorial genweb.

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