BURON Robert, Gaston, Albert

Par Gilles Morin

Né le 27 février 1910 à Paris (VIIe arr.), mort le 28 avril 1973 à l’hôpital de la Pitié (Paris XIIIe arr.) ; administrateur de société et professeur ; militant et élu démocrate chrétien puis socialiste ; membre du comité directeur du MRP, député MRP de la Mayenne (1945 à 1959), conseiller général du canton de Villaines-la-Juhel (1951 à 1970) ; maire de Villaines-la-Juhel (1953-1970) puis maire de Laval (1971-1973) ; secrétaire d’État et ministre de différents gouvernements entre 1949 et 1962 ; fondateur d’Objectif socialiste.

ministre en 1961

Fils d’Henri, Jean Buron et de Maria Guyot, Robert Buron suivit des études secondaires au lycée Henri IV à Paris puis des études supérieures à l’École des Sciences politiques, dont il sortit premier lauréat (major) en 1931. Il passa aussi un doctorat en droit la même année. Il entra à la Chambre de commerce de Paris en 1934 et travailla au service des études jusqu’en 1937, année où il devint secrétaire de la Chambre syndicale des chocolatiers. Avant l’entrée de la France en guerre, il fut chargé par Georges Mandel, ministre des Colonies, de la mise en œuvre des campagnes de propagande en faveur des produits coloniaux.

Il s’était marié le 12 juillet 1938 avec Marie-Louise Trouillard, née le 7 septembre 1910 à Cande (Maine-et-Loire) avec laquelle il eut un enfant. Ensemble ils devaient désormais résider dans le VIIe arrondissement de Paris. Il ne fit pas de service militaire, ayant été victime d’une maladie de la hanche, contactée à l’âge de vingt ans, laquelle l’avait immobilisé durant deux années, qui lui laissa une légère claudication et le conduisait à des séjours hospitaliers nombreux. En 1940, après l’armistice, sur la proposition de l’inspecteur des Finances de Carmoy, il fut nommé secrétaire général du Comité d’organisation de l’industrie cinématographique, au 92 avenue des Champs-Élysées et demeura à cette fonction jusqu’en 1944.

La carrière politique de Robert Buron commença avec la Libération et faisait suite à ses activités résistantes. Neveu du docteur Faligant, conseiller général de Craon, selon une source policière sujette à caution, il aurait appartenu avant-guerre à l’Action française ; mais Francisque Gay témoignait l’avoir connu aux groupes d’Amis du journal L’Aube où il aurait mené campagne contre les accords de Munich. Il fut toujours un catholique pratiquant. Son activité durant la guerre fut contestée à la Libération. Sous la signature de Pierre Roche, Le Canard enchaîné reproduisit le 20 février 1945 deux circulaires rédigées sous ses ordres, qui semblaient extérioriser des sentiments de dévouement au gouvernement de Vichy et contribuer à l’application dans son domaine des mesures prescrites par les lois de Vichy, notamment sur le STO et les israélites. Ces notes devaient ressortir dans des lettres confidentielles alors qu’il était ministre du général de Gaulle, en 1961. Mais il bénéficia de l’appui de résistants et de professionnels du milieu de la presse et du cinéma, comme Jacques Rebeyrol, Émilien Amaury et Francisque Gay, qui attestèrent de son engagement gaulliste et résistant de la première heure. Une enquête fut ouverte sur son attitude durant l’Occupation. Des témoignages de résistants affirmaient qu’il s’agissait de notes de circonstances pour détourner les soupçons et qu’il avait lui-même été « résistant de la première heure » au groupe de la « rue de Lille », aux côtés de son ami Émilien Amaury. Il aurait travaillé à l’Office de publicité générale, maison d’édition clandestine de la Résistance, aurait collaboré au journal France d’abord et au groupe d’études de l’OCM avec Blocq-Mascard et été l’un des rédacteurs des Cahiers du travaillisme français. Il aurait enfin logé des parachutistes américains en 1942. En mars 1944, Pierre-Henri Teitgen le chargea de mettre en place l’organisation du cinéma pour la période de la Libération. Conseiller technique auprès du ministère de l’Information en septembre 1944, avec le titre de chargé de mission, il fut directeur de la SOFIRAD et PDG de Gaumont-Actualités, fit office de secrétaire général adjoint à la radiodiffusion française. Au début 1945, il était administrateur général, délégué à la Radiodiffusion nationale.

Membre du comité directeur du MRP, Robert Buron, après avoir organisé de nombreuses réunions dans le département comme orateur principal, fut élu député de la Mayenne au titre du MRP aux deux Assemblées constituantes en octobre 1945 et juin 1946. Il appartint ensuite à l’Assemblée nationale durant toute la IVe République. Réélu député en 1958, il ne se représenta pas en 1962. Il avait été désigné président du groupe parlementaire pour un gouvernement mondial et appartint au groupe parlementaire des Amis de la Hongrie libre. Membre de la commission des Finances et vice-président du groupe parlementaire MRP en 1950, il présida l’année suivante la commission des professions indépendantes et des cadres du MRP. Il renforça sa position locale dans la Mayenne en se faisant élire conseiller général du canton de Villaines-la-Juhel à partir de 1951 puis comme conseiller municipal et maire de Villaines-la-Juhel en 1953. Il conserva ces fonctions pratiquement vingt ans. Ayant été mis en minorité dans sa propre commune lors de l’élection cantonale de mars 1970, où il devait perdre son siège à l’Assemblée départementale, il démissionna de sa mairie mais fut réélu le mois suivant.

Robert Buron, parallèlement à sa carrière politique, continua ses activités dans les domaines de la presse et du cinéma. Il fut administrateur ou président de plusieurs sociétés. Président-directeur général de Gaumont-Actualités en 1944-1947, il créa avec Félix Garas la SARL Société d’études et d’exploitation de périodiques, éditrice du journal Carrefour (en septembre 1944), devenue par la suite la SARL Carrefour. Il était co-directeur du journal Carrefour en octobre 1945, mais démissionna en janvier 1947 de la direction de la Société. Il présida encore la « Compagnie cinématographique d’actualités-les actualités du monde » et était administrateur la « Société financière du film » fondée en février 1950. Il fonda la revue Réadaptation, consacrée aux problèmes se posant aux handicapés physiques. Il était encore professeur à l’École nationale d’organisation économique et sociale en 1950. Il fut enfin administrateur de La Vie catholique illustrée durant toutes les années cinquante et soixante.

Robert Buron appartint à divers gouvernements de la IVe République. Secrétaire d’État aux Finances et aux Affaires économiques dans le cabinet Bidault (octobre 1949-juin 1 950), dans le second cabinet Queuille (juillet 1950) et le premier ministère Pleven (juillet 1950-mars 1951), ministre de l’Information dans le second gouvernement Pleven (août 1951-janvier 1952) ; il fut ensuite ministre des Affaires économiques dans les cabinets Edgar Faure (janvier-février 1952) et René Mayer (janvier-mai 1953). Au début de 1954, il était nommé président du Comité national de la productivité, poste qu’il occupa durant plusieurs années. Lorsque Pierre Mendès France fut désigné chef de gouvernement en juin 1954, il demanda à Robert Buron de participer à son cabinet. Ce dernier accepta le portefeuille de la France d’Outre-mer (20 juin 1954-20 janvier 1955), puis celui des Finances (20 janvier-5 février 1955), contre l’avis des dirigeants du MRP qui l’exclurent du groupe parlementaire, mais sans l’exclure du parti. La fédération de la Mayenne lui apporta un soutien total et il fut réintégré dans le groupe parlementaire des démocrates-chrétiens en septembre 1955. À cette époque, il devait affronter de violentes campagnes poujadistes.

Ministre dans les gouvernements du général de Gaulle, de Michel Debré puis de Georges Pompidou, à partir de juin 1958, titulaire du portefeuille du ministère des Transports, des Travaux publics et du tourisme (ce qui l’obligea à abandonner son siège de parlementaire en janvier 1959), lors du putsch des généraux d’avril 1961, il fut prisonnier en Algérie alors qu’il y était en mission, puis il participa aux négociations d’Évian et fut co-signataire des accords avec le FLN. Ses Carnets de la guerre d’Algérie constituent une source précieuse pour les historiens. Après la guerre d’Algérie, il combattit pour l’adoption du statut de l’objection de conscience réclamée par Louis Lecoin et fit de nombreux voyages en Algérie en tant que vice-président de l’Association France-Algérie.

Robert Buron démissionna de ses fonctions ministérielles le 15 mai 1962, par désaccord avec la politique européenne du général de Gaulle. Il critiquait aussi les tendances autoritaires du régime. Il ne se représenta pas au Parlement après le référendum de 1962 (laissant le siège à son ami André Davoust), jugeant ne pouvoir passer à l’opposition déclarée rapidement après avoir travaillé quatre ans auprès du général de Gaulle. Il présida le Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), faisant fonction d’ambassadeur itinérant de celle-ci de 1963 à 1967. Toujours maire et conseiller général, il conservait une forte implantation dans la Mayenne et la région : secrétaire général de l’Association des maires, il présidait la Société d’économie mixte de la Mayenne et le Comité départemental d’expansion économique et de Maine-Expansion.

S’éloignant du gaullisme, Robert Buron se rapprocha progressivement du socialisme, à partir du milieu des années soixante. Après avoir soutenu la candidature Defferre en 1965, comme entreprise de rassemblement de l’opposition, il participa à la formation du Centre démocrate de Jean Lecanuet dans son département en février 1966, entrant au bureau exécutif de la fédération. Il fonda en novembre suivant avec Jean-Pierre Prevost, ancien rédacteur en chef de Forces nouvelles le journal du MRP et Jean Mastias, ancien responsable des jeunes du MRP, le groupe de réflexion « Objectif 72 », dont il assumait la présidence. Aussi, le 19 novembre 1966, le Courrier de la Mayenne, titrait un article : « Cette fois c’est officiel : M. Buron choisit le socialisme !... » À partir des élections législatives de 1967, où il figura comme suppléant éventuel du député sortant Centre démocrate André Davoust, maire adjoint de Laval, Robert Buron se consacra plus spécialement à "Objectif 72". Ce dernier choisit officiellement le socialisme, reconnaissait indispensable la collaboration avec le PCF au sein d’un gouvernement.

Dans Le Monde du 4 février 1969, il invitait les gaullistes de gauche à rallier le nouveau parti socialiste en voie de constitution. Il le fit lui-même au congrès d’Épinay et continua son activité de réflexion comme membre du secrétariat d’Objectifs socialistes et du bureau de l’Union de la gauche socialiste et démocrate, coalition électorale du PS et des radicaux de gauche en novembre 1972. Il était premier secrétaire de la Fédération socialiste de la Mayenne à cette date. Il assumait par ailleurs une série de présidences ou de vice-présidences d’associations.

En 1971, Robert Buron fut élu maire de Laval, battant la municipalité sortante de l’UDR Francis le Basser. Depuis plusieurs années déjà, il était membre du bureau du comité d’expansion économique de productivité de la Mayenne et président de la Société d’économie mixte d’étude et d’équipement du département. En mars 1973, il mena son dernier combat politique en affrontant son homonyme Pierre Buron (UDR) qui fut élu contre lui aux législatives. Au deuxième tour, il avait bénéficié du désistement du communiste Jean Suret-Canale. Sa maladie l’avait contraint à cesser sa campagne à partir de janvier.

Il était titulaire de la médaille de la Résistance et était commandeur de l’Économie nationale et Chevalier des Palmes académiques. Il fut enterré religieusement.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18199, notice BURON Robert, Gaston, Albert par Gilles Morin, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 5 novembre 2021.

Par Gilles Morin

Robert Buron
Robert Buron
ministre en 1961

ŒUVRE : La notion de Trustee en droit anglo-saxon ; Malthus a-t-il menti ? ; Dynamisme des États-Unis ; Carnets politiques de la guerre d’Algérie ; Demain la politique ; Par goût de la vie (Le Cerf).

SOURCES : Arch. Nat., F7/15505, n° 4554 ; F/1cII/554 ; CAC, 19880221, art. 5, n° 44 b. ; CAC, 19830172, art. 116. — Arch. Ppo 66.336. — Mayenne Éclair, 1964-1966. — Combat et Le Figaro, 30 avril 1973.

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