GUÉVEL Pierre, François, Marie

Par Gilles Pichavant

Né le 28 mai 1870 à Douarnenez (Finistère) ; marin, puis ouvrier soudeur à Douarnenez ; Militant syndicaliste.

Fils de Pierre Guével, marin, et d’Élisa Le Goff, Pierre Guével naquit rue du champ-de-foire à Douarnenez (Finistère), le 28 mai 1870. Il devint marin comme son père. Le 4 octobre 1897 à Pouldavid (actuellement commune de Douarnenez), il se maria avec Sophie Tanguy, domestique. Le couple s’installa rue Durest-Le Bris à Douarnenez. Pierre était toujours marin à la naissance son premier fils, né le 13 octobre 1900. Celui-ci mourut le 14 septembre 1901. Entretemps Pierre Guével était devenu soudeur.

En 1902, Pierre Guével devint le président de la chambre syndicale des ouvriers ferblantiers-boitiers de Douarnenez. La famille avait déménagé de quelques dizaines de mètres et s’était installée rue du Grand-pont. Baptiste Moan* était le vice-président du syndicat ; Pierre Le Gall*,,le secrétaire ; Louis Guellec*, le secrétaire adjoint ; Yves Kersalé*, le trésorier ; François Le Bihan*, le trésorier adjoint.

Le syndicat de Douarnenez avait été cré en mars 1896, pour faire face aux menaces que représentait l’introduction des premières machines à fabriquer des boites et pour obtenir l’augmentation des salaires (voir Olier Guillaume). Dans les semaines qui suivirent des syndicats similaires furent créés sur la côte sud de la Bretagne (Audierne, Le Guilvinec, Saint-Guénolé, Concarneau, Quiberon, Belle-Ile-en-Mer, etc.) et, le 1er avril 1896, une fédération des ouvriers ferblantiers boitiers de France fut fondée à Chantenay (Loire-inférieure, Loire-Atlantique). Le 28 juin 1996, les soudeurs déclarèrent la grève générale qui prit fin le 6 juillet sur un succès. En 1902, on lit sur la fiche signalétique du syndicat : « Depuis sa fondation, le syndicat des ferblantiers boitiers a fonctionné d’une façon régulière, et par suite de l’union des ouvriers, les salaires ont sensiblement augmentés ».

Cependant l’arrivée de Pierre Guével au poste de président du syndicat, coïncide avec le début d’une période troublée pour la profession. L’usine Ramel avait décidé de faire fabriquer les boites de conserve à Quimper, alors que cette fabrication occupait le soudeurs en période creuse. La grève fut immédiate, et commença le 13 février 1902, dans les usines Ramell de Douarnenez et de Concarneau. Ramell, patron parisien, lointain et intransigeant ne céda pas. Son indifférence fit traîner un conflit. Le bruit courut qu’une ancienne usine Amieux, rachetée par Masson — un usiner — devait s’ouvrir pour fabriquer des boîtes à la machine, ce qui fut confirmé le 30 juin. L’usine Masson installait effectivement des sertisseuses qui fermeraient mécaniquement les boîtes. Le 14 juillet, à l’occasion de la fête de la République, cinq cents à six cents personnes se rassemblèrent salle Lozac’h. L’ambiance était assez calme, et le drapeau rouge portant pour inscription « Vive la main-d’œuvre » et « À bas les machines » fut rapidement replié. Le secrétaire du syndicat, Le Gall, rassura même le commissaire présent, il n’envisageait « aucun désordre ni hostilité à qui que ce soit ». La manifestation s’ébranla alors calmement au son de deux clairons qui ouvraient la marche. Sur le port, alors qu’on passait à proximité de l’usine Masson, en quelques minutes, sans préméditation, les ouvriers soudeurs saccagèrent le bâtiment et ses machines. Plusieurs d’entre eux furent arrêtés, puis sanctionnés par diverses peines de prison. Les dégâts considérables furent estimés à 75 000 francs. 250 000 boîtes ont été défoncées. Les ouvriers soudeurs stationnèrent longtemps sur la place du « Leurré », proche de l’usine, eux-mêmes étonnés par le geste commis. Avec des sentiments de fierté et de crainte mêlés (Lucas, 1975).

L’implantation des machines à souder, fut stoppée provisoirement en cette année 1902 à l’usine Masson, désormais célèbre. Mais elle revint rapidement à l’ordre du jour avec la persistance de la crise. Avec ces nouvelles machines, ou sertisseuses, travaillaient 300 à 400 boîtes à l’heure, quand un bon ouvrier en fermait 60 à 70… La concurrence était, pour le moins, défavorable ! Le prix de revient d’un soudage à la main était largement supérieur. Le soudage manuel d’un cent s’élevait à 2,85 F, alors que le sertissage mécanique revenait à 0,89 F.

Le syndicat subit le contrecoup de cette situation : en 1903, toute la direction syndicale avait été changée, et Pierre Guével avait été remplacé au poste de président par Jean Leblond*.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article181830, notice GUÉVEL Pierre, François, Marie par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 18 juin 2016, dernière modification le 19 juin 2016.

Par Gilles Pichavant

SOURCES : Arch. Dép. Finistère, 10 M 23 — État civil — Le Boulanger, Jean-Michel. Douarnenez de 1800 à nos jours : Essai de géographie historique sur l’identité d’une ville. Nouvelle édition [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2000 (généré le 18 juin 2016). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/pur/11283> . ISBN : 9782753526242. — Bernard Cadoret, D. Duviard, J. Guillet, H. Kérisit, Ar Vag, tome 1, voiles au travail en Bretagne Atlantique, Ed. Chasse-Marée. — Alphonse Merrheim, Les soudeurs bretons, in la Vie Ouvrière n°3, 5 novembre 1909. — Marie Hélène Durand, La crise sardinière française : les premières recherches scientifiques autour d’une crise économique et sociale <http://horizon.documentation.ird.fr...> , In : Cury Philippe (ed.), Roy Claude (ed.). Pêcheries ouest africaines : variabilité, instabilité et changement. Paris : ORSTOM, 1991, p. 26-36. ISBN 2-7099-1040-3 Groupes de Travail, 1988/12/12-17 ; 1989/06/12-17, Dakar ; Casablanca

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