VICTOOR André, Jules, Gabriel

Par Didier Bigorgne

Né le 5 octobre 1911 à Armentières (Nord), mort le 11 avril 1974 à Avignon (Vaucluse) ; professeur de lettres classiques ; syndicaliste, militant communiste et sportif ; maire adjoint de Sedan (1945-1947) ; conseiller général des Ardennes (1945-1949) ; conseiller de la République (1946-1948).

Photo en 1946
Photo en 1946

Fils d’un professeur et d’une couturière, André Victoor naquit dans une famille de tradition politique militante. Son père, Charles, Auguste Victoor, militant socialiste, grand mutilé de la guerre 1914-1918 et décoré de la Légion d’honneur, ne put reprendre son métier d’enseignant à son retour à la vie civile. Il tint alors un petit café. Adhérent du Parti communiste en 1920, il fut secrétaire de la section d’Armentières et membre du comité régional. Atteint de cécité, il dut renoncer à son activité professionnelle, mais il continua de militer au côté de son épouse jouant ainsi le rôle "d’éminence grise" des groupements communistes d’Armentières.

André Victoor fut reconnu comme pupille de la Nation suivant le jugement du tribunal civil de Lille du 1er février 1924. A cette date, il était élève au collège d’Armentières d’où il sortit en 1928 avec le baccalauréat, série philosophie. Il fréquenta ensuite le lycée Faidherbe à Lille et y réussit un certificat d’études latines en juin 1930. Pendant ces deux années, André Victoor pratiqua le football et décrocha le titre de champion de France scolaire avec l’équipe du lycée.

En octobre 1930, André Victoor entra au lycée Henri IV à Paris : il obtint successivement un certificat d’études grecques (juin 1931) et un certificat d’études françaises (novembre 1931). Il s’inscrivit alors à la Faculté des lettres de Lille pour la quitter en novembre 1933 avec un diplôme de philologie.

André Victoor fut nommé professeur de lettres au collège Turenne de Sedan, poste qu’il occupa jusqu’en 1939, avec une interruption d’octobre 1936 à octobre 1937 pour effectuer son service militaire à Epinal (Vosges). Après son retour à Sedan, il y épousa Marie Delaitre, fille d’une vieille famille du textile, le 23 décembre 1937 ; de cette union naquirent deux enfants (une fille et un garçon). Dans ces années d’avant guerre, André Victoor devint un footballeur renommé de l’équipe de l’U.A. Sedan-Torcy.

Le 24 août 1939, André Victoor fut mobilisé, avec le grade de caporal, au 147e régiment d’infanterie. Affecté au 59e régiment d’infanterie le 5 juin 1940, il combattit les Allemands de la Marne à la Vienne du 10 au 25 juin ; sa conduite exemplaire face à l’ennemi lui valut la croix de guerre. Démobilisé le 8 août suivant, il rejoignit sa famille réfugiée à Niort (Deux-Sèvres). Il fut alors nommé au collège de Barbezieux (Charente) où il exerça jusqu’au 15 octobre 1941.

De retour dans les Ardennes, André Victoor fut réinstallé au collège Turenne à Sedan. Il reprit son service qu’il cessa du 16 avril 1947 au 24 novembre 1948 à la suite d’un congé pour exercice de mandat parlementaire. Il enseigna ensuite au lycée Chanzy de Charleville, puis il revint au lycée Turenne (anciennement collège) le 11 janvier 1952. Il y termina sa carrière professionnelle jusqu’à son départ à la retraite, le 13 septembre 1972.

André Victoor fut membre du Syndicat national de l’enseignement secondaire et de la tendance cégétiste minoritaire de la Fédération de l’Éducation nationale. Dans les années 1950, il figura à plusieurs reprises sur la liste Unité et Action aux élections pour la commission administrative de la FEN.

André Victoor adhéra au Parti communiste français en 1944, quelques années avant la mort de son père, le 22 janvier 1946 à Armentières. Militant à la section de Sedan, il exerça très vite des responsabilités importantes au sein de la fédération communiste des Ardennes. Il fut d’abord élu membre du comité fédéral lors de la 8e conférence départementale des 27-28 avril 1946. Il entra au bureau fédéral le 15 juin 1947 et y demeura jusqu’au 24 février 1952. A la suite de problèmes de santé qui l’avaient obligé à arrêter son métier d’enseignant du 12 février au 30 décembre 1951, il ralentit son activité militante. Il siégea alors au comité fédéral du 24 février 1952 au 16 mai 1954. En 1956, il exprima un désaccord dans son parti avec le vote par les députés communistes des pleins pouvoirs en Algérie donnés au gouvernement.

André Victoor fut un élu local. Membre du comité de Libération de Sedan avant de faire partie de la commission départementale d’épuration, il fut nommé conseiller municipal de Sedan en septembre 1944. Avec la victoire de la liste républicaine d’union antivichyssoise composée de socialistes, de communistes, de radicaux-socialistes et de résistants aux élections municipales du 29 avril 1945, il retrouva son siège à l’assemblée communale. Il devint alors deuxième adjoint au maire radical-socialiste de Sedan, fonction qu’il conserva jusqu’au scrutin du 19 octobre 1947.

Entre temps, André Victoor devint conseiller général dans le canton de Sedan-Sud lors des élections des 23 et 30 septembre 1945. Arrivé en tête au premier tour avec 2 636 voix sur 9 877 inscrits et 7 320 votants, il l’emporta au scrutin de ballottage en réunissant 4 121 suffrages sur 7 465 votants. Au Conseil général des Ardennes, il devint secrétaire de la commission départementale et président de la commission de l’Éducation nationale.

Enfin, André Victoor fut élu conseiller de la République le 8 décembre 1946 : il remporta la victoire en obtenant 185 voix sur 553 inscrits et 553 votants. Au Conseil de la République, il siégea dans les commissions de l’Éducation nationale (1946-1948), de la Production industrielle (1946-1947), et des Finances (1948).

La carrière politique d’André Victoor fut brève. Il perdit son siège de conseiller de la République le 7 novembre 1948 en recueillant 126 voix sur 947 suffrages exprimés. Il fut ensuite battu aux élections cantonales des 20-27 mars 1949. Bien qu’arrivé en tête de tous les candidats au premier tour en obtenant 2 188 voix sur 10 443 inscrits et 7 384 votants, il ne réunit que 2 352 suffrages sur 7 641 votants au second tour dans lequel il fut devancé de 558 voix par son rival du RPF. André Victoor représenta de nouveau le Parti communiste aux élections des 4-11 juin 1961 pour le Conseil général dans le canton de Sedan-Nord. Toujours placé en tête au premier tour avec 1 270 voix sur 8 756 inscrits et 4 731 votants, il échoua au scrutin de ballottage en rassemblant 2 266 suffrages sur 5 043 votants.

En revanche, André Victoor conserva son mandat municipal pendant de longues années. A chaque élection, il fut réélu sur la liste de son parti : avec sept de ses colistiers le 19 octobre 1947 et le 26 avril 1953, seul le 8 mars 1959, avec deux de ses colistiers le 14 mars 1965. Dans le même temps, André Victoor s’investit dans le mouvement associatif. Le 16 décembre 1945, il participa à la création du Mouvement unifié de la Renaissance dont il devint membre du comité directeur des Ardennes. Il garda le contact avec le milieu sportif en siégeant au bureau directeur du district des Ardennes de la Fédération française de football. Défenseur de l’école laïque (il écrivit de nombreux articles dans le journal communiste Liberté), il fut membre du bureau départemental de l’association des parents d’élèves. Enfin, il anima les sections locales des anciens combattants, du Mouvement de la paix et du comité France-URSS. En janvier 1951, il servit de guide à Louis Aragon pour le cadre de son récit ardennais dans son ouvrage Les Communistes.

André Victoor n’accepta pas la position du PCF qui condamna le 21 août 1968 l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie. Il protesta par une lettre adressée au secrétaire de la section de Sedan, pensant qu’une « formidable campagne se déchainait contre le monde socialiste ». Henri Jourdain, qui suivait la fédération, conseilla de lui infliger un simple blâme pour « essayer de le faire revenir ». André Victoor se considéra comme ne faisant plus partie du PCF (décision annoncée par Le Monde du 21 septembre 1968) et démissionna de son poste de conseiller municipal le 6 septembre 1968.

A la retraite, André Victoor s’installa avec son épouse, près de sa fille aînée à Avignon. Malade il mourut à son domicile. Il fut inhumé le 16 avril 1974, au cimetière de Torcy à Sedan. Il était officier dans l’ordre des Palmes académiques, chevalier du Mérite sportif et titulaire de la médaille d’honneur départementale et communale.

Aujourd’hui, le stade du quartier de Torcy à Sedan porte le nom d’André Victoor.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article180541, notice VICTOOR André, Jules, Gabriel par Didier Bigorgne, version mise en ligne le 9 mai 2016, dernière modification le 4 février 2022.

Par Didier Bigorgne

Photo en 1946
Photo en 1946

SOURCES : Arch. du Sénat (Dictionnaire des parlementaires). — Arch. Dép. Ardennes 3M4, 7, 8 et 9 . — Arch. comité national du PCF. — Liberté, 1945 à 1949. — L’Union, 3 juillet 1972. —L’Ardennais, 12 avril 1974. — Renseignements et documents fournis par Danièle Di Salvio, fille de l’intéressé. — Notes de Jacques Girault et d’Henri Manceau.

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