BUHLER Yvonne [née BOUSSARD Yvonne]

Par Claude Cuenot

Née le 9 novembre 1919 à Beure (Doubs), morte le 16 juin 2004 à Besançon (Doubs) ; employée de bureau puis permanente syndicale ; communiste syndicaliste CGT ; secrétaire départementale de l’UFF puis secrétaire de l’UD-CGT du Doubs.

Yvonne Boussard est l’aînée des trois enfants de Jean-Baptiste Boussard, cultivateur, et d’Hélène Pidancet, cultivatrice. Ses parents pratiquaient la polyculture comme fermiers à Pont-les-Moulins (Doubs). Sans être anticléricaux, son grand-père, puis son père se tenaient éloignés de la religion catholique et Yvonne ne reçut aucun sacrement, chose rare même dans ces villages du « bas pays », moins pratiquants que les plateaux et la montagne du Doubs. Dans les années 1920-1930, son père votait socialiste, avant tout pour s’opposer aux marquis de Moustier. Ces derniers, grands propriétaires fonciers, disposaient d’une solide implantation politique dans la partie médiane du département où ils se succédèrent comme députés de la circonscription de Baume-les-Dames (Doubs) de 1889 à 1945.

Après le brevet élémentaire, encouragée par ses parents qui ne « voulaient pas faire d’elle une paysanne », Yvonne Boussard travailla comme employée de bureau dans une minoterie de Baume-les-Dames.

La guerre marqua la jeune fille. En juin 1940, elle assista d’abord à la débâcle de nombreux Lorrains qui passaient devant la maison familiale pour tenter de rejoindre la Suisse et son père participa peu après au dégagement du village voisin d’Aïssey (Doubs), incendié par les Allemands. La famille recueillit pendant quatre ans une petite fille italienne de la région parisienne. Le frère d’Yvonne, forgeron, s’engagea dans les FFI durant l’été 1944 et un de ses oncles mourut au camp de Dachau. C’est aussi dans les campagnes entre Baume-les-Dames et Clerval (Doubs) que Fabien* avait établi son premier maquis et les communistes longtemps entretinrent une mémoire militante de son séjour en 1942.

Yvonne Boussard fut élue conseillère municipale de son village en avril 1945, aux côtés de son ancienne institutrice à laquelle elle était restée très liée. La jeune employée adhéra au PCF (cellule de Baume-les-Dames) quelques semaines plus tard et commença véritablement à militer à l’automne suivant. Elle vendait La Terre dans les villages environnants et constitua une cellule locale, que ses parents rejoignirent.

Yvonne Boussard suivit une école fédérale de la fédération du Doubs et du Territoire de Belfort, puis l’école centrale « femmes » du PCF en juillet 1947. Les instructeurs remarquèrent alors « ses idées originales et sa capacité d’initiative ». Gilbert Ancian et Mathilde Filloz l’encouragèrent alors à s’investir au sein de l’Union des femmes françaises (UFF), qu’elle avait rejointe en décembre 1945. Elle s’occupa du comité local de Baume-les-Dames et devint secrétaire départementale de l’organisation féminine à partir de février 1947, tout en participant au comité fédéral du PCF de septembre 1947 à 1950.
Depuis 1945, Yvonne Boussard travaillait seule chez un horloger baumois pour les travaux de secrétariat et de comptabilité. Sans travail après la faillite de l’entreprise, elle s’employa chez un garagiste à Voiron (Isère) de 1949 à 1952. À la demande de Robert Charles*, secrétaire de la CGT, elle accepta de revenir dans le Doubs pour occuper la fonction de secrétaire administrative au siège de l’Union départementale à Besançon.

En 1956, Yvonne Boussard épousa Bernard Buhler, fils d’un charpentier syndicaliste de sensibilité libertaire et ami de Georges Vagneron*. Comme son épouse, il militait à la CGT et au Parti communiste. Il n’avait reçu aucun sacrement religieux, mais plusieurs de ses frères devinrent catholiques ou protestants. Bernard Buhler travaillait dans le bâtiment, après sept ans d’engagement militaire, dans les FFI d’abord, puis dans le 1er régiment de Franche-Comté à partir de l’automne 1944 et enfin en Indochine. À son grand regret, le couple n’eut pas d’enfant.

Devant la pénurie de cadres qui frappait la CGT à Besançon, Yvonne Buhler accepta davantage de responsabilités à partir de 1956, au moment où Robert Charles tomba malade. « Petit bout de femme », elle devint secrétaire de l’UL de Besançon, mais elle assuma en fait l’essentiel les tâches de direction de l’UD pour le sud du département. En effet, Robert Roth*, secrétaire départemental par intérim et permanent, résidait toujours dans le pays de Montbéliard. De plus, il prenait difficilement en charge l’activité syndicale interprofessionnelle, pourtant nécessaire à Besançon, ville au salariat très diversifié. L’indépendance d’esprit d’Yvonne Bulher ne lui plaisait d’ailleurs pas et il s’en plaignit plusieurs fois au bureau fédéral du PCF.

Yvonne Buhler devint secrétaire permanente de l’union départementale CGT de 1960 à 1966 et représentante au sein du conseil d’administration de la caisse primaire d’assurance maladie de Besançon. Elle s’intéressa à la vie des femmes, y compris en dehors du lieu de travail, prenant notamment en compte la difficulté pour obtenir l’ouverture de crèches. Une nette différence existait alors entre le pays de Montbéliard, où les maris, mais aussi souvent les épouses, ne concevaient l’activité professionnelle féminine que de manière temporaire, et les villes de Besançon, Pontarlier, où les femmes travaillaient régulièrement depuis longtemps et exprimaient déjà des revendications spécifiques. Yvonne Buhler contribua ainsi à l’ouverture de crèches à Besançon et développa plusieurs syndicats d’employées des magasins Mammouth au début des années 1970.

Membre du comité de la section de Besançon du PCF, réélue au comité fédéral en 1955, puis au bureau de 1957 à 1959, Yvonne Buhler refusa de s’investir réellement dans ces instances, malgré l’insistance de Louis Garnier*. De santé fragile durant cette période, elle reconnaît aujourd’hui ne pas toujours avoir compris la politique du parti et ne pas s’être sentie à l’aise dans ce « parti d’homme ». Bien que secrétaire de l’UD-CGT, Yvonne Buhler ne fut pas réélue au comité fédéral à partir de 1964 et le syndicalisme resta son domaine de prédilection.

Yvonne Buhler quitta le bureau de l’union départementale CGT en 1978, à l’occasion de son départ en retraite en tant que secrétaire administrative. Elle constitua alors des sections de retraités et de pré-retraités, nombreux à Besançon avec la fermeture de l’usine Rhodiaceta.

Yvonne Buhler et son mari vécurent difficilement le repli du Parti communiste sur lui-même à partir des années 1980. À partir de 1984-1985, ils suivirent la majorité du comité fédéral, souvent influencé par Robert Charles, qui contestait le fonctionnement du PCF, le « bilan globalement positif » des pays de l’Est et le « glissement à droite » de la société française. Après la dissolution de ce courant « reconstructeur » en octobre 1988 par la direction du PCF, le couple adhéra à la fédération communiste démocratique de Franche-Comté. En novembre 1991, Yvonne Buhler n’accepta pas l’abandon par cette fédération du qualificatif « communiste », sans pour autant rompre avec cette expérience régionale.

Proche d’André Vagneron*, elle remit sur pied avec lui l’association « Les Amis de la Maison du peuple » en avril 1997.

Yvonne Buhler fut nommée en 1978, sur proposition de Joseph Pinard, chevalier dans l’ordre national du mérite.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18152, notice BUHLER Yvonne [née BOUSSARD Yvonne] par Claude Cuenot, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 27 février 2012.

Par Claude Cuenot

SOURCES : « Hommage à Robert Charles, militant ouvrier », Les Cahiers des Amis de la maison du Peuple, n ° 4, Besançon, 2002. — Arch. comité national du PCF. — Arch. Dép. Doubs, 118 J 8, fédération du Doubs du PCF, autobiographies d’Yvonne Buhler 1947 et 1955. — Arch. Dép. Doubs, Fonds Yvonne et Bernard Bühler, militants CGT, ctge 177 J. — Témoignages d’Yvonne Buhler et d’André Vagneron.

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