GUO Moruo 郭沫若

Par Michel Bonnin

Né en 1892 dans le Sichuan ; mort le 12 juin 1978 à Pékin. Poète, dramaturge, nouvelliste, essayiste, traducteur, historien, paléographe. Membre du C.C. du P.C.C. (1969) et vice-président de la C.P.C.P.C. (1978).

Guo Moruo est né en 1892 dans une famille aisée du district de Leshan dans le Sichuan. Jusqu’en 1905, il reçoit une éducation traditionnelle entièrement fondée sur les classiques, qui l’aidera fortement dans ses études historiques ultérieures. Après l’abolition du système des examens mandarinaux (1905), il fait des études secondaires modernes à Jiading, Puis à Chengdu. En 1914, il part au Japon où il s’inscrit bientôt, sans grande conviction, aux cours de médecine. En 1916, il rencontre une Japonaise qui sera sa compagne pendant de longues années et lui donnera cinq enfants. La poésie et la philosophie le passionnent, il se déclare panthéiste. Ses poèmes en vers libres, très influencés par Whitman et Tagore, paraissent à Shanghai à partir de l’automne 1919. En avril 1921, il abandonne soudainement ses études pour se rendre à Shanghai où il publie un recueil de poèmes, Déesses, qui le rend célèbre et lui permet d’obtenir d’un éditeur le lancement d’un magazine littéraire. Il rentre au Japon en juillet et fonde avec quelques amis comme Yu Dafu, Zhang Ziping et Tian Han (田漢) la « Société créatrice » ou « Création », qui contribuera par ses publications à populariser les notions de « romantisme » et d’ » Art pour l’Art » et dont l’influence sera très grande malgré la brièveté de son existence (moins de deux ans).
En avril 1924, Guo commence à traduire un ouvrage d’un marxiste japonais et en mai il annonce sa conversion au marxisme-léninisme. En novembre, il s’installe avec sa famille dans la Concession Internationale de Shanghai. Il traduit beaucoup, donne quelques cours et participe au mouvement anti-impérialiste qui se développe alors. Fin 1925, il est présenté à Qu Qiubai (瞿秋白) qui l’aide à obtenir un poste de directeur du département de littérature à l’Université de Canton, où il arrive en mars 1926. Dès juillet, il est nommé directeur adjoint et chef de la section de propagande du Département politique de l’Armée nationale révolutionnaire qui est sur le point d’entreprendre l’Expédition du Nord (Beifa). En novembre il est envoyé à Nanchang auprès de Chiang Kai-shek. Après la rupture entre Chiang et les communistes (12 avril 1927), il épouse la cause de ceux-ci et participe au soulèvement de Nanchang le 1er août (voir Ye Ting (葉挺) et He Long (賀龍)), fuit vers le Guangdong et rejoint finalement sa famille à Shanghai. Sa tête étant mise à prix, il s’exile au Japon en février 1928. Jusqu’en 1936, Guo abandonnera toute activité politique et se consacrera à des recherches d’histoire et de paléographie qui lui permettront de publier une quinzaine d’ouvrages dont les plus importants sont : Études sur la société de la Chine ancienne et Études sur les inscriptions oraculaires. Il publie également plusieurs nouvelles et ouvrages autobiographiques ainsi que des traductions, dont Contribution à la critique de l’Économie Politique et l’idéologie allemande de Marx.
En juin 1936, la situation politique en Chine ayant évolué, il s’inscrit à l’Association des écrivains établie par Zhou Yang (周揚) et participe à la querelle sur le slogan de « Littérature pour la Défense Nationale ». En novembre, il demande à Yu Dafu de préparer son retour éventuel en Chine. Yu obtient l’accord des autorités nationalistes. La guerre sino-japonaise ayant éclaté entre-temps, c’est clandestinement et seul que Guo Moruo quittera le Japon en juillet 1937. Sa femme et ses enfants ne le reverront jamais puisqu’il se mariera en 1938 avec une femme plus jeune qui lui donnera également cinq enfants.
Dès son arrivée à Shanghai, il commence à écrire des articles anti-japonais dans le quotidien de gauche Jiuwang ribao (Le Salut). Fin septembre 1937, Guo part à Nankin où il est reçu par Chiang Kai-shek. Il écrit alors un article pour faire part de l’émotion que la personnalité du Chef suprême a provoquée en lui. La ferveur adoratrice qui l’anime se retrouvera plus tard dans ses poèmes sur Staline et dans ses textes écrits à la gloire de Mao Tse-tung (毛澤東). Peu après son retour à Shanghai, la ville tombe aux mains des Japonais et il est obligé de se réfugier dans la Concession française, d’où il s’échappe par bateau. Il rejoint bientôt Canton où il réussit à trouver des fonds pour la reparution du quotidien Le Salut. En janvier 1938, Guo part à Hankou où Chen Cheng lui propose de prendre la tête de la section de propagande littéraire du Bureau de la Commission des Affaires militaires, bureau qu’il dirigeait avec Zhou Enlai (周恩來) et Huang Qixiang comme adjoints. Après plus d’un mois de réflexion, Guo accepte. En octobre, c’est la chute de Wuhan : le Bureau est évacué à Changsha, puis à Guilin et enfin à Chungking où Guo arrive fin décembre. A l’automne 1940, Guo perd son poste comme bon nombre de personnalités considérées comme « trop à gauche » par le gouvernement et on lui offre une sinécure comme chef de la Commission des Affaires culturelles. Cela permet à Guo d’écrire en 1942 et 1943 cinq pièces historiques dont une consacrée au poète de la Chine ancienne Qu Yuan, puis de 1943 à 1945 de tenter une réévaluation de l’histoire de la Chine ancienne dans l’Âge du Bronze et dans Dix critiques.
Du 26 juin au 16 août 1945, il séjourne en U.R.S.S. à l’invitation de l’Académie des Sciences. En 1946, il prend part aux efforts de la « troisième force » en vue d’arriver à un accord entre Nationalistes et Communistes, puis quand toutes les tentatives d’éviter la guerre civile se révèlent infructueuses, il se consacre à des travaux d’édition de ses œuvres antérieures et va s’installer à Hong Kong qu’il quitte seulement fin novembre 1948, alors que l’armée nationaliste est déjà en pleine déroute. Guo se rend alors pour la première fois en territoire communiste, dans le Hebei.
Grâce à son prestige dans les milieux intellectuels, Guo recevra les plus grands honneurs de la part du nouveau gouvernement communiste. En 1949, il devient notamment président de la Fédération pan-chinoise des écrivains et artistes, vice-président du Conseil des affaires d’État (poste qu’il perdra en 1954) et président de l’Académie des Sciences. Depuis cette date le nombre de délégations, réceptions et congrès auxquels il a participé est impressionnant. Cependant, malgré son zèle à incarner le soutien inconditionnel des intellectuels au Parti, il n’entrera au P.C.C. qu’en 1958 et à l’Assemblée nationale qu’en 1959. Sa production poétique depuis 1949 est essentiellement consacrée à l’éloge et au culte des grands hommes comme Staline et Mao, renouant ainsi avec une tradition de la poésie chinoise que le mouvement du 4 mai avait totalement négligée. C’est sans doute un poème dithyrambique dédié à Jiang Qing (江青) en 1966, ainsi que sa surprenante autocritique du 14 avril de la même année où il reniait toute son œuvre antérieure qui ont permis à Guo Moruo de passer en toute sécurité le cap de la Révolution culturelle (il entre au C.C. lors du IXe congrès du P.C.C. en 1969). En 1971, il publie une étude sur Li Bai et Du Fu qui, si elle est contestable d’un point de vue académique, n’en témoigne pas moins de la vivacité intellectuelle de son auteur. Son flair politique ne semble pas non plus atteint par l’âge : Guo Moruo évite de participer activement au mouvement de critique de Lin Biao (林彪) et de Confucius de 1974, dirigé contre Zhou Enlai et Deng Xiaoping (鄧小平). Il en est quitte, au moment de la chute de la « Bande des Quatre » (octobre 1976), pour écrire un poème où la « chère camarade Jiang Qing » de 1966 devient un « vieux démon squelettique ». Aussi bien servi par le nouveau régime que par l’ancien, il devient vice-président de la C.P.C.P.C. en mars 1978. Il meurt entouré d’honneurs le 12 juin 1978 : son éloge funèbre est prononcé par Deng Xiaoping. Quel que soit le jugement que l’on peut porter sur telle ou telle œuvre de Guo Moruo ou sur son cynisme politique, il restera certainement dans l’histoire chinoise du XXe siècle comme un « phénomène », autant par la variété de ses talents que par sa longévité politique : aucun autre homme de lettres chinois important n’a pu comme lui traverser sans encombre ces trente dernières années.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article181939, notice GUO Moruo 郭沫若 par Michel Bonnin, version mise en ligne le 26 octobre 2016, dernière modification le 26 octobre 2016.

Par Michel Bonnin

ŒUVRE : Les œuvres principales de Guo Moruo sont les suivantes : Nüshen (Déesses) 1921. Trad. française : Déesses, Pékin, 1960. — Zhongguo gudai shehui yanjiu (Études sur la société de la Chine ancienne). — Wode tongnian (Mes années d’enfance) ; trad. française Autobiographie, mes années d’enfance, Gallimard, 1970. — Qingtong shidai (L’Âge du bronze), 1945. — Shi pipan shu (Dix critiques), 1945. — Nulizhi shidai (La période esclavagiste). — Qu Yuan, pièce de théâtre, trad. française : K’iu Yuan (Gallimard).

SOURCES : Outre BH, voir : Kouo Mo-jo (Guo Moruo) (1970). — Roy (1971).

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