VUAILLAT Monique [née GAUTHIER Monique, Julia, Marie]

Par Alain Dalançon

Née le 22 mai 1941 à Bourg-en-Bresse (Ain) ; professeure ; militante syndicaliste du SNES, secrétaire adjointe du S3 de Rennes, secrétaire générale adjointe (1981-1984) puis secrétaire générale (1984-2001), co-secrétaire générale de la FSU (1999-2001) ; adjointe au maire de Grenoble (2008-2014) ; militante associative.

Monique Vuaillat
Monique Vuaillat
Dans son bureau en 1995

Sa famille était modeste : son père, ouvrier puis agent de maîtrise à EDF, militait à la CGT ; sa mère, sans profession, éleva leur trois filles dont elle était l’aînée, et travailla ensuite comme ouvrière dans l’entreprise Le Tanneur où elle devint déléguée du personnel. Après l’école primaire, Monique Gauthier poursuivit sa scolarité dans un cours complémentaire puis dans un collège technique où elle obtint le BEC (brevet d’enseignement commercial – il n’existait pas encore de baccalauréats de techniciens). Mais elle voulait être enseignante et pas secrétaire. Aussi commença-t-elle par enseigner la sténodactylo comme maîtresse-auxiliaire au lycée de jeunes filles de Saint-Claude (Jura) puis fut surveillante dans le même lycée et, tout en travaillant, prépara par correspondance un BTS (brevet de technicien supérieur) nouvellement créé. Tout en enseignant en 1963 comme MA au lycée commercial mixte Marius Berliet à Lyon, elle prépara et réussit en 1964 le concours de PTAC (professeur technique adjointe de commerce), une spécialité entièrement féminisée. Elle s’était mariée à Bourg-en-Bresse en 1963 avec Édouard Vuaillat, étudiant en sciences physiques et surveillant puis documentaliste, dont elle divorça par la suite.

Au cours de l’année suivante, Monique Vuaillat fit concrètement connaissance avec le syndicalisme, quand elle effectua une année de formation pédagogique à l’École normale supérieure de l’enseignement technique à Cachan. Syndiquée au Syndicat national de l’enseignement technique, elle découvrit l’action collective avec un groupe d’élèves-maîtres, hommes et femmes des spécialités industrielles et commerciales, pour faire reconnaître dans la carrière des PTA les cinq années d’activités professionnelles effectuées dans le privé avant leur réussite au concours. Le collectif qu’elle animait avec René Deshaies organisa pendant toute l’année diverses actions y compris auprès des parlementaires, rencontra la direction nationale du SNET alors dirigée par Louis Astre, et obtint satisfaction.

L’année 1965-1966 vit la fusion entre le SNET et le Syndicat national de l’enseignement secondaire qui aboutit à la création du Syndicat national des enseignements de second degré dans lequel elle commença à militer au lycée technique Bréquigny à Rennes (Ile-et-Vilaine), où elle fut nommée.

Elle participa activement au mouvement social en mai-juin 1968, dans la section de son établissement (S1) dont elle devint secrétaire adjointe, fut de toutes les manifestations et assemblées générales. Elle donna un coup de main à la section académique (S3) et participa à l’un des premiers stages de formation syndicale durant les vacances de la Toussaint 1968 organisé par la nouvelle direction nationale « Unité et Action », afin de rajeunir et féminiser les cadres du syndicat.

L’année suivante, en 1969, elle accéda à des responsabilités importantes au niveau académique et national. Elle devint secrétaire générale adjointe de la section académique (S3) de Rennes aux côtés de Jean-Yves Jaouen, dans une section où le courant « Unité et Action » était devenu faiblement majoritaire face à une liste « Orientation nouvelle » conduite par des militants École émancipée (Louis Bocquet et Paul Trémintin). Elle se forma au militantisme syndical à l’école de cette fonction qu’elle conserva jusqu’en 1980 : interventions au rectorat pour les affaires personnelles, notamment la défense des auxiliaires ; organisation de la vie matérielle et fonctionnement démocratique du syndicat ; mise sur pied des actions... Elle fit l’expérience d’un syndicalisme de masse, d’une vie syndicale au contact des syndiqués, de la façon dont s’élaborent collectivement les revendications, et prit conscience de l’importance du dialogue avec les parents d’élèves à l’occasion de réunions publiques.

Au plan national, elle fut élue membre de la commission administrative et suppléante au bureau, à une époque où il n’y avait que 10 femmes sur 69 membres de la CA. Elle siégea aussi comme suppléante de René Deshaies à la commission administrative paritaire nationale des PTA et participa au voyage d’étude du SNES en Tchécoslovaquie.

En 1971, elle devint membre titulaire du BN, de la CA de la FEN et commença à collaborer à la direction exécutive comme secrétaire adjointe de la commission pédagogique dirigée par Jean Petite, chargée de la formation permanente des adultes, après les accords interprofessionnels et la loi de juillet 1971. Elle commença par aller discuter sur le terrain avec les personnels de l’enseignement technique et les travailleurs de la CGT, afin de présenter dans L’Université syndicaliste des dossiers permettant de dépasser une approche théorique du rôle du service public d’éducation dans ce domaine, et faire adopter au congrès de 1973 son premier rapport. Son intervention au congrès précédent de 1972 avait montré qu’elle avait aussi parfaitement assimilé l’analyse dialectique des rapports école-société capitaliste à l’époque post-68 des grands débats sur la question.

Monique Vuaillat s’intéressa aussi beaucoup aux nouveaux moyens de communication en direction de l’opinion publique, afin de populariser les propositions du syndicat sur la démocratisation de l’école, notamment à travers les premiers films du SNES, Le droit d’apprendre et le temps d’enseigner (1971-1972) puis Pour leur avenir (1977) réalisés par des professionnels. Il fallait aussi donner sens aux intérêts convergents de toutes les catégories de personnels pour la revalorisation de leur condition et de leur métier. Combattre la démagogie du discours des tendances minoritaires « À travail égal, salaire égal », ou leur refus du concours spécial pour faire accéder les PTA au grade de certifié, concours qu’elle réussit elle-même en 1977. Il fallait enfin promouvoir l’unité d’action syndicale en élargissant les alliances, y compris avec le SGEN-CFDT et le SNC (Syndicat national des collèges) en 1978-1979 contre la réforme Haby et la politique d’austérité du gouvernement Giscard-Barre, sans se plier aux injonctions de la majorité fédérale UID (Unité, Indépendance et Démocratie) qui avait menacé le SNES d’exclusion en 1973, parce qu’il s’était joint aux actions unitaires CGT-CFDT contre les accords salariaux dans la fonction publique que la FEN avait approuvés.

Chargée à partir de 1978 avec Jean Frot, directeur des publications, d’un nouveau secteur « Action », elle joua un rôle important dans la recherche de nouveaux modes d’expression et d’action. Partant de la conviction de la nécessité d’associer en permanence les syndiqués à la définition des revendications et des actions traduites par le slogan « Faisons ensemble le syndicat qu’il nous faut », des actions de grève étaient décidées et menées ; elles étaient relayées par de grandes manifestations nationales d’un type nouveau, colorées, vivantes, médiatisées (27 janvier 1979, marche sur Paris en décembre suivant), en ayant toujours le souci de s’adresser à l’opinion publique et d’en être compris.

En 1981, dans un « collectif permanent » du secrétariat national de huit membres, elle devint secrétaire générale adjointe avec Jean Petite, aux côtés de Gérard Alaphilippe, devenu secrétaire général après la prise de retraite d’Etienne Camy-Peyret. Elle fut très active dans la mise en pratique d’un syndicalisme « constructif, actif et vigilant ». Elle participa à l’évolution et l’ouverture du programme revendicatif du SNES : assises de la vie scolaire en 1982 mettant en exergue « Changer la vie à l’école », introduction de la notion de « diversification » pour le projet d’une « École de la réussite pour tous » se substituant à la rigidité du programme d’ « École progressive ». Mais elle relaya l’indignation de professeurs quand le ministre Alain Savary, s’appuyant sur le rapport de Louis Legrand, présenta une version nouvelle du professeur de collège bivalent formé à bac + 4, au service hebdomadaire de 16 h + 5. Elle participa activement à l’organisation de la manifestation d’une forme nouvelle, pour la défense et promotion des disciplinas artistiques, débutant par un concert à la salle Pleyel en janvier 1983, suivie le lendemain d’une manifestation de rue. C’est elle qui représenta le SNES au rassemblement laïque du Bourget le 9 mai 1982, dont les espoirs furent trahis par l’abandon du SPULEN (Service public unifié de l’Ëducation nationale) en 1984. C’est elle aussi qui représenta le SNES en juin 1983 dans les manifestations « J’aime la paix ».

En 1984, Monique Vuaillat devint secrétaire générale à la suite de la maladie et de la démission de Gérard Alaphilippe, entourée au secrétariat général par Pierre Toussenel et Roger Vila. Épisode douloureux pour elle que la rupture avec le militant avec lequel elle avait longtemps collaboré et qui avait été son compagnon.

De 1984 à 2001, elle s’affirma comme la dirigeante du SNES, qu’elle incarna aux yeux des syndiqués et des médias, au point que les journalistes parlaient souvent de la « patronne » voire de la « générale » du SNES. Formule qu’elle n’appréciait guère car elle avait horreur de cette personnalisation liée à la médiatisation, dont elle se servait pourtant avec le concours d’une militante faisant fonction d’attachée de presse, Danielle Pouzache (1987-1996). Elle poussa en même temps à une transformation de la communication, grâce à un nouveau look de la presse syndicale, plus lisible et ouverte sur des sujets sociétaux, de véritables campagnes publicitaires avec affiches dans le métro et spots à la radio et au cinéma. Elle engagea également le SNES, dès le milieu des années 1980, dans la mise au point d’un système rapide d’information des syndiqués pour toutes les questions touchant à leurs carrières notamment les mutations, grâce à l’utilisation du minitel (USTEL) puis internet.

Loin de rester enfermée dans son bureau, elle avait le souci de solliciter les avis, d’écouter la base lors de tournées fréquentes dans les S1 de toutes les académies, de remettre en cause le confort d’un syndicalisme d’appareil. « Écouter, batailler, organiser, discuter, tancer, exiger, s’emballer, fédérer.... c’est simple : elle ne carbure qu’à ça » écrivait une journaliste. Dans son souci d’élargir les équipes pour rendre le travail plus collectif, le secrétariat général connut des changements. Si deux militants de la vieille garde restèrent à ses côtés jusqu’en 1999-2000 : Pierre Toussenel, expérimenté et toujours écouté, et Louis Weber, Jean-Louis Auduc passa de 1985 à 1991, puis de plus jeunes militants furent appelés à partir de 1993 pour assurer la relève : Denis Paget, François Labroille et Jean-Marie Maillard. En 1999, quand elle devint co-secrétaire générale de la FSU, elle ne fut plus porte-parole mais l’une des six membres du secrétariat général qui compta deux nouveaux jeunes supplémentaires : Bernard Boisseau et Frédérique Rolet, la seule autre femme.

Au cours du dernier quart de siècle, durant lequel elle « connut sept ministres de l’Éducation nationale » (titre de son livre paru en 2001), Monique Vuaillat imprima sa marque à toutes les luttes du SNES sur les grands thèmes complémentaires de son programme revendicatif : « école de la réussite pour tous » et « revalorisation du métier », nécessitant « l’investissement éducatif » à court et long terme.
À l’heure où la direction de la FEN plaidait pour « travailler autrement » (congrès de la Rochelle 1988), où la crise du recrutement des professeurs s’aggravait, où le ministre Lionel Jospin préparait une loi d’orientation, en restant sourd aux propositions de son syndicat, elle favorisa de nouvelles formes d’actions diversifiées, y compris la grève reconductible, qui culmina dans la plus importante manifestation nationale du SNES, le 4 mars 1989 (L’US titra « 100 000 manifestants »). Ces actions permirent de capitaliser des résultats, les plus importants depuis 1968. Après consultation des syndiqués, elle signa le relevé de conclusions qui actait l’accélération des débuts de carrière des certifiés et agrégés, la création de la hors-classe des certifiés, l’extension de l’accès à la hors classe des agrégés avec indice terminal passant de 810 à 953, l’intégration progressive des adjoints d’enseignement dans le corps des certifiés, la création de l’indemnité de suivi et d’orientation (ISO) indexée sur la valeur du point d’indice. Ces avancées étaient complétées par l’abandon de tout projet de professeur de collège et l’arrêt du recrutement des PEGC avec plan d’intégration dans le corps des certifiés. Les certifiés et agrégés devenaient en effet les seuls professeurs recrutés dans tout le second degré général et technologique, dont la formation serait assurée dans les seuls Instituts universitaires de formation des maîtres des premier et second degrés. Dans les années qui suivirent, ces résultats permirent à la syndicalisation de repartir à la hausse.
Monique Vuaillat fut aussi à la pointe du combat contre la scission de la FEN, suivie par la création de la Fédération syndicale unitaire. Elle mit d’abord toute son énergie à combattre, jusqu’au bout et par tous les moyens, y compris juridiques, l’exclusion du SNES et du SNEP de la fédération, préparée depuis plusieurs années par une poignée de responsables UID avec l’appui de responsables socialistes, car elle estimait que, quelle qu’en soit l’issue, elle affaiblirait dramatiquement le syndicalisme. En phase avec les personnels de second degré, elle ne voyait de solution, ni dans le repliement sur le seul SNES ni dans l’adhésion à la CGT. Aussi en associant les syndiqués et militants d’autres syndicats qui refusaient la scission, fut décidé de créer progressivement une nouvelle fédération, à partir des CLU (comités de liaison unitaire). Elle prit toute sa place dans ce processus et encouragea les anciens minoritaires du SNI-Pegc à constituer le SNUIPP (Syndicat national unitaire des instituteurs et professeurs des écoles et Pegc), les non-enseignants (infirmières, assistantes sociales, personnels administratifs et d’intendance) à construire de nouveaux syndicats, et le SNETAA (Syndicat national de l’enseignement technique et professionnel, action, autonome) ainsi que les militants de l’École émancipée à participer en 1993-1994 à la création de la FSU, qui s’affirma rapidement comme la fédération la plus représentative de l’Éducation nationale et de la Fonction publique d’État.

Cette réussite se construisit d’abord dans la lutte contre le projet Bayrou de modification de la loi Falloux au début de l’année 1994, qui fut retiré, puis contre le CIP (contrat d’insertion professionnel) rejeté par la jeunesse et lui aussi retiré. Le SNES se fit reconnaître comme l’interlocuteur privilégié du ministre. Des rumeurs coururent sur des prétendues relations intimes entre elle et lui, longtemps colportées, notamment par Claude Allègre. Ce dernier avait été désavoué au moment des négociations de 1989. Devenu ministre de l’Éducation nationale en 1995 dans le gouvernement Jospin, il chercha à prendre sa revanche contre le SNES et sa secrétaire générale, qu’il attaqua personnellement, pensant par là affaiblir aussi la nouvelle FSU. Cette période fut du propre aveu de Monique Vuaillat « la plus pénible » pour elle, le syndicalisme et le monde enseignant. Après avoir déclaré vouloir rompre la « cogestion », « dégraisser le mammouth », fustigé l’absentéisme des professeurs, diminué la rémunération des heures supplémentaires, le ministre se mit à dos la profession. La mobilisation des lycéens, des parents et des enseignants contre son projet du « lycée pour le XXIe siècle » et surtout contre le gel de l’emploi public auquel la FSU répliqua par 10 propositions de réforme : « le pari de l’intelligence, le pari de l’avenir », conduisirent aux grands manifestions du printemps 2000. Jospin démissionna alors son ami. La presse qualifia alors Monique Vuaillat de « tombeuse » d’Allègre.

Elle œuvra auprès de Michel Deschamps, le premier secrétaire général de la FSU, mais ils n’avaient pas exactement les mêmes conceptions de l’avenir du système éducatif, ni le même avis sur la politique du gouvernement de la « gauche plurielle » de Jospin. En mars 1999, Michel Deschamps démissionna de sa responsabilité et se présenta aux élections européennes sur la liste du PCF, parti qu’elle avait quitté depuis des années, sans y avoir vraiment milité. Ce départ fut résolu par l’association au secrétariat général de la fédération de Monique Vuaillat avec le secrétaire général du SNUIPP, Daniel Le Bret. Tandem improbable, tant les intérêts entre les deux principaux syndicats d’enseignants comportaient des divergences et les deux personnalités étaient affirmées, de sorte qu’il ne dura que neuf mois. Pierre Duharcourt, ancien secrétaire général du SNESsup, lui succéda. Puis Monique Vuaillat prit sa retraite syndicale en 2001, puisqu’elle avait atteint 60 ans.

À la direction de la FSU, elle avait allié son sens de l’écoute et de la synthèse à sa capacité à décider, comme elle l’avait fait à la direction du SNES, et elle n’hésitait pas à trancher malgré les contradictions objectives qui pouvaient exister entre les principaux syndicats (traditions, place dans le système éducatif). D’aucuns n’apprécièrent pas toujours l’autorité dont elle faisait preuve. Néanmoins, les congressistes l’ovationnèrent longuement lors de son dernier congrès de la FSU, tant elle avait marqué le syndicalisme enseignant.

Ce dont elle était la plus fière au cours de ces années : faire le constat qu’en un demi-siècle le SNES avait contribué à une démocratisation du système éducatif, certes avec ses limites, et à l’unification des recrutements et de la formation des maîtres. Son regret ? Ne pas avoir immédiatement bien apprécié la portée de la création des bacs professionnels en 1985 que le SNES qualifia de « bacs en trompe-l’œil ». Ce qui la blessa le plus ? Les réactions machistes dont elle eut à souffrir aussi bien de la part d’un ministre que de celle des dirigeants UID de la FEN voire même de certains militants du SNES et de la FSU. Elle n’avait jamais milité dans aucun mouvement féministe, mais avait toujours soutenu la lutte des femmes contre l’injustice et pour « disposer de leur avenir familial ». Elle soutint toujours la lutte des femmes contre l’injustice et les discriminations, dont elles sont encore les victimes, et chercha à faciliter et à encourager leur investissement et leur prise de responsabilité syndicale à tous les niveaux.

Monique Vuaillat avait toujours voulu conserver des heures d’enseignement dans le lycée Louise Michel de Grenoble, ville où elle avait souhaité reconstruire aussi sa vie personnelle après 1984. Elle avait d’ailleurs fait prendre la décision par le SNES d’abandonner la notion de permanent syndical et de contraindre tous les responsables syndicaux à conserver une part de leur service. Pour changer d’air, elle pratiquait l’escalade, autre école, à une autre échelle, de l’apprentissage à vaincre sa peur et la difficulté. Nommée chevalier de la Légion d’honneur en juillet 2001, elle prit sa retraite professionnelle en 2002 au grade d’agrégé d’économie et de gestion obtenu par promotion interne.

Elle s’investit alors dans la création à Grenoble de « La Maison des enseignants et de l’éducation tout au long de la vie ». Mais ce projet mûri depuis longtemps, pour permettre aux enseignants de rompre leur isolement qui était à ses yeux un des grands freins à l’innovation, ne trouva pas auprès de la nouvelle direction du SNES tout le soutien qu’elle espérait. Les relations avec elle se tendirent quand, en mai 2005, elle écrivit une tribune libre dans Libération « Pour un oui de combat » au référendum sur le traité constitutionnel, alors que le congrès du SNES venait de se prononcer contre. Elle expliquait que l’avenir devait se situer dans la construction d’une Europe basée sur des « coopérations équilibrées fondées sur le développement humain, l’écologie, sur des valeurs de justice sociale partagées » et que « Le tout ou rien dans l’action politique et sociale laisse souvent le champ libre à ce que l’on veut combattre, en France et ailleurs. »

Elle soutint Dominique Voynet, candidate des Verts au premier tour de l’élection présidentielle de 2007. Non encartée politiquement, elle fut élue l’année suivante, conseillère municipale sur la liste de gauche « Grenoble, l’avenir ensemble » conduite par le député-maire socialiste Michel Destot, et devint adjointe à l’habitat et au logement et présidente d’ACTIS en charge de l’office d’HLM. Elle retrouva alors la passion de l’action militante et de la réalisation concrète de projets en mettant en œuvre un plan ambitieux de logement social.

La liste de la majorité sortante conduite par le premier adjoint, Jérôme Safar, sur laquelle elle se représenta en 2014, fut cependant battue par celle d’Éric Piolle (écologistes et Parti de gauche) ; elle regretta de ne pas avoir réussi à convaincre de faire l’union au second tour avec la liste concurrente arrivée en tête au premier.

En 2016, Monique Vuaillat militait au sein de l’APARDAP (Association de parrainage républicain des demandeurs d’asile), une des associations organisatrices de la journée en faveur des migrants à Grenoble et pour construire des États généraux des migrations fin 2016 afin de changer le regard des citoyens sur les migrants et combattre les idées xénophobes.

Invitée au congrès national du SNES à Grenoble en mars 2016, lors de la séquence consacrée au cinquantenaire du syndicat, son intervention fut longuement ovationnée, preuve que 15 ans après son départ, la marque qu’elle avait imprimée par sa démarche syndicale n’avait pas été oubliée.

Cette femme de conviction, cette militante au caractère affirmé, volontiers qualifiée par la presse de « passionaria » du SNES, restait fidèle, avec son parler vrai, à ses valeurs : défendre avant tout la place et le rôle de la jeunesse, répondant ainsi à ses attentes pour construire l’avenir. Pour cela, elle misait sur le rôle moteur des enseignants, sans craindre de s’interroger sur leur misonéisme. Elle avait œuvré avec Denis Paget pour que le SNES s’ouvre à la recherche et à la réflexion pédagogique : ADAPT (Association pour le développement des auxiliaires pédagogiques et des technologies éducatives), groupes de recherches disciplinaires et observatoire des programmes et des pratiques, colloques... Elle attendait ainsi beaucoup du syndicalisme, un intellectuel collectif, afin qu’il soit capable à la fois de défendre des intérêts mais aussi de proposer des alternatives : « En ce sens ce syndicalisme-là est facteur de réformes et de transformations sociales » écrivait-elle.

Elle attendait aussi beaucoup de la responsabilité de la représentation nationale et souhaitait dans son livre que le ministère de l’Éducation nationale fonctionne en s’appuyant à tous les niveaux sur des Conseils dotés de véritables responsabilités associant les « principales composantes de la société (salariés, employeurs, jeunes, personnels d’éducation, parents d’élèves, élus, représentants de la recherche en éducation) ». Elle n’était pas une idéologue « orthodoxe » comme certains hommes politiques l’en accusèrent à gauche. Elle estimait que la démocratisation de l’école devait se construite sur des objectifs clairs, en tenant compte de toutes les contradictions, nécessitant donc de tenir en permanence les « deux bouts de la chaîne », car c’est dans le temps long disait-t-elle que s’inscrit la réforme de l’éducation, sans laquelle la société ne peut avancer vers plus de démocratie et de progrès.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article182070, notice VUAILLAT Monique [née GAUTHIER Monique, Julia, Marie] par Alain Dalançon, version mise en ligne le 27 juin 2016, dernière modification le 31 mai 2022.

Par Alain Dalançon

Monique Vuaillat
Monique Vuaillat
Dans son bureau en 1995

SOURCES : Arch. IRHSES (dont Congrès, CN, CA, Secrétariat général, scission FEN, L’Université syndicaliste, Revue Unité et Action, L’Enseignement public. — Arch. FSU déposées aux Arch. Nat. du monde du travail à Roubaix. — L’US Mag spéciale, « Plus de 30 ans de militantisme syndical », 2001. — Récit autobiographique, J’ai connu sept ministres de l’Éducation nationale, Plon, 2001. — Interview filmée de l’intéressée par Alain Dalançon, IRHSES, 2004. — Nombreux articles de presse dont Martine de Sauto, « Le départ de Monique Vuaillat tourne une page du syndicalisme », La Croix, 23/01/2001. — Nombreux articles, interviews et interventions de l’intéressée dans la presse, dont débat avec Alain Madelin, face à face avec Arnaud Montebourg, réaction au projet Jospin (INA), http://blog.voynet2007.fr.~— René Mouriaux, « Le syndicalisme enseignant dans le monde syndical français depuis les années 1980 », in Les enseignants dans la société française au XXe siècle, s. dir. Jacques Girault, Publications de la Sorbonne, 2004. — Notes de Danielle Pouzache.

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