DU Yutian 杜玉田

Par Alain Roux

Militant syndicaliste des mines de Kaiping (exploitées par une entreprise, alors anglaise, la K.M.A. (Kailan Mining Administration), Du Yutian joue un rôle essentiel lors de la grève de cette entreprise en octobre-novembre 1922.

Dès le début du siècle, les ouvriers de Tangshan, paysans pauvres arrachés à la terre, et les ouvriers émigrés du Sud, mécaniciens cantonais destinés à pallier la rareté de la main-d’œuvre qualifiée locale, ont créé un club. Il s’agit d’un organisme culturel avec salle de lecture, de musique et de conférence. En 1905 les Cantonais, cheminots du dépôt local du Pékin- Mandchourie (le Jingfeng), mécaniciens des mines de la K.M.A. ou de la cimenterie de Tangshan, se séparent du club des ouvriers locaux. En novembre 1912, les Cantonais de Tangshan ont fait de leur club une « Association ouvrière pour des réformes constitutionnelles » sur laquelle s’appuie une forte section du Parti du Travail (Gongdang). C’est sur cette base déjà ancienne que des mécaniciens de Canton font du club ouvrier de Tangshan vers 1921 un organisme revendicatif. Ce Club participe ainsi au premier Congrès national du travail en mai 1922 à Canton. Du Yutian et An Futing (安辅廷) sont les deux plus importants responsables du Club à cette date. Ils sont impressionnés par le succès de la grève-boycott des marins de Hong Kong en janvier-mars 1922, que les mécaniciens cantonais exilés loin de leur petite patrie semblent avoir suivie attentivement (voir Lin Weimin (林偉民)). De même, les progrès du G.M.D. dans le Sud — et précisément à Canton — contribuent à leur combativité. Le 16 octobre 1922, huit délégués ouvriers — dont quatre tourneurs et un fondeur — présentent au patronat britannique les revendications des mineurs de charbon de la K.M.A. : augmentation de salaires de 10 à 30 %, prime de fin d’année, indemnité pour les victimes des accidents du travail. Le 19, une assemblée générale des mineurs crée le syndicat des mineurs de la K.M.A. (déjà officieux depuis septembre), dont on demande au patronat la reconnaissance. Le 23, la grève commence. Un comité de grève de vingt personnes est mis en place ; Du Yutian et An Futing en sont les principaux responsables. Les grévistes sont en moyenne 25 000 mais des grèves de solidarité parmi les cheminots et les ouvriers des cimenteries portent certains jours ce chiffre à cent mille (voir Deng Pei (鄧培)) ; les lycéens de Tangshan, la Chambre de commerce locale organisent des collectes qui permettent de réunir 55 000 dollars. Le 25 octobre une grande manifestation de grévistes converge vers le siège de la compagnie aux cris de « A bas le capitalisme ! » « A bas l’impérialisme britannique ! » La police, renforcée par quelques unités des forces des seigneurs de la guerre locaux et quelques centaines de fusiliers anglais, ouvre le feu. Il y a des morts et des blessés. Du Yutian et An Futing sont arrêtés. Les autres membres du comité de grève s’enfuient à la campagne, certains avec la caisse. Le 16 novembre le mouvement, laissé à lui-même, se termine. Malgré cet échec, il semble que la compagnie, de façon unilatérale, ait consenti de très légères augmentations de salaire. Deng Zhongxia (鄧中夏) reconnaît (voir Peng Lihe (彭禮和)) que le Secrétariat du travail animé par le P.C.C., « débordé de tâches », n’a pas joué un grand rôle durant cette action. Quant aux dirigeants du mouvement sur place, comme Du Yutian et An Futing, cantonais, ouvriers qualifiés ou intellectuels nationalistes liés au G.M.D., ils semblent bien s’être peu souciés d’organiser en un ensemble cohérent la masse des mineurs d’origine locale, à basse qualification.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article181916, notice DU Yutian 杜玉田 par Alain Roux, version mise en ligne le 26 octobre 2016, dernière modification le 19 octobre 2016.

Par Alain Roux

SOURCE : Chesneaux (1962). — Deng Zhongxia (1949), p. 90-94. — Guffey (1963).

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