BRUILLARD Maurice Charles Jules

Par Rémy Gaudillier

Né le 16 novembre 1913 aux Planches-en-Montagne (Jura), mort le 24 janvier 1993 à Dole (Jura) ; militant communiste ; militant du SNI et de la FEN ; militant mutualiste.

Maurice Bruillard était le fils de Léon Bruillard, fermier à la ferme des « Nevreaux », installé ensuite au village des Planches-en-Montagne dont il fut maire de mai 1912 à décembre 1919. Pendant son mandat de maire, fut construite une nouvelle maison d’école. La guerre de 1914-1918 l’amena à s’occuper de réquisition du bétail et de l’accueil des réfugiés des départements envahis. Sa femme Marie Roz tint à faire baptiser ses six enfants et à leur assurer une instruction chrétienne jusqu’à leur première communion. Le couple eut la douleur de perdre deux enfants, l’un tué à la guerre, l’autre mort des suites de ses blessures.

Maurice Bruillard de 6 à 12 ans mena la vie de tout jeune paysan, ne fréquentant l’école qu’à la morte saison, employé aux travaux de la ferme et à la garde du troupeau paternel de mai à la Toussaint. Il obtint son certificat d’études en juillet 1925. Les encouragements de son instituteur M. Janier le persuadèrent d’entrer à l’école primaire supérieure de Champagnole qui lui ouvrit les portes de l’École normale d’instituteurs de Lons-le-Saunier (1930-1933). Surnommé « Voltaire » par ses condisciples il obtint en novembre 1933 son CAP d’instituteur. Nommé à Morbier de 1933 à 1934, il y rencontra Marianne Bourgeois, ancienne élève de l’école privée, employée à l’usine Girod. Ils se marièrent en août 1936. Il fut instituteur à Entre-Deux-Monts après un poste à Saint-Laurent (1934-1935). La guerre l’amena à s’engager dans la Résistance en relation avec l’Armée secrète de Champagnole.

L’après- guerre fut pour lui une période d’intense activité militante. Il put compter sur l’aide de sa femme qui recevait à l’occasion les militants à la maison. Il tint à prendre sa part dans l’éducation de leurs deux filles nées en 1941 et 1943, toutes deux baptisées et faisant leur première communion. Nommé à Damparis, il termina sa carrière à Dole, à l’école Pointelin de 1954 à 1962 enfin à La Bedugue comme directeur de 1962 à 1968.

Maurice Bruillard adhéra au Parti communiste français. Ses capacités pédagogiques lui valurent d’être sollicité pour donner des cours dans le cadre de l’école fédérale du parti. Membre du comité fédéral de 1948 à 1956, il resta en 1962 membre de la commission de contrôle financier. Il participa activement aux luttes anticoloniales : guerre d’Indochine, mouvement « Libérez Henri Martin », guerre d’Algérie. Candidat aux élections municipales de Damparis en 1947 et 1953, il figura en cinquième position sur la liste « Pour le Progrès, la Démocratie et la défense des libertés communales », conduite par Roland Gauthier aux élections municipales de Dole de 1965. Les témoins insistaient sur ses qualités de débatteur et son sens de l’humour décapant au détriment de ceux qu’il nommait « les prébendiers du régime ».

Maurice Bruillard était surtout un militant syndical et mutualiste. Il milita au Syndicat national des instituteurs reconstitué après la Libération et qui regroupa près de 1 200 des 1 250 instituteurs jurassiens. Dès cette époque il écrivait régulièrement dans La Voix syndicale affirmant son désir de travailler dans le sens de l’unité et prenant la défense de la laïcité. Au congrès de l’Union départementale CGT en février 1946, il expliqua le fort mécontentement des instituteurs et de la classe ouvrière devant la hausse des prix et les déficiences du ravitaillement. En octobre 1946, il devint secrétaire général de la section départementale du SNI, n’hésitant pas à sacrifier chaque jeudi à ses responsabilités syndicales malgré les difficultés de transport : de Damparis, il gagnait à vélo Chemin pour y prendre le train pour Lons-le-Saunier et refaisait le soir le trajet inverse. La scission de 1948 fut pour lui un réel déchirement. Secrétaire de l’Union locale CGT de Damparis depuis 1947, il lutta pour le maintien du SNI à l’intérieur de la centrale ouvrière ; le choix pour l’autonomie l’emporta largement : 731 voix contre 112 pour la CGT-FO et 223 pour le maintien à la CGT. Ce résultat fut confirmé en juin 1949 quand 94 instituteurs seulement se prononcèrent pour le retour à la CGT. Il fut en outre le secrétaire de la section départementale de la Fédération de l’éducation nationale. Passionné par la pédagogie, le 4 avril 1946 il présenta à Lons-le-Saunier deux pionniers, Célestin Freinet et et Henri Coqblin adepte de la méthode Decroly prônant l’utilisation de l’imprimerie à l’école.

Maurice Bruillard eut aussi une activité syndicale sur le plan national. Il fut élu comme suppléant lors de l’élection du 17 juin 1946 au Conseil supérieur de l’Education nationale dans le Conseil de l’enseignement du Premier degré. Le bureau national du SNI, le 23 septembre 1947 le désigna comme responsable adjoint du comité permanent d’études pédagogiques du SNI chargé des écoles à classe unique. En décembre 1947, pour la première fois, l’élection BN du SNI se fit à la proportionnelle. Parmi les 20 candidats de la liste "pour un syndicalisme indépendant démocratique et efficace", il figura. Il en fut de même pour l’élection du BN en décembre 1951, en 9eme position sur la liste « Pour la défense de l’école laïque, de l’indépendance nationale, de la démocratie et de la paix ». Lors du congrès national en juillet 1951, il constata que le rapport moral ne mentionnait pas la marche actuelle vers l’unité dans le syndicat. Trois mois plus tard, lors de la réunion du conseil national, il participa au débat sur la défense de l’école laïque. En décembre 1953, il fut à nouveau candidat au BN en 12eme position sur la liste « Pour renforcer l’unité et l’efficacité du SNI ». A nouveau candidat au BN, en décembre 1955, il était en seizième position sur la liste « Pour renforcer l’unité et l’efficacité du SNI. Liste d’action laïque et de défense de l’Education nationale ». Il figurait en décembre 1957, sur la liste en 14eme position, candidature renouvelée en décembre1958 (11eme).

Secrétaire général adjoint du SNI en 1950, il fut chargé des rapports avec l’administration. Délégué du personnel à la commission administrative paritaire départementale depuis 1951, il démissionna à la fin de 1953, à la demande du SNI, pour protester contre la politique gouvernementale répressive et antilaïque et fut réélu en janvier 1954. Il gagna par son dévouement et son sens de la justice l’estime de ses collègues comme de l’administration. À l’intérieur du syndicat, il proposa en mars 1954 des statuts pour la reconstitution de la section départementale de la Fédération de l’éducation nationale. Ses articles dans La Voix Syndicale témoignaient de ses convictions laïques et de son soutien aux luttes de la CGT dont il fut membre de la commission exécutive entre 1948 et 1956. Ainsi en juin 1953 pour protester contre l’arrestation de militants syndicalistes et le non-respect de la liberté d’opinion, le SNI du Jura adhéra au comité départemental des militants emprisonnés. Bruillard déplora que le congrès de la FEN de 1956 auquel il participa se soit focalisé sur « l’intervention devenue malheureusement nécessaire de la Russie » en Hongrie, sans se préoccuper nullement de « la hausse de la vie due à la fructueuse et glorieuse expédition d’Egypte ainsi qu’à la pacification en Algérie ». Il ne fut pas étonnant qu’il eût poussé son organisation à adopter des positions plus tranchées sur les guerres coloniales. Secrétaire général du SNI en 1957, il l’engagea dans la défense de Michel Tripier instituteur, Jacques Guyot ouvrier et de Raoul Dumax retraité, inculpés pour avoir distribué à Tavaux des tracts qui dénonçaient « les crimes abominables » commis en Algérie. Lors du congrès national du SNI, le 18 juillet 1957, il s’éleva contre la répression contre les instituteurs militant pour la paix.

Il espéra toujours la réunification syndicale. Ainsi dans La Voix Syndicale en mai-juin 1958 il écrivit : « Les événement d’Alger, de Corse et de Paris pourraient être le déclic amenant dirigeants des centrales syndicales et de la FEN à s’asseoir autour d’une même table pour créer la nouvelle centrale, une maison habitable par tous par delà les appartenances politiques et religieuse ». Il ajoutait que la désignation des dirigeants « d’après la valeur et le dévouement écarterait le risque d’une nouvelle scission ». L’instituteur Jean Cordier, secrétaire-adjoint de la fédération socialiste SFIO, au nom de la majorité nationale du SNI, engageait les enseignants "à ne pas servir de force d’appoint au Parti communiste" ; six responsables syndicalistes de Dôle répliquèrent collectivement (l’Humanité Dimanche, 31 décembre 1961). Bruillard indiquait alors qu’il était secrétaire-adjoint de la section départementale de la Fédération de l’éducation nationale.

Membre fondateur de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale, de 1950 à 1981, membre de sa commission administrative départementale, il en assura la vice-présidence de 1960 à 1977. Il participa aussi comme personnalité qualifiée au conseil d’administration de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Jura. Les militants qui l’avaient connu, comme M. Babet de Chaussin, insistaient sur sa totale disponibilité, la clarté et la puissance d’analyse de ses exposés ; il fut pour eux le militant syndical par excellence !

Retraité en juin 1968 Maurice Bruillard ne resta pas inactif pour autant. Membre du bureau jurassien et trésorier adjoint de la Fédération générale des Retraités de la Fonction Publique, il intervint au congrès de Rouen en 1976. Il assura pour « Regard sur le Jura » dans l’Humanité Dimanche une série de reportages interviews de syndicats CGT. Toutefois, en désaccord avec la ligne politique du parti, il refusa en 1971 de figurer sur une liste présentée par le PCF aux élections municipales de Dole.

Il fonda en 1970 à Dole l’Amicale des locataires du « sous Plumont » qu’il présida jusqu’à son décès. Investi aussi à la Maison des Jeunes et de la Culture, il prit sa première licence de tennis de table et, champion de Franche-Comté catégorie « vétérans », il devint le doyen des 3 800 licenciés de la Ligue de Franche-Comté. Lors d’un déplacement avec les jeunes du tennis de table, il mourut accidentellement.

Ses obsèques civiles furent pour ses amis l’occasion de rendre hommage à ses convictions et à son dévouement de militant. Deux salles doloises portaient le nom de Maurice Bruillard : la salle de réunion de l’Amicale de locataires de « sous Plumont » et depuis 1995 la salle de tennis de table de la MJC.
Outre la médaille d’argent décernée par le Conseil de l’Ordre du Mérite Régional (18 juin 1987), Maurice Bruillard avait obtenu la médaille de bronze de la Reconnaissance française.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18061, notice BRUILLARD Maurice Charles Jules par Rémy Gaudillier, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 26 avril 2022.

Par Rémy Gaudillier

SSOURCES : Arch. Dép. Jura, 1203 W99 et W101, Per 28. — Arch. du Comité national du PCF, liste des membres du comité fédéral. — « Regard sur le Jura, supplément à l’Humanité Dimanche, 5, 19 janvier 1969, 16 février 1969, 2, 16 mars 1969, La Voix Syndicale. — Entretien avec Mme Bourdon, sa fille, 7 février 2002. — Discours de M. Klaiguer et Babet lors de ses obsèques. — Entretiens téléphoniques avec MM. Génestier de Dole et Babet, 14 février 2001. — Notes d’Alain Dalançon, de Laurent Frajerman et de Jacques Girault.

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