BURLES Jean

Par Claude Pennetier

Né le 28 juin 1916 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 20 janvier 2018 ; ouvrier-ajusteur ; militant communiste, membre du comité central (1954-1985) ; directeur de l’Institut Maurice Thorez ; rédacteur en chef de l’hebdomadaire Révolution (1980-1985).

Regards

Le père de Jean Burles, ouvrier mineur à Gardanne (Bouches-du-Rhône) était sans appartenance politique, du moins jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, époque à laquelle il adhéra au Parti communiste. Sa mère était ménagère. Ils eurent quatre enfants dont trois fils (deux morts nés) et une fille. Jean, fut reçu au certificat d’études primaires. Il fit ensuite deux années de cours complémentaires, travaillant pendant les vacances afin de compléter quelque peu l’avoir familial. Puis il fit son apprentissage d’ajusteur et obtint son CAP.

Jean Burles travailla jusqu’en 1937, année de son départ au service militaire. Mobilisé en octobre à Toul (Meurthe-et-Moselle), il fut ensuite envoyé au 5e génie à Garchizy (Nièvre). En 1939, lors de la déclaration de guerre, il demeura sur place jusqu’à sa démobilisation le 31 juillet 1940 puis il regagna Marseille.

Avant son service militaire, Jean Burles avait fréquemment changé de place car il supportait malaisément la contrainte patronale et il a conservé souvenir du propos que son père lui tint à ce sujet : « Pourquoi changer si souvent ? Tu ne t’es donc pas aperçu que les patrons sont tous les mêmes... » Depuis 1932 environ, il avait pris, dit-il sa carte à la CGTU (dans une autobiographie il donnait la date de 1936 pour son adhésion à une organisation syndicale) et c’est fin 1935, qu’il adhéra aux Jeunesses communistes. Responsable d’un groupe, il fut invité en 1936 à suivre les cours de l’école fédérale de quinze jours. Il fut ensuite chargé d’un rayon JC puis fut lui-même instructeur.

Il était à Fourchambault (génie chemin de fer) lors de la signature du Pacte germano-soviétique qu’il défendit devant les ouvriers qui travaillaient avec lui. Dès son retour à Marseille en juillet 1940, Jean Burles reprit l’action militante. Semi-légal d’août 1940 à 1941, il fut tout d’abord responsable des JC (sous le nom de Raymond puis de René) pour les Bouches-du-Rhône puis des départements voisins : Gard, Drôme, Lozère, Ardèche. Arrêté le 23 janvier 1942 alors qu’il prenait contact avec un membre de Chantiers de jeunesse à Artoise (Gard) [par malchance, il y avait plusieurs jeunes du même nom ce qui attira l’attention sur lui], transféré au Fort Saint-Nicolas à Marseille, torturé (il refusa de donner son identité) et condamné aux travaux forcés à perpétuité le 25 avril, il fut interné au Puy-en-Velay (Haute-Loire) mais il s’en évada le 25 avril 1943 avec vingt-six prisonniers. Repris trois jours plus tard avec une partie d’entre eux, il organisa avec Théo Vial-Massat l’évasion du 1er octobre de la même année avec quatre-vingt-six détenus dont cinq militants trotskystes.
Il écrit à ce propos : note manuscrite datée du 15 mai 1954 sur son parcours pendant la guerre : « transféré en décembre à la prison du Puy, en cellule avec Corsi, d’Arles, Sirca des dockers de Marseille, Philomen Mioch, Imbert. »
Deuxième évasion
« Un gardien venant d’Eysses m’a fait savoir qu’il était à nouveau possible de s’évader. Ceci me fut confirmé par les autres cadres de Montluçon, Lyon qui avaient davantage de rapports avec lui et dont les parents venaient souvent.
Notre évasion convenue fut retardée par celle de Saint-Étienne qui avait mis la région en surveillance.
Dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1943 à minuit le gardien me remet le jeu de clé cellules et portes, un revolver. Je ne l’ai plus vu, il aurait paraît-il emporté des fonds de l’économat de la prison.
J’ai ouvert des cellules convenues puis la sortie s’est organisée. Enfermer les gardiens, miliciens, etc.
Les cadres du dehors attendaient. Nous étions 86, avec nous des trotskystes et Imbert abattus par la suite sauf un : Demazière. »

Le groupe se divisa en trois. Le sien se dirigea vers Clermont-Ferrand, précisément à Aubière. Il reprit contact avec le Parti et fut dirigé sur un maquis FTP à la limite du Puy-de-Dôme et de la Creuse puis envoyé de l’Allier pour organiser la JC. Précisons, que Burles, qui n’était pas présent au maquis de Wodli, n’eut pas de responsabilités dans l’exécution des quatre trostskystes (Pierro Tresso un des créateurs du Parti communiste italien, Abram Sadek, Pierre Salini, Jean Reboul) qui s’étaient évadés avec lui. Il n’apprendra leur destin qu’après la Libération mais garda le silence et souffrit des campagnes qui, notamment à la fin des années 1990, voulaient faire la lumière sur cet épisode dramatique. .

Il devint, en janvier 1944, responsable des JC pour la Haute-Garonne. Septembre 1944 le retrouva à Marseille et il fut de nouveau mobilisé de janvier à août 1945.

Marié en 1945 avec Yvette Alquier, née en 1921, son agent de liaison dans la résistance, Jean Burles eut trois enfants : deux filles et un garçon. Devenu permanent pendant la Résistance, il le demeura par la suite et fut élu au comité central des JC à la Libération. Il fut envoyé à Troyes (Aube) le 30 octobre 1948 en tant que délégué du comité central du Parti pour réorganiser la Fédération auboise et une nouvelle direction fut mise en place à l’issue de la conférence des 15 au 16 janvier 1949 présidée par Maurice Thorez ; Jean Burles assura alors le secrétariat de la Fédération jusqu’en 1960.

Cette crise était liée à plusieurs facteurs : l’effondrement de la Fédération, l’inaction du député et secrétaire fédéral Marcel Nöel et des affaires de cœur qui empoissonnaient la vie locale du Parti. Jean Burles s’entoura de jeunes militants issus par la majorité d’entre eux de la Résistance romillonne. Au titre de secrétaire fédéral, il impulsait les principales actions du parti dans le département, laissant néanmoins la direction du Mouvement de la paix à Maurice Camuset. Il s’occupait pour l’essentiel des affaires internes au Parti. Lors de son départ Jean Burles avait en effet partiellement rétabli la situation du Parti à l’échelon local. Cependant le centre de gravité aubois était passé de Troyes à Romilly. En effet, à partir de 1956, Jean Burles laissa progressivement la place au nouveau secrétaire fédéral Maurice Camuset.

Depuis 1954, il appartenait au comité central du Parti. De retour à Paris, il s’occupa durant sept années de l’organisation sous la direction de Georges Marchais et de 1968 à 1971, il dirigea l’École centrale de quatre mois. À la mort de Victor Joannès en 1972, il devint directeur de l’Institut Maurice Thorez qu’il contribua à faire évoluer et où cet homme agréable eut une complicité avec les jeunes historiens comme Serge Wolikow ou Roger Martelli. Ce dernier écrit : "il décida de laisser les jeunes historiens de l’époque rompre avec l’histoire officielle, celle qui avait abouti en 1964 à la rédaction du Manuel d’histoire du PCF, soigneusement relu par la Bureau politique". Lui-même prit la plume pour porter deux ouvrages marquants, en 1976 et 1979, sur le "réformisme" et le communisme dans la "société française".
Il fut rédacteur en chef de l’hebdomadaire Révolution dont le député de Marseille Guy Hermier était le directeur. Après l’échec des élections européennes de 1984, il fut de ceux qui cherchèrent à comprendre et se firent marginaliser. Retiré du Comité Central en 1985, il participa au courant refondateurs après 1989.
Il se retira avec sa femme dans les Alpes provençales. Il y mourut le 20 janvier 2018, et Yvette le 11 décembre de la même année. Il avait donné son corps dans la science.
Cet ouvrier métallurgiste autodidacte s’était affirmé comme un remarquable intellectuel de parti, sensible à l’évolution de la société et qui a marqué le milieu des historiens communistes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18197, notice BURLES Jean par Claude Pennetier, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 29 mai 2021.

Par Claude Pennetier

Regards

ŒUVRE : En collaboration, Histoire du réformisme en France depuis 1920, deux volumes, Éditions sociales, 1976. — Le Parti communiste dans la société française, ES, 1979.

SOURCES : Arch. comité national du PCF. — M. Baroin, Les Aubois et la politique sous les 3e et 4e Républiques. — Pierre Broué, Raymond Vacheron, Meurtres au maquis, Grasset, 1997. — Interview de Jean Burles, décembre 1978. — Notice du DBMOF, par Jean Maitron et Claude Pennetier. — Notes de Sylvain Boulouque. — Roger Martelli, "Jean Burles, communiste, ouvrier et intellectuel", regards.fr, 23 janvier 2018. — Le Monde, 18 décembre et 23 décembre 2018.

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