Par Jacques Girault
Né le 17 juin 1931 à Monceaux-sur-Dordogne (Corrèze), mort le 13 février 2014 à Paris (XVe arr.) ; instituteur puis directeur-adjoint de collège ; militant syndical (SNI, FEN) ; militant mutualiste ; militant socialiste, maire d’Argentat (Corrèze), conseiller général, sénateur, ministre.
Dernier des trois fils d’un artisan boucher qui mourut en 1943, René Teulade, après avoir fréquenté le cours complémentaire d’Argentat, effectua ses études secondaires au lycée de Tulle (Corrèze) et entra à l’Ecole normale d’instituteurs de Tulle en 1947. Il commença sa carrière d’instituteur à Monceaux à partir de 1951. Il poursuivit ses études à la Faculté des lettres de Clermont-Ferrand. Titulaire du certificat d’aptitude au professorat des collèges, professeur d’enseignement général (mathématiques-physique), il enseigna à partir de 1955 au cours complémentaire d’Argentat (Corrèze). En 1966, il occupa les fonctions de directeur-adjoint de l’établissement devenu collège d’enseignement général jusqu’à son départ pour Paris en 1972. Parallèlement, il jouait au rugby dans le club local, l’Union sportive Argentacoise, qu’il présida par la suite. A la fin des années 1950, après son service militaire, il fut rappelé pendant la guerre d’Algérie.
René Teulade se maria en juillet 1953 à Argentat avec une future secrétaire de direction. Le couple eut deux enfants.
Militant du Syndicat national des instituteurs, René Teulade devint membre du conseil syndical de la section départementale au milieu des années 1950. Il fut élu secrétaire de la section à la fin de 1963 et conserva cette responsabilité jusqu’en 1968. Passant le relais, il accéda au secrétariat de la section départementale de la Fédération de l’Éducation nationale de 1968 à 1972.
À partir de 1964, il signait les motions d’orientation de la majorité pour les congrès nationaux du SNI. Au congrès de 1965, il présenta les grandes lignes de la motion d’orientation déposée par la majorité qui recueillit 1 657 mandats sur 2 686. Lors de la réunion du conseil national du SNI, le 23 décembre 1965, il fut élu à la commission des conflits. Pour les élections au bureau national du SNI en décembre 1967, il figura en 22eme position sur la « liste de la majorité nationale du SNI pour un syndicalisme dans l’Unité, l’Indépendance et la Démocratie ». Il fut l’un des dirigeants du Centre de recherches économiques et sociales, qui éditait un bulletin mensuel à l’intention des militants des organisations et du Comité de coordination des œuvres mutualistes et coopératives de l’Éducation nationale.
De 1974 à 1992, René Teulade présida l’Union nationale des mutuelles retraites des instituteurs et des fonctionnaires de l’Education nationale, puis de la Fonction publique puis, devenu ministre, fut de 1992 à 1994 « président empêché ». Il fut par la suite conseiller du nouveau président. Dès lors il milita surtout dans le mouvement mutualiste comme membre du comité exécutif (1977-1992) et président de la Fédération nationale de la mutualité française de 1979 à 1992. Devenu un des porte-parole des organisations mutualistes, il les représenta au Conseil économique et social de 1980 à 1992, en tant que président du groupe de la mutualité puis de la section des affaires sociales. Il reprit sa place dans le CES de 1993 à 1994 puis de 1998 à 2004 mais ne parvint pas à le présider. En 2000, il présenta au CES un rapport contesté par le patronat et la droite sur le financement du régime de retraites. Il fut nommé au Conseil d’orientation des retraites à partir de 2008 au titre du Sénat.
Vice-président de la Casden-BP et de la Matmut, il présida en 1988 la commission “Protection sociale“ du Xe plan. Son influence internationale était importante comme vice-président de l’Association internationale de la mutualité et membre du bureau de l’Association internationale de la Sécurité sociale,
Initié à la Franc-maçonnerie, il participait activement à la vie du mouvement. Membre de la Commission nationale de l’informatique et des libertés de 1988 à 1992, il présidait le Comité national de liaison “Etre citoyen“ de 1989 à 1992.
René Teulade adhéra au Parti socialiste SFIO au début des années 1950. Exerçant des responsabilités secondaires, il fut un des principaux soutiens des militants qui prirent des distances avec les dirigeants socialistes dans les années 1960 et rejoignit le Parti socialiste après le congrès d’Épinay. Il joua un rôle important dans les réflexions des militants sur l’Éducation nationale. Directeur de publication du bulletin École et Socialisme de mars 1973 à juin 1975 puis de la revue École et Socialisme de novembre 1975 à juin 1979, militant actif du courant « Unité, Indépendance, Démocratie » de la FEN, il participa aux rencontres avec les militants socialistes de « Démocratie et Université » qui soutenaient le courant « Unité et Action » de la FEN dans les années 1974-1975.
Dès lors, il exerça des responsabilités politiques de premier plan jusqu’à devenir le secrétaire national puis le président du Comité économique, social et culturel du Parti socialiste de 1998 à 2008. On le disait proche des orientations affichées par Michel Rocard.
René Teulade fut un des trois élus minoritaires au conseil municipal d’Argentat en 1971 sur une liste d’union de la Gauche. Parti à Paris, il ne fut pas candidat aux élections municipales de 1977 et de 1983. En 1989, élu en tête de la liste d’union de la gauche à majorité socialiste, il devint maire. Il conserva cette responsabilité jusqu’en 2014.
Argentat, depuis la fin de la guerre, ne s’était pas modernisée. Bien que souvent absent, René Teulade, qui aimait aussi cultiver son jardin et chasser, déléguait à son équipe dynamique qui travaillait collectivement. En un quart de siècle, d’importantes initiatives modernisèrent la commune. « Profitant de son entregent national et régional », le maire « sut mobiliser les fonds et les énergies publics et privés, le travail de ses adjoints, le dynamisme des entreprises familiales locales et initier un fort partenariat. » Furent notamment réalisés l’assainissement, une zone industrielle et artisanale, des travaux de voirie améliorant la circulation, dont la construction d’un deuxième pont sur la Dordogne, la réhabilitation de l’habitat, la construction de logements sociaux, un centre aqua-récréatif, la refonte de la maison de retraite, la construction d’un centre socio-culturel et d’une médiathèque intercommunale.
En 1974, candidat au Conseil général dans le canton d’Argentat, pour le deuxième tour, il se désista pour le candidat soutenu par le PCF qui fut battu. Au printemps 1992, René Teulade fut battu de trois voix aux élections cantonales. Le scrutin ayant été invalidé, il l’emporta à la fin de 1992 et, réélu constamment, demeura conseiller général jusqu’en mars 2011 où il ne se représenta pas. Ayant contribué à la victoire de la gauche dans l’assemblée départementale, il en fut le premier vice-président de 2008 à 2011.
Dans le deuxième mandat présidentiel de François Mitterrand, il fut nommé, en avril 1992, ministre des affaires sociales et de l’intégration dans le gouvernement de Pierre Bérégovoy, responsabilité qu’il conserva jusqu’en avril 1993. Il bénéficia d’un accord des syndicats de médecins lors du vote difficile de la loi sur la maîtrise des dépenses de santé en janvier 1993 qui ne fut que partiellement appliquée.
Après avoir été le suppléant de François Hollande, député de la Corrèze de 1997 à 2002, René Teulade, élu sénateur de la Corrèze en 2008, fut nommé à la commission des affaires sociales.
A la fin de sa carrière une affaire politico-judiciaire l’affecta profondément et donna lieu à une exploitation politique qui troubla les organisations mutualistes. La Mutuelle de retraite de la fonction publique transforma son produit (retraite par répartition devenant retraite par capitalisation) en application d’une directive européenne. Cette modification entraîna une baisse des sommes perçues par les adhérents. Certains portèrent plainte contre huit dirigeants pour abus de confiance, perception d’indemnités et attribution de logements de fonction, sur décision du seul conseil d’administration. René Teulade contesta ces accusations et invoqua la confiance de ses camarades et de ses électeurs. En juin 2011, il fut condamné par le Tribunal correctionnel de Paris à 18 mois de prison avec sursis et 5 000 € d’amende pour abus de confiance. Les autres prévenus furent aussi condamnés à des peines d’amendes. Les accusations furent quasiment éteintes par décision de la Cour d’appel (11 avril 2014) ainsi que par l’arrêt de la Cour de Cassation (12 novembre 2015), signifiant que les difficultés de la MRIFEN étaient bien dues à la transposition des règles de solvabilité imposées par les directives européennes sur les assurances, incluant les groupements mutualistes.
Lors de l’hommage public suivant ses obsèques religieuses à Argentat, le 18 février 2015, François Hollande, président de la République, lui rendit hommage. Le nom de René Teulade fut donné à un rond-point d’Argentat sur décision du conseil municipal. Depuis 2016, le lycée de la communauté rurale de Sakal (Sénégal), jumelée avec Argentat, porte son nom.
Par Jacques Girault
ŒUVRE : La Mutualité française : un idéal pour 25 millions d’hommes et de femmes, Éditions Ramsay, 1984.
SOURCES : Fondation Jean Jaurès, 12 EF 19/1. — Presse nationale. — Notes de Jean Battut, de Luc Bentz, de François Bretin, d’Alain Dalançon, de Patrick Eyrignac, de Paul Faure, de Charles Martial. — Témoignage de René Teulade (groupe de recherches sur le syndicalisme enseignant, Centre fédéral FEN-Centre de recherches d’histoire des mouvements sociaux et du syndicalisme). — Patrick Eyrignac, René Teulade l’humaniste, Paris, Espace Social Européen, 2019.