Par Michel Gorand
Né le 16 avril 1918 à Sury-ès-Bois (Cher), mort le 5 juillet 2009 à Bas-et-Lezat (Puy de Dôme) ; expéditionnaire puis employé puis contrôleur (filière Inspection) puis inspecteur puis inspecteur divisionnaire ; résistant et déporté ; responsable national de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) et de l’Action catholique ouvrière (ACO) ; secrétaire général adjoint (1948-1953), puis secrétaire général (1954-1964) de la Fédération CFTC puis CFDT des cheminots, puis président de la Fédération CFDT (1965-1973) ; membre du conseil confédéral (1957-1961), puis du bureau confédéral de la CFTC puis CFDT (1961-1970) ; administrateur de la SNCF (1957-1973) ; membre du Conseil économique et social (1964-1973) ; conseiller municipal de Bas-et-Lezat (Allier) de 1977 à 1989.
D’origine berrichonne et rurale, la famille paternelle de Paul Butet tenait une ferme à Sury-ès-Bois dans le Cher. Sa mère, née dans le village voisin d’Assigny, était couturière. Les parents de Paul Butet, mariés en avril 1917, s’installèrent en octobre 1919 à Alligny-Cosne dans la Nièvre comme gérants d’épicerie. Paul y fréquenta l’école primaire puis il alla à l’école à Cosne-sur-Loire où il obtint son certificat d’études primaires puis son brevet élémentaire en 1934. Dès mars 1935, il fut embauché comme apprenti dessinateur par un architecte de Cosne. Ses parents s’étant installés comme épiciers à Billy-sur-Oisy (Nièvre), Paul Butet se fit embaucher fin 1935 par un architecte de Clamecy situé à 10 km du domicile de ses parents. Fin 1936, il fit sa demande pour entrer au PLM qui recrutait pour l’application des quarante heures et, après avoir passé un examen à Nevers, il fut embauché comme « mineur expéditionnaire à l’essai » (emploi de bureau) au dépôt de Clermont-Ferrand le 1er février 1937. Dès le 1er avril 1937, il se syndiqua à l’Union PLM de la Fédération des syndicats professionnels des cheminots de France et des Colonies affiliée à la CFTC, dont l’équipe était animée par Clément Bès. Paul Butet fut délégué de son syndicat au congrès d’Union PLM à Nîmes en mars 1938.
À son arrivé à Clermont-Ferrand, l’occasion lui fut offerte de fréquenter l’équipe de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) où il commença à militer en mai 1937. Il participa au rassemblement jociste de juillet 1937 à Paris et devint responsable fédéral de la JOC en 1938. De novembre 1938 jusqu’à octobre 1940, il effectua son service militaire au 503e Régiment de chars de combat puis, à partir d’août 1939, comme infirmier au 7e bataillon de chars légers peu avant la mobilisation générale du 2 septembre. Après avoir passé l’hiver en casernement à Verdun, il participa à la bataille dans les Ardennes en mai 1940, puis au repli et fut démobilisé en août 1940. Il travailla deux mois dans un hôpital avant d’être réadmis comme auxiliaire au dépôt de Clermont-Ferrand le 18 octobre 1940 et commissionné comme expéditionnaire le 1er mai 1941. Dès l’automne 1940, avec d’autres militants, il relança l’action de la JOC. À partir du 10 mai 1942, mis en disponibilité « sans solde » sur sa demande, il devint permanent au secrétariat national de la JOC à Sainte-Foy-les-Lyon. Il fut chargé des « groupes d’amitié » dans les Chantiers de jeunesse auprès des jeunes qui effectuaient leur « service obligatoire » ainsi que d’une région comprenant trois départements, l’Allier, la Haute-Vienne et la Creuse. Il participa à l’équipe d’animation du rassemblement des jeunes pour le 15e anniversaire de la JOC à Limoges, le 21 juin 1942, où cinq mille jeunes s’étaient retrouvés.
En novembre 1942, après l’occupation de la zone libre par les Allemands, il s’engagea dans le réseau « Charrette » comme agent 0 en 1942 puis P1 en 1943. Il fut arrêté par la police allemande le 2 août 1943 au nouveau siège de la JOC rue Paul Sisley à Lyon. Interrogé rue Berthelot, transféré d’abord au Fort-Montluc où il resta trois mois puis à Compiègne, il arriva au camp Royal-Lieu le 1er décembre. Il fut ensuite déporté à Buchenwald (Allemagne) le 12 décembre 1943 où il devint le n° 38007 et transféré à Dora le 10 janvier 1944 où il passa plus de neuf mois à travailler dans le tunnel, puis il fut affecté au bureau pour la tenue du fichier du camp. Évacué avec les autres déportés le 4 avril 1945 et transféré au camp de Bergen-Belsen, il fut libéré par les Anglais le 15 avril 1945. Paul Butet fut rapatrié par le convoi routier du 25 avril. Arrivé à Lille le 30 avril, il participa au défilé des « rescapés » sur les Champs-Élysées jusqu’à l’Arc de Triomphe le 1er mai 1945, puis il rentra dans son village de la Nièvre : il pesait 40 kg pour 1,85 m. Très vite, il reprit contact avec la SNCF pour régler sa situation car il avait été « révoqué » pour « absence illégale ». À Clermont-Ferrand, il reprit contact également avec Suzanne Chantelauze, cheminote, mais aussi présidente fédérale de la JOC, qui deviendra son épouse en avril 1947.
À partir de juin 1945, Paul choisit un engagement pour dix-huit mois à la JOC : responsable des « groupes d’amitiés » (d’action chrétienne) dans l’armée et animateur de la région JOC « Val-de-Loire », il était aussi le trésorier national de la JOC à Paris. Selon Paul Butet, « la JOC de 1937 était celle du C de l’action catholique et la JOC de 1946-1947 celle du O de mouvement ouvrier ». La campagne JOC de 1946 avait pour objectif de « lutter pour la reconnaissance du droit des jeunes travailleurs à s’organiser... pour la défense de leurs intérêts légitimes... »
Il fut réintégré à la SNCF le 1er janvier 1947 à Paris-Saint-Lazare au service régional Matériel et Traction (MT) et nommé employé avec effet du 1er juillet 1945. Il milita à la CFTC au syndicat des cheminots de Paris-Saint-Lazare et participa activement à la grève de juin 1947 comme membre du comité de grève de Saint-Lazare. Il assista à son premier congrès confédéral CFTC en juin 1947, congrès qui modifia l’article 1er des statuts. Il suivit l’école de maistrance du MT de mai-juillet 1947, en sortit premier de sa promotion et fut nommé contrôleur technique adjoint le 1er avril 1948 puis contrôleur en 1951. Au 21e congrès d’avril 1948, il fut élu au bureau fédéral avec le titre de trésorier général adjoint de la Fédération des cheminots CFTC et responsable des jeunes. Dès la rentrée 1948, il signa régulièrement dans Le Cheminot de France des articles d’actualité sous le titre « Point de vue du lampiste ». Il devint secrétaire général de l’Union Ouest au congrès de 1949 à Niort, où il présenta un rapport sur la formation économique des militants ; il fut renouvelé à ce poste lors du congrès de l’Union Ouest de mai 1951 à Rennes, le président étant Louis Bouté. En même temps son engagement dans le monde catholique se poursuivait et au premier trimestre 1950 Paul Butet participa avec, entre autres, Gérard Espéret, également à la CFTC, à la création de l’Action catholique ouvrière (ACO) qui s’adressait aux adultes, et fit partie de l’équipe nationale jusqu’en mars 1953, date à laquelle Suzanne, son épouse, prit sa suite à l’équipe nationale de l’ACO.
Lors du 22e congrès fédéral des cheminots CFTC de mai 1950, il présenta la motion de clôture et fut réélu comme trésorier général adjoint. Il participa au début de 1952, au titre du ministère du Travail, à une mission d’études et de recherche de six semaines sur la productivité aux États-Unis. Il devint permanent fédéral en mai 1952, mais aussi secrétaire général adjoint de la Fédération lors du congrès de mai 1952. Il présenta alors le rapport d’orientation qui réclamait la revalorisation des bas salaires, l’obtention d’une véritable échelle mobile et la réduction des abattements de zones. Il déclara « espérer la création prochaine d’une grande Fédération des Transports » (qui se réalisera en 1977), vœu renouvelé dans la motion générale du congrès de février 1954. À ce congrès fédéral, Paul Butet présenta également le rapport d’orientation et devint le secrétaire général de la Fédération, André Paillieux remplaçant Léon Delsert à la présidence. Dans l’éditorial du Cheminot de France suivant le congrès, il souligna « que la Fédération entend participer activement à la lutte de la CFTC contre le capitalisme, à intensifier son action pour la mise en place d’une véritable coordination des transports dans le cadre d’un organisme unique de direction associant effectivement les travailleurs à la gestion. Quant aux moyens, précise-t-il, si le congrès a refusé l’anarcho-syndicalisme, il n’en a pas moins manifesté sa volonté de non compromission du syndicalisme chrétien avec un parti politique quel qu’il soit » (une motion est votée à ce congrès sur les rapports entre syndicalisme et politique).
La grève d’août 1953 avait montré l’interdépendance des problèmes sociaux, économiques et politiques (à cette époque les salaires à la SNCF étaient fixés unilatéralement par le gouvernement) et en conséquence, avait marqué le congrès et relancé la question de l’unité d’action avec la CGT (les contacts, inexistants depuis 1949, reprirent en 1955). Le congrès décida aussi la création d’une caisse de résistance fédérale capable de verser une indemnité de grève. Paul Butet assura le secrétariat général de la Fédération de 1954 à 1964 avec les deux mêmes adjoints, André Nicolas du Sud-est pour l’action professionnelle et Maurice Dubois du Nord pour l’organisation interne. C’est à partir de 1954 que la commission du statut, organisme tripartite comprenant ministère, direction et syndicats, devint, pour plusieurs années, le lieu de discussion des salaires des cheminots. Au 25e congrès fédéral d’avril 1956, Paul Butet, réélu secrétaire général, présenta le rapport moral et d’orientation qui réclamait la nationalisation de l’ensemble des transports pour les mettre au service du public. La modernisation était l’autre point central du rapport avec ses conséquences sur la revalorisation des salaires et pensions et le retour aux quarante heures.
À partir de juillet 1957, en remplacement d’André Paillieux, et jusqu’à son départ à la retraite en juin 1973, Paul Butet siégea au conseil d’administration de la SNCF, période qui correspondait au développement de l’électrification et à la modernisation du chemin de fer. Au congrès confédéral de juin 1957, il fut élu au conseil confédéral.
En février 1958, son éditorial dans Le Cheminot de France titré « Nous savons » prenait position contre la guerre d’Algérie, contre « la violence, le terrorisme, l’assassinat, la torture » et pour la négociation. Les événements de mai 1958 entraînèrent le report du congrès des cheminots de mai à septembre. Au 26e congrès fédéral de septembre 1958, Paul Butet, réélu secrétaire général, présenta le rapport moral et d’orientation, mais également un rapport sur la « planification économique et les nationalisations » pour poursuivre un travail amorcé dans la Confédération depuis 1953 et concrétisé également à ce niveau en juin 1959 dans le rapport « Planification démocratique » de Gilbert Declercq. En 1958 et 1959, Paul Butet fit deux voyages en Algérie pour rencontrer les syndicalistes cheminots de la CFTC, puis un troisième en mars 1960 pour réorganiser l’équipe syndicale suite à l’exclusion du secrétaire général de l’Union Algérie. Lors du congrès fédéral de septembre 1960, où Paul Butet fut une nouvelle fois reconduit dans sa fonction de secrétaire général, la réforme du système des salaires de mai 1960 occupa les esprits et les débats, mais l’intervention de Paul Butet traita également des conditions de la « paix en Algérie » et de l’organisation « d’une force politique de suppléance avec tous les vrais démocrates » pour combler le vide politique. Au congrès confédéral de juin 1961, où Eugène Descamps devint secrétaire général de la confédération, Paul Butet fut élu au bureau confédéral comme conseiller technique, et les minoritaires, sept depuis le congrès de 1959, devinrent majoritaires : neuf sur seize.
En octobre 1962, le congrès fédéral le reconduisit pour son dernier mandat de secrétaire général et la plupart des interventions portèrent sur les problèmes de salaires, les retraites et les grèves. Dans la présentation de son dernier rapport de secrétaire général au congrès de janvier 1965, Paul Butet tira les premiers enseignements de l’évolution de la CFTC en CFDT chez les cheminots par une progression de 12 % des effectifs et le départ de 1 % des effectifs en 1964. Les débats sur la modification des statuts furent « sereins » selon lui et 87 % des mandats se prononcèrent pour l’évolution. Mais pour le bilan de son dernier mandat de secrétaire général, il souligna également que « le gouvernement a mis en place les commissions Massé, Toutée, Grégoire afin de faire semblant de vouloir discuter, et aussi gagner du temps sur les échéances ». En fait, pendant les quinze années où Paul Butet assura le secrétariat général, la Fédération des cheminots CFTC réalisa non seulement une évolution doctrinale mais il y eut aussi évolution des structures et prise de conscience importante des problèmes économiques et politiques. À partir du congrès de 1965, Paul Butet devint président de la Fédération des cheminots CFDT et demeura membre du bureau confédéral jusqu’à 1970. Il consacra son temps essentiellement aux problèmes économiques puisqu’il siégea au Conseil économique et social, où il avait remplacé Pierre Liénart au début 1964, jusqu’à 1973. Dans cette instance il présenta un avis sur « le marché des transports au sein de la CEE » adopté le 6 juin 1967 et publié au Journal officiel du 1er juillet, ainsi qu’un rapport sur « les transports à courte distance et l’aménagement du territoire », adopté le 24 octobre 1972 et publié au JO du 17 novembre. Il participa aux deux sessions de recherches de l’Institut régional du travail en 1965 et 1966, rassemblant syndicalistes et universitaires pour la rédaction d’une note intitulée « Pour un plan décennal des transports », qui servit de document de base à la Fédération et fit l’objet d’un rapport au congrès de 1967. En janvier 1966, Paul Butet fut nommé cadre avec le grade d’inspecteur adjoint et prit sa retraite à 55 ans le 1er mai 1973 avec le grade d’inspecteur divisionnaire.
Son parcours d’homme libre, responsable et militant lui valut diverses reconnaissances : la médaille de la Résistance en août 1946, la croix de guerre et la Légion d’honneur en février 1972. Il adhéra au Parti socialiste en Auvergne en 1973 et fut conseiller municipal dans sa petite commune d’adoption de Bas et Lezat de 1977 à 1989. À la retraite il milita à l’Union fédérale des cheminots retraités (UFR) et fut réélu conseiller UFR lors du congrès de mai 1978 ; il fut également membre du Comité départemental des retraités et personnes âgées (CODERPA) du Puy-de-Dôme au titre de la CFDT jusqu’à 1998 et il milita aussi jusqu’à 1995 à la Fédération des malades, infirmes et paralysés du Puy-de-Dôme et Allier, ce qui l’amena à siéger à la Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP). Il fut, par ailleurs, administrateur de la Caisse d’allocations familiales de l’Allier de 1984 à 1994.
Mort le 5 juillet 2009, il a été inhumé le 8 juillet 2009 dans le cimetière de Bas et Lezat (Puy-de-Dôme).
Marié en avril 1947 à Clermont-Ferrand à Suzanne Chantelauze née le 4 février 1918 à Clermont-Ferrand et morte le 24 novembre 2018 à Vichy (Allier). Inhumée avec Paul dans le cimetière de Bas-et-Lezat.
Par Michel Gorand
ŒUVRE : Souvenirs du XXe siècle, s.l., s.d. [2001], 318 p.
SOURCES : Arch. PPo, dossier RG n° 492.578. — Arch. CFDT. — Le Cheminot de France. — Correspondances avec le militant, 1999-2001. — Notes de Marie-Louise Goergen et de Georges Ribeill. — État civil.