VOUHÉ Raymond, Victorin, René

Par Alain Dalançon

Né le 7 mars 1909 à Saint-Aubin-le-Cloud (Deux-Sèvres), mort le 16 janvier 1990 à Thouars (Deux-Sèvres) ; instituteur, directeur d’école ; militant du SNI, secrétaire de la section départementale des Deux-Sèvres ; militant socialiste SFIO puis du PS, maire de Thouars (1965-1977).

Raymond Vouhé (années 1950)

Fils d’Auguste, Eugène, Alexandre Vouhé, domestique, et de Stéphanie Vincent, sans profession, Raymond Vouhé fut orphelin de père assez jeune. Pour élever ses quatre enfants, sa mère dut se gager dans une ferme à Pougne-Hérisson (Deux-Sèvres). Excellent élève à l’école primaire, il réussit l’examen des bourses afin de poursuivre ses études à l’école primaire supérieure de garçons annexée au collège de Parthenay, et fut reçu premier au concours d’entrée à l’École normale d’instituteurs des Deux-Sèvres située dans la même ville (promotion 1925-1928), dont il sortit major.

Il épousa le 12 août 1930 à Pougne-Hérisson, Odette, Simone Chollet, institutrice, avec laquelle il eut quatre enfants (un garçon et trois filles). Ils furent nommés instituteurs à Vernoux-en-Gâtine où ils demeurèrent presque vingt ans.

Adhérent du Syndicat national des institutrices et instituteurs, il y milita dans la section départementale, surtout à partir de 1938. Il fut élu en 1939 membre du conseil syndical sur la liste « Action syndicale pour l’indépendance absolue du mouvement syndical », concurrente de la liste pacifiste qui fut minoritaire.

Réformé en 1939, il continua son enseignement à Vernoux et participa à la Résistance en assumant diverses tâches de renseignements, sans doute en lien avec Marcel Chichéry (alias « Rémy »), René Marsteau et Edmond Proust avec lesquels il conserva des relations d’amitié ; mais il resta toujours très discret sur cet engagement.

Après la guerre, Raymond Vouhé et son épouse obtinrent leur nomination à Saint-Jean-de-Thouars puis une dizaine d’années plus tard à Thouars même, où Raymond Vouhé fut nommé directeur de l’école de garçons Jules Ferry, succédant à M. Gascougnolle.

À nouveau membre du conseil syndical de la section départementale du SNI à partir de 1945, il en fut immédiatement, et durant plusieurs années, secrétaire de la commission de défense laïque. Il en devint secrétaire général au début de l’année scolaire 1950-1951 et le demeura jusqu’en 1962-1963. Militant socialiste SFIO, ami d’Émile Bèche et de René Gaillard, défenseur de l’autonomie du SNI et de la FEN après 1948, il affirma son autorité dans la section, notamment à l’égard des militants communistes de la FEN-CGT. Lorsque ces derniers décidèrent de ne plus y militer, conformément à appel du bureau politique du Parti communiste français de janvier 1954, il refusa aux élections du conseil syndical du mois de novembre, de les intégrer dans une liste commune en raison des « oppositions de principes graves ». Il manifesta en effet durant toute sa vie une opposition déterminée au PCF, même s’il pouvait entretenir de l’amitié avec quelques-uns de ses militants instituteurs, passés comme lui par l’ENI de Parthenay, notamment Marcel Fougère.

À Thouars, Raymond Vouhé était vice-président de la Société d’éducation populaire et administrateur du Foyer laïque. Immédiatement après sa prise de retraite en 1965, il entama une carrière politique. Aux élections municipales, il fut candidat, dernier sur la « Liste d’action économique et sociale », regroupant diverses sensibilités de la gauche et du centre, conduite par un instituteur retraité socialiste, ancien prisonnier de guerre, Marcel Soulat, opposée à celle de Jacques Ménard, maire depuis 1953, sénateur depuis 1959, inscrit au groupe de l’Union des Républicains et des Indépendants, et vice-président du Conseil général. Arrivée en tête au premier tour, la liste des opposants l’emporta au second tour mais, contre toute attente, Marcel Soulat n’obtint qu’une voix pour l’élection au fauteuil de maire. Une crise s’était en effet ouverte dans la section thouarsaise de la SFIO, les militants les plus en vue comme Naud, Couturier ou Proust, reprochant à Soulat d’avoir pris la tête d’une liste qui n’affichait aucune orientation politique et rassemblait beaucoup de médecins et pharmaciens qui n’étaient que des opposants au sénateur-maire sortant. Raymond Vouhé, militant socialiste convaincu, connu pour sa rigueur et son honnêteté, réussit à réunir sur sa candidature au fauteuil de maire les 26 autres voix de la liste victorieuse. Georges Jougier, ancien cheminot, résistant de l’OCM, déporté, fut élu premier adjoint ; Maurice Bouquet, ancien receveur des postes et René Rigot, pharmacien, furent élus second et troisième adjoints ; trois autres adjoints furent élus. Le nouveau maire conclut son allocution : « Bien que novices, nous nous pencherons sur tous les problèmes (…) la mairie restera la maison commune où tous les habitants trouveront une équipe décidée à lui donner satisfaction. Nous entendons mener notre tâche à bien, en toute simplicité, en toute honnêteté, en toute justice ».

Dans un premier temps, la nouvelle municipalité poursuivit les projets en cours de la précédente : construction du nouvel hôpital, de la cité scolaire Jean Moulin, d’une nouvelle caserne des pompiers, aménagement du boulevard périphérique, et poursuite du développement urbanistique conformément au plan directeur et au règlement adoptés en 1963. En 1969, fut officialisée le jumelage avec Diepholz (Allemagne fédérale).

Mais la municipalité ne tarda pas à se heurter à des graves difficultés d’ordre économique avec la fin d’activités industrielles qui avaient été les fleurons de la cité cheminote : fermeture de l’usine de métallurgie spécialisée DOP entraînant 200 licenciements, réduction des ateliers du dépôt de la SNCF, dernier dépôt vapeur de la région Ouest, suivie de leur fermeture.

À la suite des événements de 1968, Raymond Vouhé se présenta aux élections législatives du mois de juillet, comme candidat de l’ « Union de gauche socialiste et démocratique » dans la 3e circonscription (Thouars-Bressuire), mais il ne recueillit que 8 215 voix sur 55 838 inscrits face au député sortant UDR, André Bordage, qui l’emporta dès le premier tour.

Après le congrès d’Epinay de 1971, il adhéra au nouveau Parti socialiste. Fidèle à son ancien engagement à la SFIO, il signa pour le congrès de Grenoble en 1973, la motion 3 : « Pour poursuivre une bataille socialiste. Pour un parti unitaire de lutte de classes » de Guy Mollet. Il avait été réélu maire de Thouars en 1971. Durant son second mandat, la municipalité tenta de redynamiser la ville en essayant de faire venir de nouvelles entreprises grâce à une communication active par voie de presse et par la télévision. La Compagnie européenne d’emballage, la Compagnie des champignonnistes du Saumurois et la société de menuiserie industrielle ACMEMO vinrent s’implanter dans la zone industrielle qui s’étendit, si bien que la ville obtint le prix de l’expansion régionale. Le 29 décembre 1972, Thouars se regroupa avec les communes voisines de Louzy, Missé, Saint-Jacques-de-Thouars, Saint-Jean-de-Thouars et Sainte-Radegonde pour créer le district de Thouars.

Ce renouveau économique amena la municipalité à réaliser de nouveaux équipements tels que la construction du Foyer des jeunes travailleurs, l’extension des zones d’habitat avec l’achèvement des Capucins, de la tour Garambeau, de la Normande et du Foyer-résidence pour personnes âgées, puis des zones d’urbanisation de la Subilène, de la Madeleine et des Vauzelles. Mais cette extension de la ville nouvelle et de la zone commerciale se fit aux dépens du vieux centre historique dont le maire voulait portant préserver la vie. Au plan culturel et sportif furent entreprises les constructions du Centre de formation professionnelle agricole, du gymnase du Château, de la rénovation du Foyer laïque et de la nouvelle médiathèque à laquelle ses enfants donnèrent après sa mort une partie de sa riche bibliothèque.

Le 11 mars 1973, fort de ce bilan à Thouars, Raymond Vouhé fut à nouveau candidat aux élections législatives, soutenu par le PS et les radicaux de gauche, et par la section départementale du SNI. Au 1er tour, il arriva en troisième position, avec 9 120 voix sur 58 141 inscrits. Dans la triangulaire du second tour, face au sortant UDR André Bordage, il perdit au bénéfice du candidat du Centre démocrate, Albert Brochard, qui fut élu notamment grâce aux voix des électeurs communistes (77 %), alors que le candidat du PCF s’était désisté en sa faveur, et il n’obtint que 9 652 voix.

Malade dès avant la fin de son second mandat de maire, sa carrière politique se termina. Le docteur Dumont, représentant de la droite, lui succéda en 1977. Homme secret et souvent autoritaire, exigeant à l’égard des autres comme de lui-même, Raymond Vouhé avait une haute idée du bien public. Son nom fut donné à un boulevard de la ville.

Son épouse décéda le 6 janvier 1984.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article181167, notice VOUHÉ Raymond, Victorin, René par Alain Dalançon, version mise en ligne le 26 mai 2016, dernière modification le 8 avril 2022.

Par Alain Dalançon

Raymond Vouhé (années 1950)
Cérémonie de départ du préfet Mignon à gauche, janvier 1966
Inauguration avril 1974, le maire R. Vouhé entre le député Brochard à gauche et le sénateur Ménard à droite

SOURCES : Arch. mun. Thouars (Roseline de Saint-Ours), dont articles de la presse locale : Nouvelle République et Courrier de l’Ouest) . — Arch. Dép. Deux Sèvres, Bulletin du SNI des Deux-Sèvres depuis 1934. — L’École libératrice. — Éric Kocher-Marboeuf, De la terre de mission à l’espace de conquête : un siècle de socialisme en Deux-Sèvres. — Renseignements fournis pas sa famille. — Témoignages de Saint-Jeantais et Thouarsais recueillis par l’auteur qui, lui-même, l’a connu. — Notes de Jacques Girault et Gilles Morin.

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