BRUNAND Félix

Par Maurice Moissonnier

Né le 22 février 1905 à Lyon (1er arr.), mort le 23 janvier 1981 à Verdun-sur-le-Doubs (Saône-et-Loire) ; mécanicien, devenu dessinateur puis professeur de l’enseignement technique ; résistant ; militant syndical (CGTU, CGT, SNET) ; militant communiste ; adjoint au maire de Mitry-Mory (Seine-et-Marne) ; avait consacré beaucoup d’efforts à la lutte sur le plan culturel.

Félix Brunand
Félix Brunand
Le fondateur de la Maison du blé et du pain

Félix Brunand était issu d’une famille d’ouvriers et de paysans originaires du Dauphiné. Sa mère Alix Paillet, était ouvrière dévideuse ; son père, Jean-Louis Brunand (1866-1937), employé du Gaz de Lyon, militant très actif de la Fédération lyonnaise de l’éclairage de la CGT, adhéra au Parti communiste SFIC dès sa fondation. Il avait un frère cadet, né en 1908 Marius, Louis, devenu lui aussi militant communiste à Lyon, qui fut emprisonné 13 mois en 1930-1931 pour désobéissance militaire (L’Humanité du 25 juillet 1931), et combattit dans les rangs des Brigades internationales.

Après ses études primaires, Félix Brunand obtint le brevet d’études primaires supérieures, section industrielle, puis entra en apprentissage à l’usine automobile Saurer de Lyon, en 1920. Il s’éveilla d’emblée à la vie politique et sociale en participant aux grèves de 1920 et aux débats qu’elles provoquèrent parmi les travailleurs.

Exempté du service militaire, esprit curieux, avide de connaissances, il continua d’étudier, tout en travaillant pour gagner sa vie. Il obtint un diplôme d’ingénieur mécanicien par correspondance en 1925, entreprit à partir de 1927 des études sur l’orientation professionnelle sous la direction du professeur Jean-Maurice Lahy, et s’inscrivit en 1928 à la faculté des sciences de Lyon pour préparer le certificat d’études physiques, chimiques et naturelles (dit PCN). Ses employeurs furent de 1922 à 1931 : la Manufacture des produits métallurgiques du Rhône jusqu’en 1925, les Tissages de tulles (entreprise de construction de machines textiles) de novembre 1926 à mai 1928, puis les Câbles de Lyon.

Sympathisant communiste, il militait au Secours ouvrier international et, en 1927, participa à un voyage en Russie soviétique, où il eut l’occasion de rencontrer pour la première fois Paul Vaillant-Couturier.

En 1931, il quitta Lyon pour la région parisienne et trouva du travail à Argenteuil à l’usine de construction aéronautique Lioré-Olivier, comme dessinateur d’études. Il fit alors la connaissance de Gabriel Péri qui, en 1932, lui accorda son parrainage pour son adhésion au PC. L’activité militante de Brunand s’exerça tout de suite dans deux directions privilégiées : il participa à la rédaction du Prolétaire, le journal communiste d’Argenteuil où il polémiquait, sur le thème de la politique de front unique, avec le Courrier d’Argenteuil, journal réactionnaire local ; il consacra d’autre part ses efforts à l’Université ouvrière (cours de dessin industriel et géométrie), où il travailla aux côtés de Georges Cogniot et de Paul Bouthonnier, en tant que responsable du journal mural et dirigeant de la brigade de propagande qui assurait la liaison avec le Parti et les organisations de masse. Il veillait à ce que l’UO soit présente à toutes les manifestations publiques. Il participait enfin à des cours d’alphabétisation donnés à l’initiative de quelques militants de l’UO. En suivant leurs conférences, il fit la connaissance de Marcel Prenant et de Georges Politzer.

En 1933, avec l’avènement de l’hitlérisme, commença pour lui une période d’intense activité. Il milita particulièrement en faveur de la libération de Dimitrov et, au début 1934, contre les ligueurs d’extrême droite. Le 9 février, il fut arrêté à 21 heures, boulevard de Strasbourg, au cours de la manifestation organisée par le PC et la CGTU. Matraqué sur place, puis dans un poste de police du quartier des Halles, il dut s’aliter avec une déchirure du muscle à la cuisse gauche et plusieurs hématomes à la tête. Syndiqué à la CGTU, il ne négligeait pas l’action dans son usine et, le 1er Mai 1934, après avoir convaincu ses collègues du bureau d’études de cesser le travail, il contribua à paralyser toute l’activité de l’usine Lioré-Olivier. Quelques mois plus tard, à la première occasion, il fut licencié. Cette mise en disponibilité forcée fut utilisée par le Secours ouvrier international qui le désigna comme directeur de l’orphelinat de l’« Avenir Social » à la Villette-aux-Aulnes, commune de Mitry-Mory (Seine-et-Marne).

L’activité de Brunand s’orienta désormais vers les questions de l’enfance ouvrière malheureuse qu’il avait eu l’occasion de commencer à étudier à Lyon. Il subit alors fortement l’influence de Paul Vaillant-Couturier avec qui il travaillait et entretenait des rapports très cordiaux. Ses initiatives et ses propositions, élaborées avec le concours du professeur Lahy et de sa femme, Madame Lahy-Hollbecque, ainsi qu’avec les organisations ouvrières intéressées au développement de l’œuvre, furent acceptées le 26 mai 1935 par l’assemblée extraordinaire du conseil d’administration de l’orphelinat que Brunand dirigeait.

Aux élections municipales du 5 mai 1935, il figura sur la liste communiste qui, dans la commune de Mitry-Mory, mi-rurale, mi-ouvrière, remporta la majorité. Élu adjoint au maire, il s’occupa particulièrement des œuvres scolaires et post-scolaires, ainsi que de l’amélioration du service sanitaire. Il conserva son mandat lorsque, en novembre 1936, il fut nommé maître auxiliaire à l’école pratique de commerce et d’industrie de Tourcoing (Nord). Dans cette cité ouvrière du textile où il était le seul membre de l’enseignement appartenant au Parti communiste, il fut rapidement nommé au comité de section. Il rédigea à partir de ce moment la plupart des articles de la chronique tourquennoise parus dans l’Enchaîné, organe du Parti communiste de la région du Nord.

Dans son travail, il était aidé par son épouse, Madeleine Desbois, fille d’un artisan sabotier, qu’il avait épousée le 5 septembre 1936, à Verdun-sur-le-Doubs (Saône-et-Loire). Le couple eut deux enfants. Son épouse, ancienne employée des postes, rédigea le poème « Les Fuyards » paru dans l’Enchaîné, au lendemain de la capitulation de Munich.

Félix Brunand était en outre chargé à la section de Tourcoing des problèmes d’éducation. Ses cours et causeries d’histoire furent largement suivis. Au cours des vacances de 1937, alors qu’il séjournait à Porcieu-Amblagnieu (Isère), il apporta une aide précieuse à une grève de tailleurs de pierre employés à d’importants travaux d’adduction d’eau. En 1939, il participa à la création dans le musée de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) d’une salle consacrée à Hilaire de Chardonnet, inventeur de la soie artificielle. Au cours des vacances de 1939, il séjournait dans cette localité lorsque survint, en août, le Pacte germano-soviétique. En s’aidant de l’Humanité du 25 août, il rédigea une grande affiche manuscrite développant les thèses du PC. Cette initiative provoqua le déplacement des gendarmes de Montalieu-Vercieu qui le soupçonnèrent, l’interrogèrent et le notèrent comme suspect, ce qui eut des conséquences ultérieurement. En septembre 1939, en attendant sa mobilisation, il retourna à Tourcoing et reprit son poste à l‘EPCI. Dès le lendemain de la dissolution du Parti communiste, la police, perquisitionnant chez lui, 20 rue du Moulin-Fagot, emporta une pleine camionnette de documents, de livres et de brochures. En février 1940, l’inspecteur d’académie du Nord se déplaça pour le sermonner et lui demander de dénoncer comme une trahison le Pacte germano-soviétique. Brunand refusa. En service jusqu’au 13 mars 1940, révoqué pour des raisons politiques jusqu’au 24 janvier 1942, il fut réintégré, en raison de sa conscience professionnelle, après l’intervention de Luc, directeur général de l’enseignement technique, avec une mutation au collège technique de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord) en janvier 1942.
Pendant ce temps, le 15 mars, il avait été déchu de son mandat de conseiller municipal de Mitry-Mory. Le 17 avril 1940, il fut mobilisé au 15e génie, au camp de Satory, juste à temps pour faire retraite avec son régiment en juin. Démobilisé à la fin de juillet 1940, il s’installa chez sa belle-mère à Verdun-sur-le-Doubs. En janvier 1941, à la suite d’une dénonciation, la police divisionnaire de Mâcon opéra à son domicile une nouvelle perquisition, sans succès. Afin de déjouer cette surveillance, il s’installa en mai 1941 à Porcieu-Amblagnieu (Isère), où son frère venait de se marier, mais c’était faire preuve de naïveté, les gendarmes de Montalieu, se souvenant du suspect d’août 1939, ne manquèrent pas d’exercer sur ses allées et venues une surveillance étroite. Après quelques mois d’inactivité dus à son état de santé, il reprit contact avec l’organisation clandestine du Parti. En février 1943, il dut subir encore une perquisition à son domicile 20, avenue Loucheur, ce qui entraîna sur ordre de la direction locale du PC une « coupure » avec les formations clandestines. En 1943, il déposa un brevet d’invention pour un instrument à dessin.

Nommé en janvier 1944 au collège technique de Montbéliard (Doubs), Félix Brunand ne parvint pas à reprendre la liaison avec la Résistance locale. Il s’adressa donc aux organisations clandestines de Verdun-sur-le-Doubs où sa femme, en juillet 1943, s’était provisoirement installée. Après le débarquement de juin 1944, le 13, il rejoignit le maquis où il devint, sous le pseudonyme du « Ministre » l’intendant de la compagnie « Loulou » qui relevait du commandement militaire du Louhannais (Saône-et-Loire). Il participa aux combats de Saint-Martin en Bresse (29 juin), de Saint-Bonnet en Bresse (20 août) et de Sermesse (25 août). Dès le 16 octobre 1944, avant sa démobilisation qui intervint le 30 octobre, il prit en mains la réorganisation du PC dans le canton de Verdun-sur-le-Doubs avec lequel il conserva des liens, en dépit de sa nomination au collège technique de Cluny (Saône-et-Loire).

Il fut, sans succès, candidat dans ce canton aux élections au conseil général du 23 septembre 1945. Il fut secrétaire de la section PCF de Cluny (Saône-et-Loire) en 1952 (la section comptait alors 150 membres) et animateur des Combattants de la paix.

En 1953, il fut nommé professeur de dessin industriel à Lyon (école des métiers de la métallurgie) puis à la rentrée scolaire 1956 au collège technique de Villeurbanne devenu lycée technique municipal de la rue Frédéric Faÿs, alors dirigé par l’ancien maire communiste de la ville, Camille Joly. Militant du Syndicat national de l’enseignement technique, il finit par obtenir en 1956 le versement de son traitement suspendu en 1941 avec reclassement. Commença dans le Rhône une nouvelle carrière militante, tant à la section communiste de Villeurbanne (où il militait dans la cellule de son lycée) qu’à l’Université nouvelle de Lyon où, intégré à l’équipe d’animation, il donna des cours d’histoire et fut la cheville ouvrière d’une exposition organisée par l’UN de Lyon sur « La Guillotière de 1789 à 1944 ». Il était alors domicilié 389 cours Emile Zola à Villeurbanne.

Félix Brunand n’avait pas perdu contact pour autant avec Verdun-sur-le-Doubs et continuait à animer la vie culturelle de la petite ville en organisant des expositions historiques. Prenant sa retraite en septembre 1970, il s’y installa, et continua à faire œuvre d’enseignant et de militant. Il avait constitué en 1957 un actif Groupe d’études historiques de Verdun, société d’éducation populaire agréée en 1964 par le ministère de l’Education nationale. Il organisa le 37e congrès de l’Association bourguignonne des sociétés savantes, (1-3 juillet 1966), projetant de fonder à Verdun-sur-le-Doubs un musée inter cantonal d’histoire locale et régionale à partir d’une Maison du blé et du pain, située aujourd’hui dans une belle demeure du XVIIIe siècle dans la ville historique.

Outre une histoire de la métallurgie du fer en 1925, il était l’auteur d’une histoire de l’invention de la soie artificielle et des travaux scientifiques du comte H. de Chardonnet. Il fut à l’origine de plusieurs études sur la psychologie de l’enfant, sur les tests psychomoteurs et sur l’enfance anormale. Il avait écrit un recueil de poèmes intitulé D’un seul et même pas, et des études historiques publiées pour la plupart dans un recueil de communications données au colloque du 37e congrès de l’Association bourguignonne des sociétés savantes. Il écrivit aussi de courtes notices pour divers organismes, ainsi La réforme de l’enseignement, L’enseignement secondaire spécial (1866-1891). Il était chevalier des Palmes académiques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18084, notice BRUNAND Félix par Maurice Moissonnier, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 25 novembre 2020.

Par Maurice Moissonnier

Félix Brunand
Félix Brunand
Le fondateur de la Maison du blé et du pain
Le fondateur du GEHV

SOURCES : Arch. Nat., F17/30044 A. — Centre d’Archives Contemporaines de Fontainebleau, cote 19960325 art 13, rapport sur la situation du PCF en Saône-et-Loire en 1952 ; notice individuelle de septembre 1953. — Arch. Dép. Saône-et-Loire, 1714 W 80. — Arch. mun. Villeurbanne, 24 Z 140, lycée F. Faÿs. — Arch. mun. Lyon, état civil. — Nécrologie du père, l’Humanité, 26 mai 1937 — Site Lerize.Villeurbanne. — Documents familiaux. — Interview de l’intéressé. — Rachel Mazuy, Croire plutôt que voir ? Voyages en Russie soviétique (1919-1939), Odile Jacob, 2002. — Notes d’Alain Dalançon et Jacques Girault.

ŒUVRE : Le fichier de la BNF comprenait en novembre 2020 une référence : - {D’un seul et même pas}, préface de Jean Rousselot, illustrations de Roger Gazeau, Paris, J. Millas-Martin, 1956 (recueil de poèmes).

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