BRUNET Omer

Par Jacques Cousin, Jacques Omnes

Né le 7 juin 1886 à Saint-Symphorien (Deux-Sèvres), mort le 13 juin 1959 à Laval (Mayenne) ; instituteur ; militant du Syndicat des membres de l’enseignement laïc puis de la section mayennaise du SNI ; auteur de chansons et de poèmes.

Fils d’un instituteur, Omer Brunet fréquenta l’École normale d’instituteurs de Laval de 1902 à 1905 et en sortit avec le brevet supérieur. Il exerça uniquement en Mayenne et fut instituteur successivement à Javron, Château-Gontier, puis Laval.

En 1906, il adhéra à la section syndicale créée par des instituteurs mayennais quelques mois auparavant. A l’assemblée générale du 14 mai 1910, Brunet, en poste à Javron, fut élu au conseil syndical. Il fut également désigné comme délégué à la Bourse du travail de Laval. Le 23 octobre 1910, à la suite de la parution du premier numéro de L’Émancipation de l’Instituteur, bulletin mensuel de la section, il fut convoqué à la préfecture comme tous ses camarades du conseil syndical. Le motif de cette convocation était l’indication portée en tête du bulletin syndical : « Siège social : Bourse du travail ». Sommés de quitter la Bourse, ils refusèrent d’obéir et l’affaire n’eut pas de suite. À l’assemblée générale du 25 mai 1912, n’étant pas rééligible, Brunet quitta le conseil syndical. Cependant, signataire en septembre du « Manifeste de Chambéry », qui réclamait notamment le droit syndical pour les fonctionnaires, il se vit, comme dix-sept de ses camarades mayennais, infliger une réprimande. Condamné par les pouvoirs publics, incompris de la masse de ses collègues, il n’en continua pas moins son militantisme émancipateur.

Dès le début de la Première Guerre mondiale, mobilisé comme sergent au 330e régiment d’infanterie, il fut blessé à deux reprises : aux jambes et à l’épaule. Brunet publia dans des bulletins de l’Amicale des instituteurs et institutrices de la Mayenne (janvier-février 1915 et juin-juillet 1916) une série de 31 acrostiches de guerre qui lui permettaient de déjouer la censure militaire, tout en précisant ses lieux de cantonnement.

Au lendemain de la guerre, l’assemblée générale du 3 avril 1919 décida à l’unanimité de transformer la section syndicale en un « Syndicat des membres de l’enseignement laïque de la Mayenne ». Dès la fin de cette même année, les instituteurs syndicalistes mayennais se trouvèrent confrontés à la question de l’adhésion à la IIIe Internationale.

Le congrès de Tours de la Fédération nationale des syndicats d’instituteurs avait en effet décidé de soumettre cette question à référendum. Une discussion passionnée s’engagea sur ce point à l’assemblée générale de la Toussaint 1919. Auguste Durand* et Omer Brunet se firent les ardents défenseurs de l’adhésion. Brunet professait à cette époque une conception du syndicalisme inspirée de la théorie des « minorités agissantes ». Dans un article intitulé « recrutement » et publié par L’Émancipation de juin 1920, il regrettait que la Fédération de l’enseignement ne se soit pas associée au mot d’ordre de manifestation de la CGT pour le 1er mai. Il attribuait cette attitude au « recrutement à outrance » et constatait à propos de la Mayenne : « cinq fois plus nombreux qu’hier, nous sommes dix fois moins agissants ». Il se définissait lui-même comme « un syndicaliste qui croit surtout à l’action des énergies individuelles et (...) se demande si cette action ne sera pas anéantie par l’indifférence de la masse­ ». Emile Glay, dirigeant de la Fédération des Amicales, ayant dans une déclaration, envisagé l’entrée de son organisation à la CGT, Brunet poursuivait :« Oui, Glay s’y trouvera ; mais la masse des Amicalistes qu’il veut introduire à la CGT ne marcherait pas et, surtout, nous empêcherait de marcher ». Et dans une conclusion sans équivoque : « Il ne faut pas qu’on puisse entrer chez nous comme un âne dans un moulin à vent », il rejetait les adhésions en bloc des anciennes Amicales. Le 9 avril 1922, les instituteurs syndicalistes mayennais décidèrent à l’unanimité d’adhérer à l’Union départementale « unitaire » (CGTU), issue du congrès de scission de l’UD-CGT du 26 mars. À cette époque, Brunet était secrétaire pédagogique de la section, mais sans être membre du conseil syndical. Le 9 novembre 1922, il participa à la réunion intersyndicale au cours de laquelle fut décidée la constitution d’un comité d’entente départemental entre la section mayennaise du Syndicat national, issu des ex-Amicales et la section des enseignants unitaires. Brunet fut nommé à la commission pédagogique du comité d’entente lors de la séance du 7 décembre 1922 et lança notamment une vaste enquête sur l’état des locaux scolaires en Mayenne (enquête publiée dans les différents numéros de L’Amicalparus en 1925).Il était secrétaire pédagogique du bulletin L’Émancipation en janvier 1923 et remplaça Basile Augustin au secrétariat de la rédaction du bulletin lors de l’assemblée générale du 9 octobre 1924.

Aux élections pour le conseil départemental de l’enseignement primaire du 16 mars 1926, Brunet fut candidat avec A. Durand sur une liste unitaire opposée à celle du Syndicat national. Seul ce dernier fut élu. Cependant, le 14 décembre de la même année, Durand quitta le département après avoir obtenu sa mutation pour Marseille. Brunet fut élu, pour le remplacer, par 131 voix contre 102 à Louis Diguet* de la section mayennaise du SN. Brunet resta au conseil syndical des unitaires jusqu’en novembre 1927, date à laquelle il fut remplacé par Émilien Letessier. Il continua cependant à assister aux réunions. Le bulletin L’Émancipation ne mentionnait plus sa présence en juillet 1929. Dans L’Émancipation de juillet 1932, Brunet signait un article où il s’attachait à défendre le barème proposé par le syndicat de l’enseignement, unique moyen de contrôle, selon lui, des mutations d’instituteurs. En juin 1933, pour essayer de résoudre les problèmes financiers de la revue nationale L’École Émancipée, il proposait d’étendre à l’ensemble de la Fédération les textes adoptés par l’assemblée générale du syndicat de l’enseignement de la Mayenne imposant que les directeurs d’école versent à L’École Émancipée le montant de leurs indemnités de direction.

Le 5 décembre 1935, au cours de l’assemblée générale de fusion qui devait réunir la section mayen­naise du SN et le syndicat des membres de l’enseignement laïque de la Mayenne, Brunet défendit âprement pour le futur syndicat réunifié le choix de la loi de 1884 sur les syndicats ouvriers, contre la loi de 1901 sur les associations. Après une longue discussion, l’unanimité des adhérents décida que les quatre mandats de la nouvelle section iraient, lors du congrès national de fusion, en faveur du régime de la loi de 1884. Après l’adoption des statuts de la section départementale du SNI, les adhérents procédèrent au vote pour la commission administrative (6 unitaires et 10 ex-confédérés). Brunet ne figurait pas dans la liste des unitaires. En revanche, à l’assemblée générale du 3 décembre 1936, les statuts imposant le renouvellement annuel de la CA par moitié, il remplaça l’un des 3 ex-unitaires désignés par le sort pour quitter la commission administrative. Au conseil syndical du 7 janvier 1937, il devint secrétaire de la commission pédagogique.

Omer Brunet exerçait alors à Château-Gontier ; à la rentrée de 1937, il obtint un poste à l’école de Bel-Air à Laval. Au conseil syndical du 1er juillet 1937, il fut désigné en compagnie de Laure Gazel, Marthe Martinne et René Sauleau] pour s’occuper du comité d’entraide aux enfants espagnols créé ce même jour par la section départementale du SNI. À ce titre, il faisait partie de la délégation reçue à la préfecture qui réclama une aide pour les réfugiés espagnols. Son mandat fut renouvelé en janvier 1938, non plus en assemblée générale, mais par un vote où chaque canton dut élire son propre représentant. Il conserva le secrétariat de la commission pédagogique. À la CA du 5 mai 1938, Brunet présenta, en vue du congrès de Nantes, un rapport sur la morale qui fut approuvé à l’unanimité. André Delmas, secrétaire général national, assistait à l’assemblée générale de la section du SNI le 30 juin 1938. Micard y accusa la majorité départementale, de tendance École émancipée et dirigée par Sauleau, de former une tendance organisée, dressée contre le bureau national du SNI. Sauleau et son équipe furent mis en minorité sur le vote du rapport moral national par 85 voix contre 39. À l’AG du 6 octobre suivant, Henri Micard, Chevillé, Marcel Fautrad et Brilhault démissionnèrent de leurs postes respectifs au bureau en application de l’article 5 du règlement intérieur qui stipulait que le bureau revenait à la majorité, Brunet abandonna le secrétariat de la commission pédagogique et Sauleau celui de la commission d’éducation so­ciale. Ils rendirent Micard responsable de leur démission. Brunet fut l’un des 22 signataires de l’appel à la grève du 30 novembre 1938, lancé aux instituteurs mayennais. Le mot d’ordre, suivi seulement par 45 enseignants grévistes sur le département, fut levé à midi par un télégramme du secrétaire départemental Rouillet*. Cette grève ratée entraîna de graves désordres dans le fonctionnement de la section (démission de Rouillet, conseil syndical divisé) et pour les grévistes la suppression d’une semaine de traitement compensée grâce à un appel à la solidarité lancé par la section départementale du SNI.

Le 13 décembre 1940, les signataires de l’appel à la grève de novembre 1938, dont Brunet, furent frappés par de nouvelles sanctions allant du simple blâme au déplacement d’office. Brunet réapparut sur la liste des membres de la commission administrative publiée par La Voix Syndicale d’avril 1939, vraisemblablement en remplacement de Laure Gazel laquelle, élue à l’assemblée générale du 15 décembre 1938, avait déclaré ultérieurement, n’avoir pas voulu être candidate.

Omer Brunet, non mobilisé, accepta de participer aux travaux du conseil syndical en mars et avril 1940 et devint secrétaire adjoint chargé de l’administration et de la commission pédagogique au bureau provisoire. Au cours de l’AG départementale du 22 mars 1945, il fut élu pour compléter la commission administrative, puis comme secrétaire adjoint de la section, poste qu’il occupa jusqu’en octobre 1948. Au cours de cette même AG du 22 mars, Brunet, qui se distinguait par ses positions originales en matière de pédagogie, présenta un rapport sur la réforme des contenus de l’enseignement réclamée par le SNI. Il y réclamait notamment l’obligation scolaire de 6 à 14 ans et, pour les plus aptes, une éducation orientée du côté de la profession entre 14 et 16 ans, avec pour ces adolescents, un pré-salaire. Il demandait la gratuité totale de l’enseignement et adoptait les mêmes positions que Clément Durand en matière de laïcité. Selon lui, le système scolaire de l’époque avait le tort d’entretenir, au niveau de l’enseignement secondaire, la séparation entre les enfants suivant la fortune des parents. Il préconisait la sélection des enfants en fonction exclusivement de leurs capacités, dénonçait la lutte entre l’école privée et l’école publique et réclamait une seule école nationale se plaçant en dehors des partis et respectant toutes les convictions religieuses. Pour lui, la lecture était la base de l’enseignement du premier degré. Son rapport émettait également des suggestions sur le rôle de l’instituteur et sur la formation des maîtres, insistant sur la nécessité de placer l’enfant au centre du système tant au niveau de la psychologie ou de la pédagogie que du point de vue social, suggérant même qu’un médecin soit attaché à l’École normale d’instituteurs. Il estimait enfin que seuls 20 % des élèves suivraient avec profit les études du second degré.

Son mandat à la commission administrative fut renouvelé par 323 voix sur 426 suffrages exprimés, le 8 novembre 1945, et au conseil syndical du 15, il fut confirmé dans sa charge de secrétaire adjoint de la section et de membre de la commission pédagogique.
Brunet vit son mandat reconduit le 16 octobre 1947 par 432 voix sur 442 suffrages exprimés, là encore, on le nomma secrétaire adjoint. Brunet présidait le conseil syndical du 8 janvier 1948 qui discuta de la position de la section syndicale vis-à-vis de la scission au sein de la CGT : adhésion à la CGT ou à Force Ouvrière ? Autonomie du SNI ? Il rappela d’entrée de jeu que la scission n’était pas prévue dans les statuts et donc que la section ne pouvait que réprouver une manœuvre anti-statutaire. Il prit ouvertement position pour le maintien à la CGT, et souligna enfin que les mêmes hommes conduisant une nouvelle scission, il ne pouvait leur accorder sa confiance.

Tous les conseillers syndicaux ayant démissionné le 24 juin 1948, la section mayennaise du SNI présenta une liste unitaire regroupant les trois tendances aux élections du 27 octobre. Omer Brunet fut une nouvelle fois réélu. Il le fut également en novembre 1950 et en 1952. Cependant, en 1954, il ne demanda pas le renouvellement de son mandat, dans l’impossibilité où il se trouvait d’assister régulièrement aux travaux du conseil syndical.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18105, notice BRUNET Omer par Jacques Cousin, Jacques Omnes, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 4 novembre 2022.

Par Jacques Cousin, Jacques Omnes

ŒUVRE : Poèmes dans Les Cahiers du Maine, 1 et 2, insérés dans L’Amical d’août et décembre 1930.

SOURCES - Arch. Dép. Mayenne, 1 M 3154 ; Fonds de la section mayennaise du SNI-PEGC : Bulletin de l’Amicale des instituteurs et institutrices de la Mayenne, L’Émancipation, L’Amical, La Voix Syndicale , Bulletin officiel et spécial de l’instruction primaire, tableau de classement, janvier 1934. — Note de Jacques Girault.

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