DOMINITZ Chaïm, Jakob

Par Jean-Sébastien Chorin

Né le 21 mars 1884 à Staremiasto (Autriche-Hongrie, Pologne, Ukraine), massacré le 17 août 1944 à Bron (Rhône) ; de nationalité polonaise ; rabbin ; victime civile.

Chaim Dominitz
Chaim Dominitz
Source : Arch. Dép. Rhône.

Fils d’Alter Dominitz et Marja Cucker (Zucker), Chaïm Jakob Dominitz naquit en Galicie austro-hongroise. Sa ville natale, Staremiasto (ou Stare Miasto) passa sous domination polonaise entre les deux guerres et devint Stary Sambor. Chaïm Dominitz acquit la nationalité polonaise. Il devint rabbin. Marié avec Scheindel Schreiber, il eut quatre enfants. Ses filles, Chana et Cila, et son fils, Hersch, naquirent respectivement en 1910, 1921 et 1912 à Turka (Pologne). Les Dominitz demeurèrent à Sankt-Joachimstahl (Jachymov, République tchèque). Ils arrivèrent en France le 21 juin 1938 et s’installèrent à Paris, au 11 rue des Petites Écuries (Xe arr.). Le fils de Chaïm Dominitz, Hersch Dominitz, s’engagea dans l’armée française en 1939. Il fut incorporé dans le 21e régiment de marche de volontaires étrangers et fait prisonnier de guerre. Le 10 juin 1940, Chaïm Dominitz partit se réfugier à Vichy (Allier). « Evacué du département de l’Allier par ordre de l’autorité supérieure » au début du mois d’octobre 1940, il se réfugia à Lyon (Rhône) le 8 octobre 1940. Il demeura au 87 rue Garibaldi (VIe arr.) jusqu’au mois d’août 1944. Ses filles, Chana et Cila Dominitz, furent arrêtées à Paris, internées au camp de Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis) le 18 juillet 1943 et déportées à Auschwitz (Pologne) le 31 juillet 1943 par le convoi n° 58.

Arrêté en août 1944 parce qu’il était juif, le rabbin Chaïm Dominitz fut incarcéré à la prison de Montluc (Lyon), dans la « baraque aux Juifs ». L’un de ses codétenus, André Frossard, témoigna après-guerre des humiliations et mauvais traitements qu’il subit : Chaïm Dominitz « était un être timide et bon. Couvert d’une vaste houppelande, coiffé d’un bonnet carré auquel était suspendue une petite boîte, symbole de l’Arche d’alliance, il passait la plus grande partie de sa journée à prier. [Le gardien] Witmayer […] s’était mis en tête de lui faire apprendre par cœur une phrase […] : " le juif est un parasite qui vit sur la peau du peuple aryen, et il faut l’extirper ". Dominitz ne parlait pas l’allemand. Il trébuchait sur chaque syllabe. Witmayer ponctuait sa leçon de coups furieux au visage et au ventre. […] Quand un sous-officier ouvrait la porte, on entendait, dans le fond, la voix du Rabbin […] qui débitait sa formule, d’un trait, selon l’ordre qu’il en avait reçu. […] Et, un jour, on est venu chercher Dominitz pour le fusiller. Avant de le faire monter dans le fourgon, Witmayer lui fit répéter une dernière fois, devant les tueurs qui venaient prendre livraison de leur victime, et qui riaient ».

Le 14 août 1944, eurent lieu des bombardements sur la base aérienne de Bron (Rhône). Devant l’ampleur des dégâts, les Allemands décidèrent de faire travailler sur le camp d’aviation des détenus juifs de la prison de Montluc.
Le 17 août, à 9 heures du matin, Chaïm Dominitz et 49 autres prisonniers furent extraits « sans bagage » de la « baraque aux Juifs ». Le gardien Wittmayer fit l’appel et, à la dernière minute, les Allemands remplacèrent deux catholiques par des Juifs. Ils furent embarqués sur trois camions gardés par des soldats armés, puis amenés sur le champ d’aviation de Bron. A Bron, les prisonniers furent répartis par groupes de trois et contraints de rechercher, d’extraire et de désamorcer des bombes non éclatées. Vers midi, ils furent dirigés près d’un hangar pour déjeuner. L’un des détenus, Jacques Silbermann, profita de cette occasion pour s’évader. Après des menaces de représailles et de vaines recherches, les soldats allemands conduisirent les 49 détenus sur le chantier pour reprendre le travail. A 18h30, alors que les prisonniers remontaient sur un camion pour regagner Montluc, un major allemand donna l’ordre de les amener sur un autre chantier. Les 49 détenus furent conduits près de trois trous d’obus au-dessus desquels ils furent exécutés par balles. Leurs corps furent ensuite recouverts de terre et de gravats.

Le lendemain, 18 août, 23 détenus juifs de Montluc, dont au moins 20 de la « baraque aux Juifs », furent également conduits sur le terrain d’aviation de Bron. Ils subirent le même sort que les prisonniers de la veille. Ils furent exécutés au-dessus d’un trou d’obus après avoir recherché, extrait et désamorcé des bombes non éclatées pendant la journée.
A Montluc, le 19 août, le chef de la « baraque aux Juifs », Wladimir Korvin-Piotrowsky, dû remettre « en tas » les bagages des 70 prisonniers aux autorités allemandes.
En septembre 1944, cinq charniers furent découverts sur le terrain d’aviation de Bron. Le corps de Chaïm Dominitz fut retrouvé dans le charnier D, situé entre les hangars 75 et 80 et contenant 22 cadavres. D’après le rapport du médecin légiste, il avait reçu une balle dans la tête.

Le corps de Chaïm Dominitz, d’abord enregistré sous le numéro 66, fut identifié au début du mois d’octobre 1944 par sa fille Evelyne Dominitz. Son acte de décès fut dressé le 7 octobre 1944 à Bron. Chaïm Dominitz fut inhumé au cimetière de Lyon - La Mouche (VIIe arr.). Le titre d’interné politique lui fut attribué en 1953.

Voir Bron (17-21 août 1944)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article181072, notice DOMINITZ Chaïm, Jakob par Jean-Sébastien Chorin, version mise en ligne le 24 mai 2016, dernière modification le 20 décembre 2020.

Par Jean-Sébastien Chorin

Chaim Dominitz
Chaim Dominitz
Source : Arch. Dép. Rhône.

SOURCES : DAVCC, Caen, dossier de Chaïm Dominitz.— Arch. Dép. Rhône, 3335W22, 3335W16, 3808W866, 31J66, 3460W1, 3460W4, 829W273.— Bulletin de l’Association des Rescapés de Montluc, N°18, mai 1946.— Bulletin de l’Association des Rescapés de Montluc, N°23, octobre 1946.— Pierre Mazel, Mémorial de l’oppression, fasc. 1, Région Rhône-Alpes, 1945.— André Frossard, La Maison de otages, Montluc 1944, 1983.— Site Internet du Mémorial de la Shoah.— Site Internet de Yad Vashem .—Site Internet lesmortsdanslescamps.com. — État civil (très partiellement traduit, sur le site Internet JRI-Poland)

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