DIOT Henri, Louis [pseudonymes dans la résistance : commandant Laurens et commandant Renaud, alias Arthur, Robert, Besson,]

Par Eric Panthou

Né le 3 avril 1908 à Gannat (Allier), mort le 26 mars 1968 à Aigueperse (Puy-de-Dôme) ; dessinateur industriel ; membre du PCF ; secrétaire départemental CGT des Métaux du Puy-de-Dôme ; résistant FTP ; permanent de l’UD CGT 63 ; président de la Caisse départementale de la Sécurité Sociale.

Henri Diot candidat aux législatives de 1936. La Voix du peuple, numéro spécial, avril 1936

Henri Diot est né à Gannat (Allier), alors sous-préfecture au sud du département. Son père, Pierre Diot, était employé de chemin de fer, devenu chef de gare tout comme son grand-père. Sa mère, Marie Madeleine Soupet, était couturière.
Très jeune il adhéra aux idées communistes et milita dans le mouvement syndical. Au début des années 1930, alors qu’il exerçait le métier de dessinateur industriel, il déploya une grande activité pour implanter les syndicats CGTU parmi les travailleurs de la métallurgie dans la région de Riom-Gannat. Après avoir un temps été chef de travaux chez Michelin, il fut dessinateur à l’usine La Fayette, de la Compagnie des Signaux, à Riom. Son action lui valut de connaître la répression patronale pour fait de grève. Licencié, il retrouva du travail à l’entreprise Guillaume, à Clermont-Ferrand. Cette entreprise était spécialisée dans la chaudronnerie.
A côté de son action syndicale, Henri Diot mena une activité politique intense. C’est après le 6 février 1934 qu’on vit son nom apparaître dans l’hebdomadaire régional du PCF. Le 12 février 1934, avec son ami communiste et gannatois Marcel Gire, il organisa un meeting spontané dans les rues de Saint-Pourçain-sur-Sioule (Allier) devant plusieurs centaines d’ouvriers et paysans. Il créa quelques jours plus tard le Comité antifasciste de Gannat et le 21 mars 1934, il mena avec plusieurs centaines de paysans une action pour s’opposer victorieusement à la tenue d’une réunion des Camelots du roi à Chantelle, près de Saint-Pourçain-sur-Sioule. Pour avoir refusé d’insérer un droit de réponse dans le journal La Voix du Peuple suite à un article citant les noms de plusieurs habitants de Cusset (Allier) comme Croix-de-Feu ou Camelots du Roi, et un autre d’exploiteur des paysans, Diot, en tant que gérant, fut condamné pour refus d’insertion mais l’injure ne fut pas reconnue.
Dès 1936, il appartint à la direction fédérale du PCF du Puy-de-Dôme. Il était alors le gérant de l’hebdomadaire communiste de l’Allier et du Puy-de-Dôme, La Voix du Peuple et habitait à Gannat. En mars 1938, il était l’un des 8 membres du Bureau Régional.
En avril 1936, il fut candidat du Parti aux législatives dans la circonscription de Riom-Montagne, le bastion d’Alexandre Varenne, la principale figure du socialisme départemental depuis le début du siècle. Diot profita des divisions entre socialistes et varennistes (Varenne a été exclu de la SFIO en 1933) pour faire passer les voix du PCF de 751 en 1932 à 4239. Avec 25% des suffrages exprimés, c’était un score historique pour le PCF dans un département où il n’avait jamais pu s’implanter face au socialisme.
Après l’invalidation de l’élection, Diot fut de nouveau désigné par le Rayon des Combrailles et le Parti espérait bien emporter ici son premier siège de député. Mais finalement, c’est un socialiste qui l’emporta, Varenne ne s’étant pas représenté.
En 1936, il joua un rôle de premier plan dans le développement de la grève revendicative de la métallurgie qui dure 27 jours en juillet et rassembla plus de 3000 ouvriers. Dès le début septembre, le syndicat départemental de la métallurgie élit Henri Diot comme secrétaire, permanent du syndicat. Sur les 1 439 votants, il obtint 1 083 voix contre 330 à Métayer, l’ancien responsable du syndicat, l’un des anciens dirigeants ex-confédérés de l’U.D. D’importants conflits naquirent alors au sein du syndicat entre ex unitaires et ex confédérés qui contestaient la désignation de Diot, le vote des statuts. Finalement, Métayer fut exclu début 1937 et Diot est à la tête d’un syndicat passé de 69 adhérents au 1er janvier 1936 à 2180 un an plus tard. Il fut également membre du Conseil national de la Fédération de la métallurgie et a notamment pris une part active en 1936 à l’élaboration de la convention collective nationale de cette industrie.
Diot devint par ailleurs membre du bureau de l’Union départementale CGT, encore dirigée par un socialiste, Raymond Perrier. Il prit régulièrement la parole, dirigea les grèves de l’été mais aussi et surtout de l’automne 1936 avec le long conflit d’un mois des 8000 couteliers et assimilés de Thiers et sa région. Puis ce fut le dur conflit de la câblerie de Riom toujours à l’automne 1936, qui se solda par une défaite. Il était considéré par la direction nationale comme un bon orateur et comme un dirigeant jouissant d’une très grande estime des ouvriers.
A partir de juin 1936 jusqu’à 1939, Henri Diot fut l’une des principales figures du mouvement ouvrier départemental à côté de Robert Marchadier, le leader charismatique des CGT Michelin, lui aussi militant communiste. Diot apparaissait comme le principal porte parole des militants ex-unitaires lors du congrès de l’UD en juin 1937.
Diot s’exprima à plusieurs occasions sur l’unité techniciens-ouvriers. Il se félicita que les cloisons étanches soient en voie de disparition entre l’exploité en cotte bleue et celui aux mains propres. Ces déclarations ne constituaient pas seulement des formules lancées en public pour prouver la solidarité ouvrière. Les réunions du syndicat des métaux firent également apparaître ce souci d’amener les techniciens et employés "à une émulation pareille à celle des ouvriers ".
Il fut réélu à l’unanimité pour siéger à la commission exécutive fédérale lors de l’AG du 3 novembre 1938 puis participa au congrès national de la CGT à Nantes. Il fut désigné le 22 novembre pour être délégué au congrès de la fédération qui se tient début décembre.
Au lendemain de la grève générale du 30 novembre 1938, plusieurs centaines d’ouvriers furent lock-outés et les syndicats appelèrent à la résistance, en particulier Diot chez les métallos. Mais dans plusieurs sections, certains syndiqués reprirent le travail, en particulier les cadres. A partir de cette date, plusieurs sections syndicales furent absentes des instances du syndicat. Le 28 décembre 1938, “Diot examine la situation du syndicat des métaux et la vie des organisations qui le composent. Un gros effort doit être accompli pour le placement rapide des cartes de 1939 et une action d’ensemble est indispensable pour remonter les sections défaillantes. Il faut s’y attacher au plus vite si l’on ne veut pas connaître de larges effritements”. Ce document montre les difficultés et tensions nées en particulier après l’échec de la grève du 30 novembre 1938, ce que les communiqués de presse des syndicats ne laissaient à peu près pas transparaître. En février 1939, Diot affirma que “les sections ne vivent pas, l’argent ne rentre pas et tout cela créait des difficultés de trésorerie insurmontables pour le syndicat si la situation ne change pas. Il faut prendre une décision immédiate : un permanent doit partir.” Delaire, le second permanent avec Diot, se porta volontaire pour partir. La décision fut repoussée.
Diot devint délégué permanent de la 10éme région fédérale à l’issue du congrès national de la métallurgie début décembre 1938. Il fut ensuite délégué au congrès de l’UD du 23 avril aux côté de 9 autres métallos.
Le 13 avril, Diot soutint la décision de la direction nationale de la CGT de ne pas faire du 1er Mai obligatoirement un jour chômé dans la situation présente. Plusieurs délégués protestèrent contre ce qu’ils qualifiaient de “recul de la CGT”. Diot et le syndicat furent simultanément déboutés de leurs démarches contre les lock-outés suite au 30 novembre 1938 et dans leurs démarches pour une nouvelle classification des salaires dans la convention collective. Dans le même temps, des sections syndicales n’eurent plus aucune activité. Sur toute cette période de fin 1936 à fin 1939, les procès-verbaux des instances du syndicat montrent que Diot tient une place centrale à la direction du syndicat, avec comme principal adjoint Delaire.
C’est Diot qui mit son ami d’enfance, Alphonse Rozier, en contact avec Guy Périlhou, le secrétaire fédéral du Parti, vers 1938. Cette rencontre fut à l’origine l’engagement de Rozier auprès du PCF sous la clandestinité, l’amenant à la direction du Front national sous l’Occupation, dans le Puy-de-Dôme.
En 1939, mobilisé dans une unité d’artillerie antichars, Diot fut fait prisonnier en juin 1940 et interné en Allemagne. Il s’évada en février 1942 du stalag 3 D à Berlin et rejoignit bientôt le maquis de la Chamba (Loire) avant de devenir le responsable des FTPF pour la région de Saint-Étienne. Diot en jeta les bases en juin 1943 du camp Vaillant-Couturier, la branche maquis du bataillon FTP du Roannais.
Il a également était membre de l’état-major départemental des FTP de la Haute-Loire pour une période d’homologation du 30 juin au 20 septembre 1944, période qui se chevauche avec celle où sous les pseudonymes de commandant Laurens et colonel Renaud, il fut nommé chef départemental des maquis de Haute-Savoie où il participa notamment à la Libération de Chambéry.
A la Libération, il se vit confier la charge d’aider à la reconstruction des syndicats dans plusieurs départements du Massif central. Il fut avec Pierre Besset, jusqu’au retour de déportation de Robert Marchadier, la principale figure syndicale issue du PCF dans le Puy-de-Dôme. Il fut également délégué régional de la Fédération des Métaux. En 1945, il fut désigné comme adjoint du secrétaire de l’Union départementale CGT du Puy-de-Dôme, l’ex confédéré Raymond Perrier, et le resta jusqu’à l’élection de Robert Marchadier, lors du congrès de l’UD, le 1er février 1947. Il fut alors désigné secrétaire administratif, en tant que permanent, et resta membre du bureau de l’UD jusqu’en 1953. En 1952, il était encore un des secrétaires de l’UD.
Il semble au regard des documents internes du PCF mais aussi du témoignage de Georges Albaret, que Diot quitta la direction de l’UD en raison de l’attitude du secrétaire, Robert Marchadier qui le critiquait régulièrement et qui rendait le travail difficile. René Dumont évoque lui plutôt un départ poussé par la direction du Parti.

Il avait de nouveau été réélu au bureau fédéral du PCF en juin 1945, renouvelé en 1946.
Lors de la création de la Sécurité sociale, en raison de sa très bonne connaissance des dossiers les plus difficiles, Henri Diot fut chargé de l’installation de la Caisse régionale dont il fut le premier président provisoire de mai 1945 jusqu’à mai 1947, date des 1éres élections. Il mena la liste de la CGT mais il fut battu par la coalition CFTC-Liste mutualiste menée par l’ex-confédéré Raymond Perrier.
Ce fut un camouflet pour Diot puisque si la CGT arrivait en tête avec 11 élus sur 18 pour les représentants des salariés, il arriva dernier par le jeu des panachages et noms rayés. Ce résultat s’explique en partie par la campagne de calomnies dont Henri Diot avait été l’objet. Il fallut que plusieurs élus CGT, ex-unitaires mais aussi ex-confédérés, acceptent de démissionner pour que Diot puisse être réintégré au Conseil d’Administration. Diot fut une nouvelle fois battu en se présentant pour le siège de président, ne bénéficiant que des voix des ex-unitaires.
Il siégea par ailleurs au Conseil supérieur de la Fédération nationale des organismes de Sécurité sociale. Devenu inspecteur divisionnaire au groupe des compagnies d’assurances “Le Soleil-l’Aigle”, après y être entré grâce à Marius Marchat, il continua de siéger au conseil d’administration de la Caisse primaire de Sécurité sociale dont il resta vice-président jusqu’en 1967. En outre, il était membre de l’Harmonie ouvrière de Clermont-Ferrand dont il était président en 1965.
Henri Diot est décrit comme une puissante personnalité, un militant fidèle et courageux mais aussi un chaleureux compagnon de luttes. Il s’était marié une première fois en 1928 à Gannat avec Joséphine Touveron dont il eut un fils, avant de divorcer en 1943. Il se remaria en septembre 1945 à Clermont-Ferrand avec Jeanne Combe qui fut une militante connue à la CGT mais aussi au PCF dont elle fut membre du Bureau fédéral du Puy-de-Dôme sous le nom de Jeanne Diot dans les années 1950. Il avait un fils.
Henri Diot est mort le 26 mars 1968, à Aigueperse (Puy-de-Dôme).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article181800, notice DIOT Henri, Louis [pseudonymes dans la résistance : commandant Laurens et commandant Renaud, alias Arthur, Robert, Besson,] par Eric Panthou, version mise en ligne le 17 juin 2016, dernière modification le 24 août 2022.

Par Eric Panthou

Henri Diot candidat aux législatives de 1936. La Voix du peuple, numéro spécial, avril 1936

Eric Panthou, L’Année 1936 dans le Puy-de-Dôme, maîtrise histoire, Université Clermont 2, 1994 — SHD Vincennes, GR 19 P 43/3 : liste des membres de la formation état-major départemental des FTP de la Loire. — Roger Champrobert, Henri Diot. Note manuscrite rédigée à partir de renseignements communiqués par Henri Malterre, circa 1995, 2 p. (archives Roger Champrobert, Clermont-Ferrand). — Manuscrits d’Alphonse Rozier sur l’origine de son engagement auprès du PCF en 1939 et durant l’Occupation (Archives Alphonse Rozier, Clermont-Ferrand). — Procès-verbaux des bureaux de l’UD CGT (archives Robert Marchadier). — SHD Vincennes, Vincennes GR 16 P 186238, dossier réistant pour Henri Diot (nc). — Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 2546 W 5362, dossier d’attribution de la carte volontaire de la Résistance à Henri Diot (nc). — Notice nécrologique parue dans le quotidien La Montagne, le 27 mars 1968. — SHD Vincennes, dossier Henri Diot GR 16 P 18623. — Le Cri du Peuple, organe hebdomadaire des Ouvriers et Paysans de la Région de l’Auvergne, publié par le Parti Communiste (1934-1935). — René Gentgen, “La Résistance dans le département de la Loire, sa place en région lyonnaise”, in. Le Forez et les Foréziens dans la guerre et la Résistance (1939-1945), Cahiers de Village de Forez, n° 62, avril 2009, p. 25-41. — Mireille Teissedre, La vie économique, sociale, politique du Puy-de-Dôme en 1947, mémoire maîtrise Histoire, Université Clermont-II, 1982, p. 67-69. — Fonds de la Section Française de l’Internationale Communiste : cote 517-1-1819 : Comité régional du Puy-de-Dôme, 26 juillet 1936, Guilleminault. — PV des Conseils syndicaux du syndicat de la métallurgie du Puy-de-Dôme, du 28/12/1938, (archives de l’UD CGT 63). — RGASPI : Fonds de la direction du Parti Communiste Français :1936 : cote 517_1_1815. Au Secrétariat. Objet. L’élection complémentaire de Riom-Montagne. Signé J. Néron, secrétaire régional, le 23 juin 1936. — La Voix du Peuple, 1er août 1936. — La Voix du Peuple, 13 janvier 1945. — Entretien Georges Albaret avec Jean-Philippe Mangeon 2 avril 1997. — Entretien René Dumont avec Jean-Philippe Mangeon, 8 septembre 1997. — Témoignage de Guy Diot, fils d’Henri Diot, par mail du 28 novembre 2021. — État civil Gannat.

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