GU Shunzhang 顧順章

Par Alain Roux, Yves Chevrier

Dates de naissance et de mort (?) inconnues. Chef des services de renseignement et de protection du P.C.C. pendant la clandestinité à Shanghai, passé au G.M.D. après son arrestation en avril 1931.

La personnalité et l’action de Gu Shunzhang sont encore entourées d’un épais mystère. Issu du petit peuple ouvrier de Shanghai (d’abord cheminot sur le chemin de fer Pékin-Hankou, il avait ensuite travaillé pour la manufacture chinoise de cigarettes Nanyang), il appartient à la Bande Verte, société secrète issue de la Triade qui, sous la férule du redoutable Du Yuesheng, faisait la loi dans les bas-fonds de Shanghai (voir Zhu Xuefan (朱學範)). Pendant le mouvement du 30 mai (voir Liu Hua (劉華)), Li Lisan (李立三) lui confie le service d’ordre et les piquets de grève et, s’affirmant dans ce rôle occulte, Gu devient l’un des principaux responsables communistes à Shanghai. On le dit aussi garde du corps de Borodine. Il appartient à la municipalité insurrectionnelle mise en place par les journées du 20 et du 21 mars 1927. La terreur blanche qui se déchaîne à partir du 12 avril (lui-même est arrêté mais parvient à fuir) accroît encore son importance. C’est à lui qu’incombent la protection des cadres importants du Parti, le châtiment des traîtres et des espions infiltrés par la police. Il doit également, grâce aux nombreux réseaux de renseignement communistes, prévenir les vagues d’arrestations et assurer la sécurité des réunions. Gu Shunzhang, qui a sans doute bénéficié d’un stage d’entraînement aux méthodes de l’O.G.P.U. en Union soviétique, s’accommode de la violence quotidienne qu’imposent une époque sans pitié et un certain état d’esprit lié à la vision révolutionnaire de Li Lisan. Aux côtés de Kang Sheng (康生) et de Li Kenong (李克農), il est le principal collaborateur de Zhou Enlai (周恩來), lequel, depuis son retour de Moscou à l’automne 1928, dirige les services de sécurité du P.C.C. (dits « Tewu », Département central des Affaires spéciales).
Gu dissimule ses activités sous des dehors surprenants : il a toutes les allures du mauvais garçon shanghaïen et fréquente assidûment les lieux de plaisir du « Nouveau Monde », où il exerce la profession d’illusionniste en se donnant aussi les airs d’un mage oriental. En 1930, ce bateleur, qui se fait appeler Hua Guangzhi et donne son spectacle sur les terrasses en jardin du grand magasin « Sincere » dominant Nanking Road, appartient au C.C. et est membre suppléant du B.P. Il avait été chargé du Département des communications à l’automne 1927. Sa couverture lui permet de se rendre aisément en province et d’assurer les liaisons entre le Centre à Shanghai et les soviets. Bien que Mif Pavel ait utilisé le Tewu pour réduire la « fraction ouvrière » (voir He Mengxiong (何夢雄)), Gu Shunzhang, moins habile ou plus fidèle à Li Lisan que son chef Zhou Enlai, n’est pas réélu au C.C. lors du 4e plénum du 16 janvier 1931. Il est ensuite envoyé en mission en amont du Yangzi, reconnu par un transfuge et arrêté à Hankou en avril 1931. Conduit sous bonne garde à Nankin, Gu finit par passer un marché avec Chen Lifu, chef de la police politique du G.M.D., qui l’interroge personnellement. Ses renseignements conduisent à l’arrestation de nombreux cadres à Shanghai (plus de 800), mais la plupart des dirigeants ont eu le temps de fuir, à l’exception du secrétaire général du Parti, Xiang Zhongfa (向忠發). Il reste que la trahison de Gu entraîne le démantèlement des organisations clandestines du P.C.C., des syndicats « rouges » et de la presse communiste à Shanghai. L’insécurité qui en résulte pour les dirigeants sera l’une des raisons essentielles de leur départ pour la zone soviétique du Jiangxi ; non sans s’être livrés, au préalable à de sanglantes représailles sur la famille de Gu. Un certain Wang, membre des Gardes rouges (Qiweidui) organisés par Zhou Enlai en 1928, conduisit la police à plusieurs charniers contenant les corps des victimes de l’affaire Gu Shunzhang et d’autres affaires. Il semble que l’élégant Zhou Enlai n’ait pas répugné à faire régner de cette manière terrible la « discipline de fer du Parti »

Gu Shunzhang aurait ete éxécuté en 1936 alors qu’il était soupçonné d’avoir repris des contacts avec les communistes. Frederic Wakeman confirme cette information dont il pense avoir trouvé les preuves dans les Archives du zhongtong à Taiwan (à Xindian). Chen Lifu, rencontré par lui en septembre 1988, reconnut sa responsabilité dans cette exécution, mais nia qu’il y ait eu une reprise de contact de Gu avec les communistes. Selon lui, il aurait fait exécuter un « tueur pathologique ». Divers anciens agents du juntong, interrrogés par Wakeman, pensent que Chen Lifu avait voulu faire disparaître Gu, non pour cette deouteuse reprsie de contacts avec les communistes, mais parce qu’il était passé au service de Dai Li. C’est ainsi que, dans les stages de formation des agents du juntong, Dai Li avait recommandé l’étude d’un manuel écrit par Gu Shunzhang : Tegong lilun he jishu (« La théorie et la technique des opérations spéciales »). Chen Lifu aurait donc fait assassiner un agent ennemi retourné qui avait la possibilité de fournir des renseignements d’une telle qualité au chef du juntong qu’il aurait fait ombrage au chef du zhongtong. Mao Zedong, interviewé par Edgar Snow en 1936, fait étrangement de Gu Shunzhang un « martyr » communiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article181935, notice GU Shunzhang 顧順章 par Alain Roux, Yves Chevrier, version mise en ligne le 26 octobre 2016, dernière modification le 5 novembre 2022.

Par Alain Roux, Yves Chevrier

SOURCES : Chang Kuo-t’ao (Zhang Guotao), II (1972). — Guillermaz (1968). — U.T. Hsu (1958). — Hsu Kai-yu (1968). — Kuo, II (1968). — Li Weihan in Social Sciences in China, n° 3, 1983. — Rue (1966). — Wilbur (1983). Frederic Wakeman : Spymaster : Dai Li and the Chinese Secret Service. University of California Press. Berkeley. 2003, pp 200 et 466 note 82.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable