BOURGEAIS Joseph

Par Serge Cordellier

Né le 8 janvier 1937 à Champigné (Maine-et-Loire) ; engagé à la JAC à partir de 1951, secrétaire fédéral du Maine-et-Loire (1959), à l’Équipe nationale (1960), élu président national du MRJC (successeur de la JAC) en 1961 (jusqu’en en 1964) ; secrétaire général du CDJA (1965), responsable du CRJAO (1966-1972), administrateur du CNJA au niveau national (1966-1971) ; rompt avec la FNSEA-CNJA (1974) ; anime dès lors le mouvement « paysans-travailleurs » dans le département et au-delà ; cofondateur de l’AFIP avec d’autres militants de la Gauche paysanne moderne ; reste fidèle à ses engagements qu’il prolonge à la CNSTP puis à la Confédération paysanne.

Joseph Bourgeais naquit dans une famille paysanne modeste, Il est fils de Joseph Bourgeais (1902-1972) et d’Augustine Bruneau (1904-1994). L’exploitation familiale était en fermage, le bailleur étant le grand-père maternel. Le père de Joseph Bourgeais siégeait au tribunal paritaire des baux ruraux en tant que représentant des fermiers et métayers face aux propriétaires châtelains, ce qui, dit-il, a joué dans ses engagements. Joseph Bourgeais a eu trois frères et deux sœurs. La famille était catholique pratiquante. Le père était proche du MRP (Mouvement républicain populaire, créé à la Libération), d’essence démocrate-chrétienne réformatrice. Ce mouvement était très implanté en Maine-et-Loire. Il avait eu trois députés dans le département à la Libération : Charles Baranger (1897-1985), grand défenseur de l’École privée et auteur de la loi à laquelle il a donné son nom ; Joseph Le Ciellour (1907-1954), ouvrier ardoisier de Trélazé ; Louis Asseray (1904-1988), paysan fermier.
Au titre des contextes, observons aussi que Joseph Bourgeais était originaire du même canton que le premier président de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, fondée en 1946), Eugène Forget (1901-1994), agriculteur démocrate-chrétien très favorable à l’« unité paysanne ».
Joseph Bourgeais quitta l’école (privée catholique) à quatorze ans, muni du CEP (certificat d’études primaires). Cette formation fut complétée par des cours postscolaires de l’Enseignement agricole par correspondance, EAC via le CERCA (Centre d’études rurales par correspondance) de l’École supérieure d’Agriculture d’Angers (ESA). À la fin de ses études primaires, il était devenu aide familial sur l’exploitation de ses parents. À partir de quatorze ans, il participa en tant que « Semeur » aux activités de la Jeunesse agricole catholique (JAC), alors mouvement de masse. À dix-sept ans, il fut responsable de la zone des Trois Rivières (plusieurs cantons) et participa au comité fédéral (départemental).
Pendant son service militaire, il effectua 25 mois en Algérie, de février 1957 à mai 1959 – à Batna (hauts-plateaux steppiques, Aurès), mais ne fut pas impliqué dans les opérations combattantes : chauffeur, il participa à des convois et s’occupa des véhicules et matériels (maintenance). Il fut sollicité en 1959 (étant encore sous les drapeaux), pour devenir le responsable fédéral de la JAC départementale à son retour à la vie civile. Il sera ainsi l’homologue de Bernard Thareau (1936-1995) en Loire-Atlantique, Georges Garot en Mayenne, Joseph Guénanten en Morbihan, Alexis Le Saux (puis François Gourmelon) en Finistère, Joseph Guesdon en Ille-et-Vilaine. Nombre de ces cadres jacistes deviendront bientôt responsables professionnels.
En septembre 1960, Joseph Bourgeais participa à l’équipe nationale de la JAC en tant que permanent non salarié, il garda son statut d’aide familial. Il avait en charge le journal Militants à l’action et les campagnes thématiques annuelles de la JAC. Il fut élu président au congrès de fin décembre 1961 qui transforma la JAC en MRJC (Mouvement rural de jeunesse chrétienne), en succession de Louis Sesmat (Meurthe-et-Moselle, 1933-2015), dans une période où les relations de ce mouvement avec la hiérarchie de l’Église catholique allaient s’avérer difficiles. Il occupa ce poste jusqu’en février 1964. Michel Bertin (Calvados) lui succèda.
Pendant son mandat, Joseph Bourgeais rencontra en mai 1962 le pape Jean XXIII (1881-1963). Dans le cadre de la préparation du concile Vatican II (1962-1965), le pape reçut en audience une délégation de six responsables des mouvements d’action catholique ruraux de France : JAC, JACF (Jeunesse agricole chrétienne féminine) et MFR (Mouvement familial rural, aujourd’hui CMR − Chrétiens dans le monde rural).
Il s’installa agriculteur en 1964 sur la ferme de ses parents (20-25 hectares, bâtiments compris) qu’il rachèta à la SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural). Orientation vaches laitières puis, à partir de 1972, viande bovine. Il s’engagea au CDJA (Centre départemental des jeunes agriculteurs).
Joseph Bourgeais se maria en juillet 1965 avec Claudine Nollet, qui fut permanente nationale à la JECF (Jeunesse étudiante chrétienne féminine) en charge des scolaires de 6e et 5e et étudiante en psychologie. Ils eurent deux filles : Anne, née en mai 1966 et Ghislaine, née en décembre 1967. Puis, le couple se sépara en 1981.
Joseph Bourgeais devint secrétaire général du CDJA en 1965 puis, de 1966 à 1972, membre du bureau du CRJAO (Centre régional des jeunes agriculteurs de l’Ouest créé en 1965 entre les départements de Bretagne et de Pays de la Loire). Il présenta, lors du congrès du 27 septembre 1968, un rapport d’orientation « Des choix difficiles qui exigent une action syndicale combative ». Ce rapport marqua, quelques semaines après les journées de Mai, une radicalisation du CRJAO. À la tribune, pendant le discours du rapporteur, siègaient B. Thareau (Loire-Atlantique, déjà évoqué), Antoinette Philippot (Loire-Atlantique), J. Guénanten (Morbihan, déjà évoqué). Derrière eux, un slogan sur un grand calicot : « OUI au développement de l’agriculture, NON à l’écrasement des faibles ». Jean-Noël Le Du (Finistère) devient secrétaire général.
Joseph Bourgeais fut administrateur national du CNJA à partir de 1966, en compagnie de Bernanrd Thareau (élu président du CRJAO cette même année 1966), Joseph Guénanten (qui en avait été le président précédent), Jean Le Floc’h (Côtes-du-Nord), Paul Couzon (Loire)… À partir de 1967, au sein de l’organisation nationale, les divergences s’affirmèrent avec l’équipe dirigeante (François Guillaume, de la Meurthe-et-Moselle, fut président et ultérieurement président de la FNSEA puis ministre de l’Agriculture). Jo Bourgeais resta administrateur du CNJA jusqu’en 1971.
En 1972, à 35 ans, il « passa » à la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles). Il fut élu délégué cantonal « structures » et devint, « contre le président de la FDSEA Louis Bellard », président de la commission départementale dédiée. En parallèle, il participa dans sa première période à Paysans en lutte, périodique national d’orientation révolutionnaire fondé en 1970 dans la mouvance de Mai 68.
En 1974, il quitta la FDSEA avec une dizaine de membres du conseil d’administration pour créer un syndicat « paysan-travailleur » dans le département (l’assemblée générale constitutive date du 4 mars 1975) qui rejoignit l’Association nationale paysan travailleur (ANPT). Il fut depuis longtemps, de même que Jean Cadiot (1938-2013), de Loire-Atlantique et Jean-Claude Olivier (Sarthe), très proche (un « apôtre » pourrait-on dire) de Bernard Lambert (1931-1984) et du mouvement Paysan-Travailleur. Il participa à la rédaction du mensuel de cette organisation, Vent d’Ouest lancé en novembre 1969 par le CRJAO, notamment pour les brèves et de petits articles, activité qu’il poursuivit dans Le Travailleur Paysan dont il fut directeur de publication et membre du comité de rédaction lorsque fut créée la CNSTP (Confédération nationale des syndicats de travailleurs paysans) en 1981, puis Campagnes solidaires après la fondation de la Confédération paysanne en 1987.
Au long de son parcours syndical, Joseph Bourgeais était resté à l’écart des structures politiques, y compris dans les années 1976-1977 où certain(e)s, à la direction de Paysan-Travailleur, tels Jean-Paul Mouillé (Vienne) se réclamaient des dogmes marxistes-léninistes des communistes chinois. Joseph Bourgeais expliquait ne pas s’être écarté de l’Église catholique pour en rejoindre une autre. Son compère Bernard Lambert, plus ironique ou féroce parlait, à propos de ces militants radicaux « chinois » alors influents dans la direction de Paysan Travailleur, de « croyants de la vraie foi ».
En 1980, Joseph Bourgeais est co-fondateur de l’AFIP (Association pour la formation et l’information paysannes) aux côtés de Joseph Guénanten (Morbihan), Marcel Louison (1924-2002), Alain Brunel (1948-2004) (Haute-Garonne), Bernard Thareau (Loire-Atlantique), Guy Le Fur (Finistère), Amand Chatellier (Loire-Atlantique), Bernard Bégaud (Charente-Maritime) pour ne citer que les principaux initiateurs et premiers administrateurs. L’AFIP est une plate-forme de coopération large entre syndicalistes progressistes de diverses obédiences, mais Joseph Bourgeais ne parvient pas, à son grand regret, à faire partager cette option d’échange et de collaboration intersyndicale à la direction de son organisation Paysan-Travailleur.
Il céda son exploitation en 1997, mais poursuivit une activité syndicale au sein de la commission « Retraites » de la Confédération paysanne dont il devint responsable au niveau national à partir de 2003 (jusqu’à 2013).
Joseph Bourgeais a aussi été conseiller municipal de Champigné de 1989 à 2001, se situant en tant qu’opposant au sein du conseil. Il a également été président de l’association (cantonale) Solidarité-Emploi pendant sept ans (jusqu’en 2008).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article181452, notice BOURGEAIS Joseph par Serge Cordellier, version mise en ligne le 7 juin 2016, dernière modification le 7 juin 2016.

Par Serge Cordellier

SOURCES : Entretien de Jo Bourgeais avec l’auteur et Jean-Luc Pineau le 17 décembre 2006, Soulaines-sous-Aubance [49]. – Rapport du CRJAO « Des choix difficiles qui exigent une action syndicale combative », présenté par J. Bourgeais, multigraphié, Assemblée générale du 27 septembre 1968, Rennes, 52 f., aimablement confié par le rapporteur. – [Contre]-Rapport du d’orientation « Pour un syndicalisme de travailleurs » présenté par Antoine Richard (1980, XIIe congrès du CNJA, Blois, juillet 1970, 18 p. – Paysans-Travailleurs. S’unifier et s’organiser. Projet de plate-forme pour les journées d’octobre 1974, multigraphié, Paris, sept.1974, 58 f., Archives personnelles SC. − Paysans-Travailleurs, Bulletin interne, spécial n° 0, « Compte-rendu des journées nationales de Rennes, multigraphié, 19-20 octobre 1974, 58 f., Archives personnelles SC. – Archives et documents CRJAO, Centre d’histoire du travail (CHT) de Nantes, www.cht-nantes.org – Fonds Bernard Lambert, Centre d’histoire du travail (CHT).− Archives ANPT, Centre d’histoire du travail (CHT), 28 boîtes-archives (incluant les dossiers CRJAO). − S. Cordellier, Contribution à l’histoire de l’AFIP dans la période 1980-1987, Paris, 2004, 36 p., non publiée, archives AFIP. – Archives CNSTP, Centre d’histoire du travail (CHT), 74 boîtes-archives. – Archives Confédération paysanne nationale, Centre d’histoire du travail (CHT), 18 boîtes-archives − Collection Vent d’Ouest, Journal des paysans-travailleurs pour l’information et l’action syndicale, publié par le CRJA Ouest à partir de novembre 1969, puis par la tendance minoritaire nationale du CNJA (dont certaines équipes fondent bientôt le mouvement Paysan-Travailleur) à compter de mars 1972.− Collection Le Travailleur-Paysan publié de 1981 à 1987 par la CNSTP. − Collection Campagnes solidaires publiée à partir de 1987 par la Confédération paysanne. − Archives personnelles Serge Cordellier.
Pour le contexte régional, voir aussi : Yves Chavagne, Bernard Lambert, 30 ans de combat paysan, Éd. La Digitale, Quimperlé, 1988, 288 p. On visionnera également avec intérêt le film vidéo de Christian Rouaud : Un portrait de Bernard Lambert. Paysan et rebelle, Pathé Télévision – INA Entreprise – France 2 – France 3-Ouest, 2002 (diffusion Iskra). − Bernard Bretonnière, François Colson, Jean-Claude Lebossé, Bernard Thareau, militant paysan, Éd. de l’Atelier, Paris, 1997, 192 p.

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