TRÉMINTIN Paul, Louis, Alexis

Par Christian Bougeard, Alain Dalançon

Né le 4 février 1926 à Lannion (Côtes du Nord, Côtes d’Armor), mort le 27 juin 2012 à la Tranche-sur-mer (Vendée) ; professeur agrégé de grammaire ; militant École émancipée du SNES et de la FEN ; militant de la SFIO, du PSA, du PSU dans le Finistère et en Bretagne ; militant de la MGEN.

Paul Trémintin
Paul Trémintin
Congrès du SNES 1969

Le père de Paul Trémintin, Pierre Trémintin, né en 1899, cordonnier et marchand de chaussures à Lannion, était devenu représentant de Citroën à Brest (Finistère) ; sa mère, Jeanne Adam, née en 1906, était la fille d’un mécanicien qui avait ouvert le premier garage automobile à Lannion.

Paul Trémintin entra au petit lycée de Brest en classe de 10e en 1933, puis y commença ses études secondaires en 1936, en classe de 6e. En 4e, il prit l’option grec car il avait déjà décidé d’être professeur de lettres. Il termina ses études au collège de Lannion où ses parents se réfugièrent au début de la guerre. Son père, mobilisé en 1939, prisonnier en 1940, resta dans un stalag en Allemagne jusqu’en 1942. Malgré de forts sentiments gaullistes et anti-pétainistes dans la famille Trémintin, on n’y trouvait pas de militants.

Après avoir obtenu le baccalauréat série « philosophie » en 1943 à 17 ans, Paul Trémintin entama des études supérieures à la Sorbonne où il obtint une licence de Lettres en 1945, puis un diplôme d’études supérieures en 1946 consacré à la « Macette de Régnier et les autres macettes françaises ». Il commença alors à préparer l’agrégation tout en étant, en 1947-1948, délégué rectoral sur un poste d’adjoint d’enseignement au lycée de l’Harteloire à Brest puis au collège technique.
Il effectua son service militaire en 1948-1949 à Cherbourg (Manche), puis en Alsace (Colmar et Mutzig) ; il refusa d’être affecté à l’école des officiers de réserve et termina son service comme secrétaire-trésorier. Il se plaisait à dire qu’il avait tiré de cette expérience « un indéracinable antimilitarisme » transmis à ses enfants.
Il reprit le travail comme AE stagiaire au lycée de Brest, et adhéra alors au Syndicat national de l’enseignement secondaire. Titularisé AE, il se maria le 10 avril 1950 à Ploulec’h (Côtes du Nord, Côtes d’Armor), commune limitrophe de Lannion, avec Marie-Thérèse Collet, née le 8 novembre 1925, secrétaire, avec laquelle il eut quatre enfants.

Reçu à l’agrégation de grammaire en 1955 (10e sur 36), il fut affecté au lycée de Guingamp (Côtes-du-Nord, Côtes d’Armor), où il devint le secrétaire de la section (S1) du SNES. Au début de l’année 1956, il adhéra au Parti socialiste SFIO, dont la fédération des Côtes-du-Nord, avec Antoine Mazier, militait activement contre la guerre d’Algérie pourtant menée par le gouvernement du socialiste Guy Mollet.

Muté au lycée de Brest à la rentrée 1957, Paul Trémintin en devint immédiatement secrétaire du S1. Il trouva dans cette ville une section SFIO guère hostile à la guerre d’Algérie et s’opposa, au sein de la fédération du Finistère, à François Tanguy-Prigent, dirigeant historique du parti, qui soutint jusqu’en 1958 la politique gouvernementale algérienne. Il fut le seul socialiste à participer au comité Audin créé en mars 1958 dans son département avec des militants de la FEN, du SNES et du SGEN, et une cinquantaine de personnalités brestoises communistes, socialistes, progressistes, dont quatre prêtres, qui signèrent en avril 1958 un manifeste « pour la vérité, pour les libertés » et contre la torture. Il siégeait alors au comité fédéral du Finistère comme délégué des jeunesses socialistes en 1957 et 1958 selon les Renseignements généraux, mais au congrès de décembre 1957 cette fonction aurait été attribuée à Péran selon Le Breton Socialiste. Il semble cependant en avoir été encore chargé en 1958.

D’accord avec les minoritaires de la SFIO, favorable à l’indépendance de l’Algérie (article dans Le Breton Socialiste du 28 juin 1958), il ne participa pas immédiatement à la scission du Parti socialiste autonome en septembre 1958. Mais, avec son collègue André Roulleau, il créa le 16 novembre 1958, au local de l’UGS, le noyau brestois du PSA, dont Roulleau devint le secrétaire fédéral et lui-même le trésorier. Il invita les enseignants socialistes, lors du congrès départemental de la FEN, le 15 octobre 1959, à rejoindre le nouveau parti qui était bien implanté dans son lycée.

Lors des élections municipales de mars 1959, Paul Trémintin se présenta sur la liste des « socialistes de gauche » (PSA et UGS) figurant au second tour (36e sur 37) sur la liste d’union de la gauche brestoise, conduite par Robert Gravot (SFIO) et Gabriel Paul (PCF) qui n’eut pas d’élus.
Il fut ensuite un des fondateurs du Parti socialiste unifié en 1960 dans le Finistère, continua à être trésorier de sa fédération départementale puis en devint le secrétaire en 1963. Son épouse qui avait adhéré directement au PSA ne le suivit pas au PSU, tout en l’accompagnant dans les différentes manifestations auxquelles il participa. Aux élections cantonales de juin 1961, il fut candidat dans le 2e canton de Brest (7,8 %) où il fut devancé par le socialiste SFIO Robert Arnault (11,5 %). Au second tour, il se désista pour le communiste Gabriel Paul battu par l’UNR Georges Kerbrat. Aux élections législatives de novembre 1962, il n’obtint que 3,4 % des voix à Brest-1 alors que Robert Gravot en avait 10,9 % ; il se désista en faveur de Gabriel Paul à nouveau battu par l’UNR Charles Le Goasguen.

Lors de la crise interne de juin 1963, refusant « le retour à la SFIO », il défendit avec Tanguy-Prigent le texte de la motion C de Claude Bourdet et Jean Poperen, dite « unitaire », contre celle du courant B, dit du « renouveau ». Avec 75% des voix, il était majoritaire dans la fédération PSU du Finistère contre la ligne défendue par Alain Le Dilosquer.

Il fut particulièrement actif lors de la manifestation unie des syndicats ouvriers et paysans, des universitaires et étudiants dans la nuit du 20 au 21 février 1964 à Brest. Selon son témoignage : « Jusqu’ici, pour des raisons politiques, souvent confessionnelles, une certaine méfiance régnait entre les uns et les autres. Aujourd’hui tous se sentent concernés par la nécessité d’un véritable aménagement du territoire, de la décentralisation des décisions et de la lutte contre le capitalisme. »
En 1967, il prônait une stratégie unitaire de la gauche dans le Finistère avec la présentation de candidatures uniques lors des élections cantonales de septembre 1967. Aux élections législatives de mars 1967, le PSU n’avait pas présenté de candidat à Brest-1 contre le FGDS Maurice Charreteur et le PCF Gabriel Paul. Ce fut aussi le cas en juin 1968.

Paul Trémintin militait parallèlement au SNES dans la tendance des « Amis de l’École émancipée ». Toujours secrétaire de son S1, il figura en 10e position sur la liste « E » conduite par Pierre Broué qui réapparut aux élections à la commission administrative nationale en 1962. En 1964, il fut élu suppléant sur cette liste, mais en 1966, tout en figurant 10e sur la liste « E » conduite par Louis Bocquet, il ne fut pas élu dans la première CA nationale du nouveau SNES, non plus qu’en 1967, lors des premières élections au collège unique. Il était cependant secrétaire de la section départementale (S2) du SNES et siégeait à ce titre au bureau départemental de la FEN.

En mai-juin 1968, il représenta le PSU et la FEN dans les rencontres entre partis de gauche et syndicats à Brest, participa à l’organisation de toutes les manifestations et du soutien financier et alimentaire aux grévistes, en lien avec les organisations paysannes du Finistère-nord, et rallia au PSU une fraction importante du mouvement étudiant.

En 1969, il resta à l’École émancipée après l’exclusion en 1968 des Trotskistes lambertistes qui constituèrent le FUO (Front unique ouvrier), puis la création de la nouvelle tendance « Rénovation syndicale » à l’initiative de militants du PSU. Il perdit de justesse la direction du S2 du SNES au bénéfice d’un militant communiste « Unité et Action », Jean Bideau. Toujours membre de la CA et du bureau de la section académique (S3) de Rennes, il apparaissait comme un des militants les plus en vue de l’EE au plan national. En 1969, il était 6e sur la liste à la CA nationale conduite par Jean Aigoin et candidat au secrétariat de la catégorie des agrégés. Il fut ensuite élu titulaire sur la liste « École émancipée-Rénovation syndicale » en 1971 et 1973, membre suppléant du bureau national, et siégeait à la CA de la FEN. Désigné par ses camarades pour intervenir généralement sur les questions corporatives, il combattit la hiérarchie des salaires au congrès du SNES de 1973 et affirma à la CA fédérale en février de la même année, que l’EE n’était pas à l’initiative des comités d’auxiliaires mais appuyait leur action qu’elle trouvait juste. Il participa du 13 au 21 décembre 1974 au voyage de responsables du SNES en Hongrie, en notant scrupuleusement sur un cahier tout ce qu’il avait vu dans ce pays socialiste en voie de libéralisation dirigé par Yanos Kadar. Aux élections à la CA du SNES de 1975, il figura seulement en fin de liste. Il démissionna du SNES en décembre 1978 et adhéra au SGEN-CFDT seulement en septembre 1979, mais n’y prit aucune responsabilité.

Dans les années 1970, Paul Trémintin militait aussi et surtout au PSU. Membre des bureaux de la section de Brest et de la fédération du Finistère dont il était le trésorier, il participa à la création en 1971 de la fédération de Bretagne dont il devint également le trésorier. Tâche difficile tant la trésorerie du parti, dont les effectifs restaient modestes (environ 600 pour la fédération régionale en 1975), se trouvait souvent déficitaire pour confectionner les matériels de propagande (affiches, tracts, bulletins…) malgré l’organisation de collectes et de fest-noz. Il ne se cantonnait cependant pas à l’organisation matérielle du PSU dans son département et la Bretagne, et écrivit de nombreux articles et éditoriaux dans le journal fédéral, Le Combat Socialiste. Il fut aussi candidat à plusieurs reprises aux diverses élections, législatives, cantonales ou municipales, comme titulaire ou suppléant.

Il refusa toujours de suivre celles et ceux qui adhérèrent au nouveau Parti socialiste et de s’inscrire dans le processus de l’union de la gauche sur la base du Programme commun. Il signa ainsi avec deux autres militants brestois, Griveau et Le Pape, une contribution au débat pour le 9e congrès national du PSU en 1974 : « Nous opposons […] à l’ « union populaire », reposant sur les partis du programme commun, la notion plus large d’ « unité populaire », qui dépasserait la première en l’étendant en particulier aux forces se réclamant de l’autogestion. » Fidèle à cette orientation, il soutint avant le congrès de janvier 1977 les deux axes : aucun renoncement à la lutte des classes et pas question de quitter le PSU.
Il restait convaincu de la validité du projet autogestionnaire de son parti, permettant la transition vers le socialisme. Pour lui, il fallait toujours partir de l’autogestion pour enclencher un processus révolutionnaire. Méfiant par rapport aux actions décidées d’en haut, il croyait dans l’exemplarité des luttes partant de la base, comme la grève du Joint français à Saint-Brieuc en 1972 et plus encore la grève de LIP en 1973 et l’expérience autogestionnaire qui suivit : « C’est possible : on fabrique, on vend, on se paye ! » et il s’investit beaucoup dans la vente « sauvage » des montres. Cette approche le conduisait aussi à être critique par rapport à une organisation trop centralisée du parti et à militer pour le « dépérissement du national » au bénéfice des fédérations.

L’autogestion des luttes nécessitait cependant des alliances pour éviter la marginalisation du PSU dont l’influence dans les scrutins politiques restait faible. Elles ne pouvaient se construire avec les partis signataires du Programme commun ou la CGT, d’autant que Paul Trémintin insistait beaucoup sur une approche non productiviste de la croissance, que ne partageaient d’ailleurs pas complètement tous ses camarades. C’est lui qui introduisit les États généraux pour l’autogestion le 12 juin 1976 à Brest organisés avec la LCR (Ligue communiste révolutionnaire) et d’autres organisations très diverses (GID, CLIN, Groupe 75, ASF, APF, ASTI, Groupe Freinet…) qui étaient investies dans des combats pour partie communs.
L’un de ces combats était le soutien aux « comités de soldats » du contingent en 1975. Le « Comité brestois pour la libération des soldats et militants emprisonnés » rassemblait ainsi LCR, Paysans travailleurs, JEC, Objecteurs de conscience, TC, Groupe 75… Cette lutte était liée à une autre, contre le nucléaire militaire, qui fut toujours une de ses préoccupations centrales et constantes. Dès la fin des années 1960, il compta en effet parmi les créateurs et animateurs du « Mouvement contre l’armement atomique », et en 1979-1980 parmi ceux d’un « Comité de démilitarisation de Brest ».

Il était aussi un militant opposé au nucléaire civil en lien avec les CLIN (comités locaux d’information sur le nucléaire) qui se développèrent à partir de 1975-1976 contre le projet de centrale nucléaire à Plogoff, et il signa dans Le Combat Socialiste un éditorial en 1980 : « Centrales nucléaires : nous n’en voulons pas, nous n’en aurons pas ». Ce combat rejoignait celui mené par le PSU après le naufrage, en mars 1978, de l’Amoco Cadiz au large de Portsall, dans une campagne intitulée : « Mazoutés aujourd’hui, radioactifs demain ».

L’autre axe de convergence était la défense du régionalisme breton. Partant d’une analyse du rapport lutte de classes-luttes nationales-minorités nationales, du constat de la « situation coloniale de la Bretagne » et de l’autogestion comme méthode révolutionnaire, le PSU Bretagne en était arrivé à concevoir une autonomie fondée sur la notion de peuple, et une autonomie économique établie sur un autre mode de développement anti-productiviste. Au début des années 1970, le PSU breton se rapprocha donc de l’Union démocratique bretonne (UDB) qui s’inscrivait dans une mouvance socialiste, fédéraliste et autonomiste. Par la suite le parti noua des relations avec le mouvement des écoles Diwan et Paul Trémintin apprit le breton.
Les autocollants, sur les couvertures de ses cahiers de notes de la fin des années 1970, résumaient ainsi le socle de son militantisme : « Mieux vivre en Bretagne, sans pétrole ni nucléaire, projet alter breton », projet dont il fut l’un des principaux popularisateurs. Il entra à cette époque dans la Direction politique nationale (DPN) du PSU. Toujours très critique par rapport à François Mitterrand (un « pseudo-socialiste » dont le PSU avait refusé l’adhésion car « trop à droite », disait-il), il s’opposa à la participation de son parti au gouvernement en 1983, et en démissionna suite à la nomination d’Huguette Bouchardeau au ministère de l’Environnement.

Il s’investit alors beaucoup dans le CODENE (Comité pour le désarmement nucléaire en Europe) animé par Claude Bourdet, Jean Chesneaux, [Jean-Marie Muller, le général de Bollardière et Étienne Balibar. Il milita aussi au comité anti-apartheid en 1984-1985, dans la continuité de ses engagements contre la guerre d’Algérie, contre celle du Vietnam ou en faveur de la cause palestinienne.
Paul Trémintin n’adhéra à aucun parti ou organisation politique après sa démission du PSU et l’autodissolution du parti en 1989. Militant écologiste, il aurait pu rallier le parti « Les Verts » lors de sa création en 1984, mais sa position ni gauche ni droite ne lui convenait pas.

Agrégé de grammaire ayant pris sa retraite en 1986, et militant contre l’illettrisme, en 1991, en pleine polémique autour d’un projet gouvernemental de modification de quelques règles de l’orthographe, il prononça une conférence reprenant ce qu’il avait dit pour le discours de distribution des prix en 1958, se concluant ainsi : afin qu’il « ne reste pas le privilège d’une élite […], il faudrait donc laisser au français un minimum de liberté, dans un cadre bien calculé, si on ne veut pas le voir dépérir, étouffé dans des contraintes absurdes. »

Il était aussi membre de la CA de la section départementale de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale et fut responsable de son club des retraités de 1989 à 2009.
Adhérent au Groupement des campeurs universitaires depuis 1964, il occupa régulièrement et bénévolement les fonctions de trésorier lors de ses longs séjours dans les équipements de l’association. C’est lors de son passage dans un camp CGU vendéen qu’il décéda d’une crise cardiaque après une baignade.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article182219, notice TRÉMINTIN Paul, Louis, Alexis par Christian Bougeard, Alain Dalançon , version mise en ligne le 1er juillet 2016, dernière modification le 2 octobre 2020.

Par Christian Bougeard, Alain Dalançon

Paul Trémintin
Paul Trémintin
Congrès du SNES 1969

SOURCES : Arch. Nat., 581AP/109, 101, 119. — Arch. Dép.. Finistère, 145 W 129 et 130. Élections cantonales de 1961.— Le Breton Socialiste et Le Socialiste. — Ouest-France et Le Monde,1968, 1973. — Arch. IRHSES dont 8 cahiers de notes de P. Trémintin sur sa participation aux réunions du SNES et du PSU, transmis par sa famille. — Tribune-socialiste.fr/wp-content/uploads/1974. — Christian Bougeard : « Les Français et la politique du milieu des années 1950 au milieu des années 1970 en Bretagne », bulletin de l’ITHP, n°79, 2002. — Christian Bougeard, Tanguy-Prigent, paysan ministre, Presses universitaire de Rennes, 2002. — Marie Férec, L’impact de la guerre d’Algérie sur la vie politique à gauche dans le Finistère maîtrise d’histoire, UBO, Brest, 1999.— Stéphane Prat, Les élections législatives dans le Finistère (1958-1967), maîtrise d’histoire, UBO, Brest, 2002.— wwwtrémintin.com. — Renseignements fournis par son épouse et ses enfants.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable