Par Lynda Khayat
Né le 28 septembre 1920 à Varsovie (Pologne), mort le 26 janvier 2001 à Paris ; tourneur ajusteur, marchand forain, modéliste ; membre des Jeunesses communistes avant la guerre à Paris ; propagandiste clandestin du Front National, militant de l’Union de la Jeunesse Juive de Grenoble, combattant du bataillon Carmagnole-Liberté des FTP-MOI sous l’Occupation.
Fils aîné d’immigrés juifs polonais arrivés en France en 1922, dont le père était tourneur sur bois, puis marchand ambulant, il habita avec sa famille dans le XIe arrondissement, d’abord rue des Immeubles Industriels, puis rue Morand. De nationalité française par naturalisation de ses parents en août 1930, il suivit très jeune l’engagement politique de son père, administrateur et rédacteur du quotidien en langue yiddish, Naïe Presse. Au club sportif du YASK affilié à la FSGT et à la tsugubshul, patronage laïque, liés tous deux à la sous-section juive de la MOI du PCF, il reçut une éducation communiste. Tourneur ajusteur, il travaillait aux Établissements Couteaux, rue de Belleville.
Membre des JC, il rejoignit dès sa création en juin 1941 le Front National et participa dans le métro, aux terminus des autobus et aux portes des usines aux diffusions de tracts appelant à la résistance contre l’occupant. Au cours de l’été 1941, il sillonna les routes de Normandie avec sa compagne Anna Wigdorowicz, son camarade et ami d’enfance Charles Wolmark* accompagné de sa femme Marguerite. Ainsi, le 14 juillet 1941, partis pour camper à Mennecy, ils distribuèrent des tracts confectionnés par leurs soins, suspendant au croisement d’une route un drapeau français. Un mois plus tard, le 13 août 1941, il participait à une manifestation sur les Grands Boulevards à l’appel des JC clandestines, drapeau tricolore en tête, démonstration au cours de laquelle deux jeunes communistes, Samuel Tyszelmann et Henri Gautherot furent arrêtés, puis fusillés par les Allemands.
Le lendemain, Maurice Bursztyn quitta la capitale avec ses amis pour aller camper en Normandie, muni de tracts, de peinture et de pinceaux pour inscrire sur les murs des slogans hostiles à l’occupant. Il fut arrêté sur la route, le 16 août 1941, par la brigade de gendarmerie de Verneuil-sur-Avre (Eure) avisée par dénonciation anonyme que quatre cyclistes lançaient dans les rues de cette localité des papillons portant l’emblème de la faucille et du marteau. Bien qu’ils se fussent débarrassés de l’essentiel de leur matériel au cours de leur interpellation, les gendarmes saisirent sur la bicyclette de Marguerite Wolmark des papillons gommés portant des inscriptions, parmi lesquels « Front National contre l’envahisseur. Vive la France libre », « Mort aux assassins hitlériens », ou « L’armée rouge vaincra - Les Soviets partout. ». Accusé de propagande antinationale et de colportage de tracts communistes, il fut incarcéré le jour même avec ses camarades à la maison d’arrêt de Bernay. Déféré au Parquet d’Évreux (Eure) le 18 août 1941, il fut placé sous mandat de dépôt à la prison de cette ville, tandis que le substitut du Procureur général près de la Cour d’appel de Rouen requérait l’ouverture d’une information judiciaire. Le 21 du même mois, le dossier fut transmis à la Felkommandantur d’Evreux à sa demande. Après l’instruction de l’affaire, la compagne de Maurice Bursztyn ainsi que la femme de Charles Wolmark furent mises hors de cause et libérées en septembre 1941, les deux hommes ayant décidé d’assumer seuls la responsabilité des faits. Les services du ministère de la Justice avertis retirèrent la nationalité française à la famille Bursztyn à la fin du mois d’octobre 1941, acte officialisé par décret en mars 1942. Jugé par un tribunal militaire allemand, Maurice Bursztyn fut condamné avec son ami le 30 septembre 1941 à cinq ans de travaux forcés ; ils furent conduits le 2 décembre suivant au fort de Villeneuve-Saint-Georges, d’où ils réussirent à s’échapper, le 6 décembre 1941, au cours d’une évasion préparée et organisée par des droits communs. À pied, évitant les patrouilles allemandes, ils gagnèrent Brunoy, avant de rejoindre Paris. Quelques jours après leur retour dans la capitale, le père de Maurice fut extrait du camp Drancy et fusillé comme otage au Mont Valérien le 15 décembre 1941.
Muni de faux papiers d’identité, il décida avec sa femme de gagner la zone libre et ils résidèrent un temps à Morzine, où il trouva du travail. Privé de tous contacts avec le Parti communiste clandestin, il fut averti par un chef de service de la Préfecture, que des avis de recherche circulaient à Thonon portant sa photo et celle de Charles Wolmark. Il décida alors de quitter la ville avec sa femme enceinte, pour se rendre à Castres, où naquit sa fille. Au printemps 1943, la famille Bursztyn rejoignit Grenoble et Maurice alias « Justin » dans la clandestinité milita à l’Union de la Jeunesse Juive, organisation liée à la sous-section juive de la MOI du PCF, dont son ami Charles était devenu le responsable politique local et Annie Becker (Annie Kriegel), la responsable technique. Appointé par l’organisation clandestine, il fut chargé jusqu’au 24 juillet 1944 de tout ce qui concernait l’impression de la presse illégale. Au début, il s’installa dans une fermette, près de Grenoble, entre Voiron et la Buisse, où sur une ronéo en bois de sa fabrication, il tirait les textes, que Charles Wolmark lui apportait. Puis, il transféra l’imprimerie clandestine dans un local situé dans un immeuble du Bd Joseph Vallier à Grenoble, avec accès à une terrasse, ce qui lui permettait de sortir par un autre bâtiment. Maurice Bursztyn avait également bricolé la poussette de sa fille, afin qu’elle servît notamment au transport d’appels à la résistance, de tracts du MNCR, du journal clandestin Jeune Combat, organe de l’UJJ, dont il tapait les stencils. Le 24 juillet 1944, alors que Marguerite Wolmark était venue le prévenir de la possible arrestation de son mari, il se présenta dans l’après-midi chez eux, où il fut arrêté par des miliciens, à qui il réussit à fausser compagnie au cours de la perquisition opérée dans l’appartement.
Il gagna un maquis de l’AS avant de rejoindre celui du 9e bataillon des FTPF, où il avait effectué auparavant une préparation militaire d’une quinzaine de jours. Il participa à la libération des alentours de Grenoble et se distingua particulièrement dans les rangs du bataillon Carmagnole-Liberté des FTP-MOI lors de l’insurrection de Villeurbanne. Ainsi, le 24 août 1944, il organisa une barricade rue d’Alsace. Le lendemain, lors d’une violente contre-attaque allemande, il réussit à dégager son groupe sans aucune perte. Affecté le 2 septembre 1944 au 1er régiment d’infanterie alpine, il ne fut renvoyé dans ses foyers que le 20 avril 1945. Il fut nommé aspirant le 20 novembre 1952, avec prise de rang du 9 juin 1944.
Quant à son frère, Léon Bursztyn, qui quitta Paris en juin 1942 et se réfugia dans la région lyonnaise un an après, il s’engagea dans les groupes de combat de l’UJRE, qui déployaient leurs activités dans le Dauphiné. Il fut arrêté le 11 juin 1944 à Tencin (Isère). Dirigé sur Compiègne, puis transféré au camp de Drancy, il fut déporté à destination d’Auschwitz le 30 juin 1944. Rapatrié le 8 juin 1945 à Paris, il décéda quinze jours après son retour, des suites des mauvais traitements subis en captivité.
À la Libération, de retour à Paris, Maurice Bursztyn s’installa à son compte comme marchand forain, avant de devenir modéliste en 1950. Adhérent de l’Association Républicaine des Anciens Combattants et Victimes de Guerre depuis 1945, il fut un membre actif de l’Amicale du bataillon Carmagnole-liberté FTP-MOI. Croix du Combattant Volontaire 1939-1945, médaille des évadés, il obtint la carte du Combattant Volontaire de la Résistance en 1958, celle du Combattant en 1959 et celle d’interné-résistant en mai 1976. À la retraite depuis avril 1982, habitant du IVe arrondissement, il fut nommé sur proposition du Ministre des anciens combattants, Chevalier de la Légion d’Honneur, par décret du 1er avril 1983. Maurice Bursztyn mourut à Paris le 26 janvier 2001.
Sa femme, Anna, résistante FTP-MOI dans le groupe Carmagnole Liberté, mourut à 95 ans en janvier 2017. Ses obsèques eurent lieu le 13 janvier 2017 au cimetière du Père-Lachaise.
Le couple avait un fils, Guy.
Par Lynda Khayat
SOURCES : Arch. Nat., Natural. BB__ 4808 X 30 dos. Bursztyn Israël. — Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur, mémoire de proposition, Bursztyn Maurice (décret du 1er avril 1983) — Le Monde, notice nécrologique, 31 janvier 2001 — Témoignage de Maurice Bursztyn recueilli par Annette Wieviorka in Annette Wieviorka, Ils étaient juifs, résistants, communistes, Paris, Denoël, 1986, 356 p. — Annie Kriegel, Ce que j’ai cru comprendre, Paris, Robert Laffont, 1991, 839 p. — David Diamant, 250 combattants de la résistance témoignent, témoignages recueillis de septembre 1944 à décembre 1989, Paris, Éditions L’Harmattan, 1991, pp. 23-30. — Le Monde, 11 janvier 2017. — Annette Wieviorka, Ils étaient juifs, résistants, communistes, Perrin, 2018.