CHATELLIER Amand

Par Serge Cordellier

Né en 1941 à Moisdon-la-Rivière (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) ; paysan ; militant de la JAC ; militant du CDJA à compter de 1967 dont il devint président (1971-1976) ; coopérateur engagé ; membre du bureau de la FDSEA (1976) laquelle est exclue par la FNSEA (1978) ; président de la FDSEA (1978-1982) ; co-animateur de l’Interpaysanne (1981-1982) ; secrétaire général de la FNSP (1982) ; membre fondateur de la Confédération paysanne (1987).

Cadet d’une famille de trois enfants (une fille et deux garçons), Amand Chatellier est le fils d’Amand né en 1907 et d’Eugénie Godeux née en 1906. Ses parents vivaient sur une exploitation de polyculture-élevage de 36 hectares, en fermage aux trois-quarts et en propriété pour le reste. Il suivit l’école primaire privée de Moisdon de 1947 à 1955, jusqu’au certificat d’études primaire (CEP), puis fit une formation en alternance en collège agricole (privé), de 1956 à 1959 (Brevet d’aptitude agricole – BAA) et une année de cours par correspondance via le CERCA, Centre d’études rurales par correspondance de l’École supérieure d’agriculture d’Angers (ESA).
Il découvrit la JAC (Jeunesse agricole catholique) en 1957-1958 : coupe sportive, stage de culture générale en 1961, ce stage étant animé par Bernard Thareau. Il effectua son service militaire de mai 1961 à février 1963 sans être appelé en Algérie : Montpellier, 8 mois ; puis Bonifacio, 13 mois. À son retour, il reprit sa place comme aide familial sur l’exploitation et fit ensuite partie de l’équipe départementale de la JAC, jusqu’à fin 1965.
Il se maria avec Cécile Lépicier, également de Moisdon, le 30 avril 1966 ; ils eurent quatre enfants (François, 1967 ; Vincent, 1969 ; Samuel, 1972 ; Agnès, 1974). Le couple s’installa à la suite des parents d’Amand Chatellier en novembre 1966 puis forment, en octobre 1970, un GAEC (groupement agricole d’exploitation en commun) avec André et Monique Tessier. Le GAEC, en fermage intégral, se spécialisa en lait et porcs charcutiers. Le GAEC fut transmis à deux jeunes lors de la retraite du couple, en 2002.
À partir de 1967, Amand Chatellier milita au CDJA (Centre départemental des jeunes agriculteurs), organisation de « jeunesse » de la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles). Cette fédération fut alors présidée par Emmanuel Charriau, Bernard Lambert (1931-1984) en étant le secrétaire général de 1964 à 1971. Ce dernier est doté d’une solide expérience associative, syndicale, coopérative et politique. Un autre responsable professionnel du département, Bernard Thareau (1936-1995), de cinq ans l’aîné d’Amand Chatellier, joue aussi un rôle majeur aux plans départemental, régional et national.
Ces deux militants incarnaient les deux sensibilités concurrentes qui allaient s’opposer, parfois vivement, au sein du syndicalisme agricole de Loire-Atlantique et, plus largement, au sein de la Gauche paysanne moderne à l’échelle hexagonale. Ces sensibilités s’inscrivirent respectivement dans deux tendances.
D’une part, dans le courant « Paysan-travailleur », puis à la CNSTP (Confédération nationale des syndicats de travailleurs paysans), fondée en 1981 avec des militants, au plan départemental, comme Bernard Lambert, Jean Cadiot (1938-2013), Denis Gaboriau, Marie-Paule Méchineau ou encore Bernard Deniaud. D’autre part, dans l’Interpaysanne (constituée en 1981) en prolongation de l’Interdépartemental de la fin des années 1970. Ce dernier courant incluait à l’ouest le Comité de Redon (avec les FDSEA de Loire-Atlantique, Finistère, Mayenne, Morbihan). Cette alliance durable avait notamment animé le Comité de sauvegarde de l’élevage de l’Ouest avec pour principal porte-parole Guy Le Fur, militant du Finistère. Ce Comité de sauvegarde constituait une force critique et progressiste essentielle pour les zones d’élevage, qui eut un écho bien au-delà de la Bretagne et des Pays de la Loire, ses mobilisations transgressant les frontières syndicales. À partir de 1982, la FNSP (Fédération nationale des syndicats paysans) prendra le relais de l’Interpaysanne. Amand Chatellier, Henri Baron (1932-2013), Bernard Rapion (1936-2003), Joseph Blineau (1930-2015), Marie-Madeleine Bonhommeau, Louis Loreau, Bernard Avenard seront, parmi d’autres, des responsables très actifs de cette FDSEA-FNSP de Loire-Atlantique.
Ces organisations rivales ne se réunirent que tardivement au sein de la Confédération paysanne constituée au niveau national en 1987. Cette réunification fut plus tardive et plus besogneuse en Loire-Atlantique. Ces deux courants avaient pourtant des origines culturelles communes : la très grande majorité de leurs responsables étaient issus de la JAC ou du MRJC (Mouvement rural de jeunesse chrétienne qui a succédé à la JAC au début des années 1960) et une matrice syndicale également commune, le CDJA. Leurs clivages étaient largement hérités des retombées des évènements de Mai 1968 et de l’éclatement du CDJA en 1973. Pour la première sensibilité, très radicale et avant-gardiste, l’option était délibérément politique, « de classe ». Pour la seconde, il s’agissait de prolonger la tradition d’un syndicalisme portant le souci d’une structuration démocratique et progressiste reposant sur une large base.
Amand Chatellier fut président du CDJA de 1971 à 1973, en succession de Bernard Deniaud. En 1973, il démissionna avec la majorité du bureau (Jean-Paul Briand 1942-1973), Marie-Madeleine Bonhommeau, Marie-Thérèse Allain, Marie-France Luneau…), en désaccord avec leurs collègues militants « paysans-travailleurs  » sur les orientations et sur l’avenir de la structure jeune. De 1974 à 1976, Amand Chatellier fut délégué des producteurs du groupement porc de la CANA (Coopérative agricole La Noëlle d’Ancenis) et entretient des relations étroites avec Bernard Thareau et René Philippot, administrateurs, le premier étant alors président de la Fédération nationale porcine (FNP) et le second président des groupements de producteurs de porcs des Pays de la Loire.
Après trois années au PSU (Parti socialiste unifié), il adhèra au Parti socialiste en 1975. Il s’en retira en 1983.
Amand Chatellier fut élu au bureau de la FDSEA en 1976. En 1978, cette dernière, sous la présidence de René Guitton, est exclue de la FNSEA (congrès de Versailles) avec l’appui de la FNSEA, une organisation rivale UDSEA (Union départementale des syndicats d’exploitants agricoles) est bientôt créée (mars 1979), par scission, avec pour principales cautions Raphaël Rialland (1925-2015) et Emmanuel Charriau (1925-1988). La même année 1978, le secrétaire général (national) de la FNP Guy Le Fur (Finistère) fut écarté à la suite d’une manœuvre anti-statutaire. La même année encore a lieu une tentative de déstabilisation à l’encontre de la direction très combative de la SNFM, Section nationale des fermiers et métayers avec le Finistérien Pierre Abéguillé (1922-2010) au poste de président et Paul Le Saux (1921-1997), à celui de secrétaire général...). Cette tentative aboutit en 1981. Ces trois opérations concomitantes traduisaient la volonté manifeste de la direction de la FNSEA de réduire les bases de trois de ses principales structures progressistes en un temps où la gauche politique apparaissait en mesure de devenir majoritaire dans le pays.
A. Chatellier est président de la FDSEA de 1978 à 1982 (Louis Loreau lui succédera). Il prend part à la création de l’Interpaysanne (1981-1982) qui prolonge en partie l’Interdépartemental et regroupe les oppositions internes de la FNSEA et du CNJA. Elle est notamment animée par Guy Le Fur. Aux côtés de Marcel Louison (Loire, 1924-2002), Zéphirin Espagne (Haute-Garonne), Jean Trohel (Mayenne, 1928-2012) et Paul Philippe (Puy-de-Dôme), A. Chatellier prend part aussi à la constitution de la FNSP en 1982. Il en devint secrétaire général (1982-1984). Cette fonction équivaut à celle de président dans d’autres organisations. En 1984, Paul Deloire (Loire) lui succèda au poste de secrétaire général de la FNSP.
Amand Chatellier participa ensuite, à la fondation de la Confédération paysanne en 1987, laquelle réunit principalement la FNSP (syndicats paysans) et la CNSTP (syndicats de travailleurs paysans). Dans le département de la Loire-Atlantique, du fait des histoires et antagonismes respectifs des équipes de « travailleurs-paysans » (affiliées à la CNSTP) et celles de la FDSEA (affiliée à la FNSP), il fut convenu d’un moratoire de dix ans pendant lequel les deux courants pourront s’affilier directement à la Confédération paysanne nationale sans fusionner entre elles. La fusion intervint en 1996.
Amand Chatellier est en 1991 administrateur national de l’AFIP (Association nationale de formation et d’information paysannes, devenue Association d’information et de formation pour le développement d’initiatives rurales). Il fut l’un des initiateurs en 1979-1980 aux côtés de Joseph Guénanten (Morbihan), Marcel Louison (Loire), Alain Brunel (1948-2004) (Haute-Garonne), Jo Bourgeais (Maine-et-Loire), Guy Le Fur, Bernard Thareau, Bernard Bégaud (Charente-Maritime) et de quelques autres. Il est membre du bureau de l’AFIP de 1992 à 1996. Cet organisme, structure de services transversale aux syndicats et associations progressistes, s’était donné comme but de favoriser les échanges et les collaborations entre sensibilités différentes afin de dépasser les sectarismes (encore très vifs) et d’encourager les coopérations.
Amand Chatellier était membre du Conseil économique et social (CES) national de septembre 1984 à août 1989, comme représentant de la FNSP, puis de la Confédération paysanne.
Il prit sa retraite de paysan, transmit son exploitation le 1er°avril 2002 et devint l’un des animateurs de la commission départementale « Retraités » de la Confédération paysanne de Loire-Atlantique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article181451, notice CHATELLIER Amand par Serge Cordellier, version mise en ligne le 7 juin 2016, dernière modification le 7 décembre 2020.

Par Serge Cordellier

SOURCES : Entretien avec l’auteur à Moisdon-la-Rivière (44) le 22 février 2004. – Archives FDSEA 44, Centre d’histoire du travail (CHT) de Nantes [www.cht-nantes.org], 417 boîtes-archives (incluant les archives de la FRSEAO pour la période 1966 à 1972). − Le Paysan nantais, bimensuel (la collection pour la période 1945-1980 est accessible dans les archives FDSEA du CHT citées ci-dessus). – Collection Interdépartemental, Bulletin de liaison, sept. 1977 à oct. 1979, FDSEA 56, Vannes (mensuel). – Archives nationales FNSP, Centre d’histoire du travail (CHT, www.cht-nantes.org) de Nantes, 47 boîtes-archives (incluant les archives de l’Interpaysanne et la collection du mensuel Pays et paysans, magazine de la FNSP animé par François Féron et illustré par Pierre Samson. – Archives Confédération paysanne nationale, Centre d’histoire du travail (CHT), 18 boîtes-archives. – Amand Chatellier, De la FNSP à la Confédération paysanne (6 f.), lors de journées Marcel Louison des 25-26 janvier 2003, château de Goutelas, (Marcoux, Loire), non publié. − S. Cordellier, « La gauche paysanne moderne et la cogestion » [Cet article traite des rapports à l’État et à la Profession des courants pré-constitutifs de la Confédération paysanne], in Pierre Coulomb et alii (sous la dir. de), « Les agriculteurs et la politique », Presses de la Fondation nationale de Sciences politiques (FNSP), Paris, 1990, pp. 189-196. − S. Cordellier, Syndicalisme : du monopole au pluralisme, in « L’univers des organisations professionnelles agricoles », POUR, n° 196-197, Paris, 1998, pp. 137-150. − S. Cordellier, Contribution à l’histoire de l’AFIP dans la période 1980-1987, Paris, 2004, 36 f. Archives AFIP. – Archives générales AFIP.
Pour le contexte départemental (et en certains cas national), voir aussi Henri Baron, Paysan citoyen, La Fontaine de Siloë, Nantes, 2006, 304 p. [H. Baron (1932-2013), dont Amand Chatellier fut très proche, a été président de la chambre d’agriculture de Loire-Atlantique de 1976 à 1992 et conseiller régional socialiste de 1998 à 2004]. − Bernard Bretonnière, François Colson, Jean-Claude Lebossé, Bernard Thareau, militant paysan, Éd. de l’Atelier, Paris, 1997, 192 p. – Yves Chavagne, Bernard Lambert, 30 ans de combat paysan, Éd. La Digitale, Quimperlé, 1988, 288 p. – Fonds Bernard Thareau, Centre d’histoire du travail (CHT) de Nantes, www.cht-nantes.org – Fonds Bernard Lambert, Centre d’histoire du travail (CHT).− René Bourrigaud, Paysans de Loire-Atlantique, quinze itinéraires à travers le siècle, Centre d’histoire du travail, Nantes, 2001. Voir notamment, parmi d’autres, les articles consacrés à Auguste Viaud, Henri Robichon, Albert Boucher, Joseph Chevallier, Raphaël Rialland, Bernard Lambert, Pierre Pineau, Anne-Marie Chon, Bernard Thareau… − Voir encore Médard Lebot, Anne Tristan, Au-delà des haies. Visite aux paysans de l’Ouest, Descartes et Cie, Paris, 1995, 162 p.

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