GAN Naiguang 甘乃光

Par Yves Chevrier

Né en 1897 dans le Guangxi ; mort en 1956 en Australie. Dirigeant nationaliste associé à la gauche du G.M.D., directeur du département paysan du G.M.D. après mars 1926, maire de Canton en 1927 puis haut fonctionnaire au service de Nankin et de Taibei.

Ancien élève des Missions, de l’Université Lingnan à Canton (où il enseignera) et de l’Université de Chicago, Gan Naiguang adhère au G.M.D. en 1924 dans la mouvance de Liao Zhongkai (廖仲愷), dont il est le secrétaire. Ami de Wang Jingwei (汪精衛) et de Chen Gongbo (陳公博), il progresse au sein du parti de Sun Yat-sen (孫逸仙) en même temps que l’aile gauche : il est secrétaire à l’Académie militaire de Huangpu (Whampoa) (voir Blücher) en 1925, élu au C.E.C. et nommé à la tête du département de la jeunesse par le IIe congrès du G.M.D. (janvier 1926). Sa nomination à la direction du département paysan (Nongminbu) après le « coup du 20 mars » (voir Borodine) résulte d’un compromis : Chiang Kai-shek ne peut méconnaître le rôle essentiel qu’y jouent les militants communistes (voir Peng Pai (澎湃), Luo Qiyuan (羅綺園), Ruan Xiaoxian (阮嘨仙)) ; le P.C.C. doit admettre dans les faits ce qu’il clame en théorie : le G.M.D. est le cadre à l’intérieur duquel les mouvements de masse sont organisés. Militant nationaliste aux principes intransigeants (il s’empresse de faire savoir qu’à ses yeux le socialisme implique harmonie sociale et unité nationale), Gan pouvait satisfaire Chiang ; homme de gauche, il pouvait également rassurer les communistes.
De fait, certains aspects de la doctrine qu’il développe à partir du printemps 1926 (la « théorie du parti nationaliste ») vont à la rencontre des thèses communistes. Le G.M.D., à ses yeux, est un parti de masse sans distinction de classes, dont l’assise essentielle est la paysannerie. Seule la gentry, dépassée par l’Histoire, doit en être exclue. Mais s’il préconise l’usage de la force en faveur des paysans en cas de conflit avec les propriétaires, Gan conçoit une paysannerie indifférenciée en raison du retard économique de la Chine. Cet argument emprunté au vieux fonds sunyatsénien (voir Sun Yat-sen (孫逸仙) et Zhu Zhixin (朱執信)) lui permet d’envisager une mobilisation populaire au service de la révolution nationale en laissant la révolution sociale des campagnes aux soins du Parti. Fondé sur une analyse économique différente (le capitalisme a déjà mordu sur les campagnes chinoises en y introduisant de nettes distinctions de classes), le modèle boukharinien qui inspire la vision du Komintern et du P.C.C. aboutit à des conclusions peu dissemblables. Un « front uni des campagnes » rassemble les classes rurales contre les seuls propriétaires hostiles au gouvernement nationaliste de Canton ; celui-ci est chargé d’appliquer et d’arbitrer une réforme agraire modérée, l’objectif étant de réduire les conflits sociaux afin de renforcer l’union nationale tout en enrôlant la « force essentielle » de la révolution chinoise : la paysannerie.
A l’été 1926, Gan fait diffuser à 50 000 exemplaires une brochure démontrant que « la paysannerie est la base de classe du G.M.D. » ; il se montre ensuite un ferme partisan du mouvement paysan et de l’alliance avec les communistes. C’est afin de renforcer cette alliance qu’il fonde à Canton, à la fin de l’année 1926, une Société de gauche, peut-être inspirée par une société du même nom fondée peu de temps auparavant par la gauche nationaliste du Hunan. Mais ni les inclinations paysannes ni les sympathies communistes de Gan ne résistent à la crise de 1927 et à l’évolution « droitière » du G.M.D. Du moins l’effervescence révolutionnaire l’inquiète-t-elle assez pour que le « moyen » (l’utilisation des communistes afin d’organiser le mouvement populaire) lui semble devenu contradictoire avec la fin (l’union nationale d’une société sans classes), ce en quoi Gan Naiguang épouse l’itinéraire typique (sympathie intéressée, défiance, hostilité, rejet) de la gauche nationaliste (voir Liao Zhongkai (廖仲愷)). Moscou et la gauche nationaliste partageaient un même objectif : ne pas abandonner à la « contre-révolution » un terrain (les campagnes) et une force (les paysans) perçus comme déterminants. En 1927, cependant, chacun des deux partenaires dirige contre l’autre ce raisonnement.
Cette remarque éclaire l’évolution ultérieure de Gan Naiguang. S’étant rapproché de Li Jishen (seigneur de la guerre du Guangxi) au début de l’année 1927, il délaisse ses fonctions au Nongminbu (mais sans démissionner) et prend part à la « normalisation anticommuniste », notamment à Canton dont il est devenu maire avant la Commune (décembre 1927). Il approuve également l’anéantissement des soviets de Hailufeng (voir Peng Pai), sans renoncer pour autant à son utopie populiste. C’est pourquoi il renoue avec ses amis de l’ex-gauche dans le G.M.D. réunifié par Chiang Kai-shek : la doctrine sociale de Chen Gongbo et Wang Jingwei lui convient mieux que le conservatisme étriqué du Généralissime. Plus que ses idées, ses liens avec les adversaires de Chiang (« réorganisateurs » conduits par Wang et Chen, clique méridionale) lui valent quelque désagrément aux débuts de la Décennie de Nankin. Délaissant la politique, il entame alors une carrière de haut fonctionnaire (vice-ministre de l’intérieur, il réagit contre le laisser-aller de la haute administration nankinoise en contraignant ses subordonnés à composer des dissertations...) qu’il achève comme ambassadeur de Chiang Kai-shek en Australie de 1948 à 1950.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article181928, notice GAN Naiguang 甘乃光 par Yves Chevrier, version mise en ligne le 25 octobre 2016, dernière modification le 25 octobre 2016.

Par Yves Chevrier

ŒUVRE : Sun Wen zhuyizhi lilun yu shiji (Théorie et pratique du sunyatsénisme), 1926. — « La paysannerie est la base de classe du G.M.D. » (brochure publiée à l’été 1926, citée in Vishnyakova-Akimova, op. cit., p. 256). — « Shei shi guomin geming de zhuli jun ? » (Quelle est la force principale de la révolution nationale ?), Zhongguo nongmin (Le Paysan chinois), n° 8, 1926. — « Yi dang jian guo » (Construire le pays à l’aide du Parti) et « Nongmin yundong chubu » (Manuel du mouvement paysan), in Zhengzhi xunyu congshu, diyiji (Séries d’éducation politique, premier recueil), sans lieu d’édition, janvier 1927.

SOURCES : Outre BH, voir : Hofheinz (1977). — MacDonald (1978). — Price (1976). — Vishnyakova-Akimova (1971). — Wilbur (1983) et Dagongbao (L’Impartial), 5 novembre 1934 (cité in Eastman (1974) p. 10).

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