BUHL René [BUHL François, René]

Par Michel Dreyfus, Jeanne Siwek

Né le 24 novembre 1919 à La Chapelle-sous-Uchon (Saône-et-Loire), mort le 24 avril 2004 à Bordeaux (Gironde) et enterré à La Chapelle-sous-Uchon ; inspecteur des impôts ; membre du bureau confédéral de la CGT.

Élève au cours complémentaire du Creusot, sanctionné pour son militantisme antifasciste, René Buhl fut très marqué par l’ambiance du Front populaire. Son père, enfant de l’Assistance publique, ouvrier à l’usine Schneider du Creusot, puis tailleur semble-t-il [l’acte de naissance le dit « cultivateur »], avait adhéré à dix-sept ans à la SFIO en 1914 ; resté socialiste après Tours, il fut un militant actif du Creusot et devait mourir en 1972. Théo Bretin* fréquenta la maison et impressionna le jeune René. Sa mère, couturière, écrivait très bien et aida son père dans son militantisme.

Très influencé et poussé vers les études par son père, René Buhl prépara l’École normale supérieure à Lyon, se plongea dans une lecture systématique de Jean Jaurès, mais la guerre vint perturber son cursus. Marié en septembre 1941 dans sa ville natale (mariage dissous en 1972), il fut passeur et courrier pour la Résistance. Il réussit, en 1943, le concours d’Inspecteur des impôts et se cacha un temps pour échapper au STO. Après deux ans de stage, fonctionnaire, cadre aux contributions indirectes, il fut d’abord affecté à Nice ; il adhéra au Syndicat national des contributions indirectes (SNACI) CGT, dès son entrée dans l’administration. Peu après il fut, selon ses propres termes, « plongé dans le drame de la scission syndicale. Jeune militant (je fus) très affecté en voyant s’écrouler autour de moi l’édifice reconstruit pendant l’occupation, avec un contexte différent et qui concrétisait un rassemblement des forces considérables, portant le grand espoir des travailleurs ». En 1952, il était secrétaire de la section du syndicat national des contributions directes CGT du Var et conseiller syndical CGT de la région des Bouches-du-Rhône. Il fut ensuite secrétaire de l’Union départementale CGT des Alpes-Maritimes. Il n’appartenait à aucun parti politique.

Muté en Seine-et-Oise en 1959, il passa le concours d’inspecteur général et il devait terminer sa carrière comme directeur divisionnaire des impôts et conservateur des Hypothèques. Il intégra en 1961 la commission administrative permanente du SNACI. En 1962, il succéda à Alban Brian* au secrétariat général du syndicat et il exerça cette responsabilité durant deux ans. Il fut particulièrement actif dans la lutte pour la paix en Algérie. Il noua des contacts solides avec les militants de l’UGTA et en 1962, il appartint à la délégation de la CGT qui rencontra les dirigeants du FLN à Evian. L’année précédente, il était entré à la commission exécutive de l’Union générale des Fédérations de fonctionnaires (UGFF) de la CGT ; en 1963, il fut élu à son bureau et de 1964 à 1967, il en fut le secrétaire général adjoint. En 1965, il avait également été élu à la commission administrative de la CGT. En 1967, il fut élu au bureau confédéral de la CGT. Très impliqué dans les luttes sociales de Mai 1968, il participa le 20 mai à la rencontre entre la FGDS conduite par François Mitterrand, et la CGT, puis à la négociation de Grenelle cinq jours plus tard.

Il avait en charge le Secteur social et y fut particulièrement actif jusqu’en 1974 ; il fut alors remplacé à la tête de ce cecteur par Jacqueline Lambert avec qui il se maria en juin 1976 à La Chapelle-sous-Uchon. Le 40e congrès de la CGT tenu à Grenoble du 26 novembre au 1er décembre 1978 - il y prononça le discours de clôture dans lequel il affirma que « pour la CGT, la démocratie doit d’épanouir dans la diversité » - marqua un tournant dans le fonctionnement de la Confédération. Alors que la ligne d’ouverture préconisée par René Buhl avait semblé l’emporter, dans la pratique, ce fut une politique de relais aux objectifs politiques du PCF qui fut appliqué par Henri Krasucki. Dans le cadre d’un « secrétariat du bureau de la CGT », difficile à définir avec davantage de précision, comprenant Georges Séguy, Henri Krasucki, René Buhl et Jacqueline Buhl-Lambert, il se consacra ensuite à la direction du Centre confédéral d’éducation ouvrière (CCEO). De 1973 à janvier 1982, il fut également directeur de l’organe officiel de la CGT, Le Peuple.

Très proche syndicalement et politiquement de sa compagne Jacqueline Lambert, également issue de l’UGFF et non communiste, René Buhl participa en décembre 1979 à la création d’Union dans les luttes avec l’intellectuel Guy Bois et le socialiste Stélio Farandjis ; leur pétition unitaire recueillit 140 000 signatures. En 1980, René Buhl démissionna avec Jacqueline Lambert du bureau de la CGT, après avoir rempli six mandats confédéraux nationaux dont cinq au sein du bureau confédéral. Cette démission, due officiellement à des raisons personnelles, cachait en fait des désaccords de fond survenus depuis le congrès de la CGT de Grenoble en 1978, relatifs à la rupture de l’Union de la gauche en septembre 1977, puis à l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS en 1979. Toutefois, lors de ce départ Georges Séguy tint à souligner combien René Buhl était « très représentatif de ce type de militants qu’on ne peut rencontrer qu’à la CGT, non engagés politiquement, mais profondément convaincus du fait qu’en dehors du syndicalisme de classe, l’indépendance syndicale n’est qu’une formule creuse ». René Buhl et Jacqueline Lambert ne furent pas immédiatement remplacés au bureau confédéral, ce qui remettait en cause la règle non écrite selon laquelle les membres de cette instance se partageaient par moitié entre communistes et non communistes ; cette situation provoqua une critique de Pierre Feuilly du syndicat CGT des journalistes.

« Union dans les luttes » joua un rôle non négligeable dans le courant d’opinion qui conduisit à la victoire de François Mitterrand. L’hypothèse de la présence d’un de ses animateurs à un poste ministériel circula et René Buhl fut proposé comme ministre du Travail par une délégation reçue par Lionel Jospin, premier secrétaire du Parti socialiste ; mais le Parti socialiste, qui ne voulait pas créer un casus belli avec le PCF et le CGT, ne donna pas suite.

En désaccord de plus en plus profond avec l’orientation suivie par la CGT, René Buhl et Jacqueline Lambert furent accusés, en janvier 1982, d’y développer « des activités fractionnelles ». Tous deux furent brutalement refoulés par des « militants en colère » à l’entrée du 41e congrès de la CGT tenu à Lille en juin 1982. La Fédération des Finances et l’équipe du journal Antoinette subissaient alors des attaques analogues. Toutefois, Henri Krasucki*, alors secrétaire de la CGT mit plusieurs mois pour contraindre René Buhl et Jacqueline Lambert à la démission. Jean-Louis Moynot et Christiane Gilles, qui défendaient des positions assez proches, partirent l’année suivante.

En 1982, Pierre Joxe, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, député de la Saône-et-Loire, le département d’origine de René Buhl, membre de la Fédération des Finances CGT, lui proposa de participer, comme professionnel, aux délibérations préparatoires aux lois Auroux, en tant que conseiller social. Il réintégra ensuite son administration d’origine.

Le 24 juin 1983, René Buhl et Jacqueline Lambert signèrent, avec une cinquantaine de personnalités politiques et syndicales, un appel pour une véritable alternative de gauche, en réaction contre la pause sociale décidée par le gouvernement de Pierre Mauroy. Candidat aux élections européennes de juin 1984 sur la liste dirigée par Henri Fiszbin et Serge Depaquit, René Buhl réaffirma sa volonté d’une gauche pluraliste et sociale. Aux élections législatives du 16 mars 1986, il se présenta, en cinquième position, comme candidat d’ouverture sur la liste socialiste de Côte-d’Or. Il siégea au Conseil national de la gauche et des forces du progrès mis en place novembre 1986 et qui ne devait pas survivre à l’élection présidentielle de 1988.

Membre de la Ligue des droits de l’homme depuis 1952, René Buhl fut président de sa Fédération de Côte-d’Or et membre de son comité central. Il joua un rôle actif dans la campagne en faveur de la « citoyenneté sociale » aux côtés de Madeleine Rebérioux*. Dans un hommage rendu le 4 mai 2004 à René Buhl, Alain Guinot, directeur de La Nouvelle vie ouvrière regretta les « manifestations d’intolérance » dont René Buhl avait été victime de la part de la CGT, tout en louant sa « fidélité constante » à la Confédération. René Buhl fut un précurseur de la ligne d’ouverture qui devait connaître d’importants développements sous les mandats de Louis Viannet puis de Bernard Thibault.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18151, notice BUHL René [BUHL François, René] par Michel Dreyfus, Jeanne Siwek, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 15 août 2023.

Par Michel Dreyfus, Jeanne Siwek

ŒUVRE : Ensemble, Éditions La Toison d’Or, 2004. (mémoires).

SOURCES : Georges Séguy, « Composition des organismes de direction », Le Peuple, n° 1096-97, 1-31 décembre 1980, pp. 43-44, cité par Dominique Andolfatto, Le personnel dirigeant de la CGT, op. cit. — Dominique Andolfatto, Dominique Labbé, La CGT. Organisation et audience depuis 1945, Paris, La Découverte, 1997. — Jeanne Siwek-Pouydesseau, Les syndicats des fonctions publiques au XXe siècle, Paris, Berger-Levrault, 2001. — Souvenirs de René Buhl. — Déclaration de Michel Tubiana, président de la LDH, après le décès de R. Buhl. — Michel Noblecourt, « René Buhl. Un précurseur de l’ouverture de la CGT », Le Monde, 9 et10 mai 2004. — État civil.

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