Par Alain Dalançon
Né le 26 septembre 1901 à Villiers-le-Bel (Seine-et-Oise, Val-d’Oise), mort le 10 décembre 1961 à Montgeron (Seine-et-Oise, Essonne) ; professeur d’histoire et géographie ; militant pédagogique ; membre de la commission Langevin-Wallon ; proviseur, fondateur du lycée de Montgeron (1946-1961).
Fils d’un employé de commerce, Alfred Weiler était professeur d’histoire et géographie au lycée de garçons du Havre (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) au début des années 1930 puis à celui de Rouen ; il entra dans le cadre parisien en 1937 au lycée Rollin puis fut nommé au lycée Henri IV et au collège Sévigné. Il se maria le 18 octobre 1927 à Paris (Ve arr.).
Avec son collègue du lycée du Havre, Marcel-Etienne Ginat, professeur agrégé de sciences physiques, Compagnon de l’Université nouvelle, et quelques autres jeunes enseignants (dont André-Marc Bloch, Hélène Guénot et ses collègues du lycée de Sèvres, Marie-Anne Carroi), il participa à diverses initiatives pour changer la pédagogie des lycées et des collèges. Ils publièrent ainsi un « Plan de réforme de l’enseignement du second degré » dans la Revue de l’enseignement des jeunes filles, en diverses livraisons, au cours des années 1934-1935 et 1935-1936.
À la même époque, Alfred Weiler fut, avec Marcel-Etienne Ginat, une des chevilles ouvrières de la préparation du « Congrès pour l’étude des questions relatives à l’organisation de l’enseignement du second degré » tenu au Havre, du 31 mai au 4 juin 1936, présidé par Albert Châtelet, alors recteur de l’académie de Lille. Ce congrès de pédagogie active, organisé immédiatement après la victoire électorale du Front populaire, pendant le mouvement de grève, accueillit 300 participants : inspecteurs généraux du secondaire et du primaire, groupes de professeurs du secondaire – dont seulement quelques syndicalistes –, du primaire supérieur et du technique, des parents d’élèves et des représentants du monde de l’entreprise. Francisque Vial, directeur de l’enseignement secondaire n’y participait pas ; en revanche Gustave Monod, alors inspecteur d’académie à Paris et chargé de mission auprès du directeur de l’enseignement de second degré, fut rapporteur d’une section, le Groupe français d’éducation nouvelle semble avoir été un peu en retrait malgré la présence de son président, Paul Langevin, et l’affiliation d’Alfred Weiler à La Nouvelle Éducation.
Au cours de ce congrès, ce dernier fit quatre communications portant sur l’emploi du disque phonographique en histoire-géographie, le « problème de l’initiation sexuelle » que l’école devait prendre en charge en lien avec les familles – et une cinquième avec Ginat sur l’interdisciplinarité géographie-physique.
Il participa l’année suivante, à la fin du mois de mars 1937, à la « Semaine pédagogique » tenue à Rabat sous les auspices de la direction générale de l’enseignement public (Jean Gotteland) qui voulait être le prolongement du congrès du Havre.
Si les vœux de ce congrès (stricte limitation des effectifs des classes, établissements expérimentaux, intégration de l’éducation physique dans la vie scolaire, coordination des spécialités d’enseignement, amélioration de l’autonomie budgétaire des établissements) n’eurent pas beaucoup d’écho immédiat, ils inspirèrent des initiatives d’Albert Châtelet nommé en décembre 1936 par le nouveau ministre de l’Éducation nationale Jean Zay*, directeur de l’enseignement de second degré. En l’absence de discussion approfondie du projet de loi déposé le 5 mars 1937, proposant une profonde réforme de l’enseignement, différents décrets et arrêtés commencèrent à les mettre en œuvre : rapprochement des filières du secondaire, du primaire supérieur et des écoles pratiques par unification des programmes ; instructions sur les principales missions de l’enseignement du second degré et son contenu fondamentalement humaniste, en insistant sur les méthodes actives ; et surtout mise en place de l’expérimentation des classes 6e d’orientation.
Alfred Weiler fut associé au suivi de cette politique par Albert Châtelet qui créa immédiatement après le congrès du Havre L’information pédagogique, dont il devint le secrétaire général après le décès prématuré de Ginat, à 36 ans, en 1937.
Devenu professeur à Rouen, il devait être directeur d’une histoire de la ville du Havre, placé sous la présidence de M. Raverat, président de la chambre de commerce, à partir de documents sur la vie sociale, culturelle, religieuse réunis par Paul Logié, conservateur de la Bibliothèque municipale. Il fut aussi l’auteur avec Albert Demangeon d’un livre de géographie, Les maisons des hommes. De la hutte au gratte-ciel, publié dans la collection « La joie de connaître » aux éditions Bourrelier, dont l’introduction représentait bien ses objectifs : « Ce livre ne veut pas être une description de toutes les maisons de tous les pays du monde. [...] Nous choisissons, décrivons, présentons des images. C’est au lecteur maintenant de regarder, de réfléchir et de comprendre. »
Alfred Weiler travailla aussi aux côtés de Gustave Monod à la fin des années 1930 quand il fut nommé au lycée Henri IV, et au début de l’Occupation. Ayant refusé les responsabilités que lui proposait le gouvernement de Vichy, il dut se cacher.
À la Libération, il entra au comité de rédaction de la revue du GFEN Pour l’Ère nouvelle. Il devint conseiller technique à la direction du second degré, dont Monod venait de prendre la tête et le resta jusqu’en 1951. Il fut membre permanent de la commission Langevin-Wallon, représentant l’enseignement secondaire aux côtés de Pierre George et de Maurice Janets, et secrétaire adjoint avec Roger Gal, le secrétaire étant Jacques-Olivier Grandjouan. Il participa de bout en bout aux travaux de la commission et fit partie de la délégation conduite par Henri Wallon, qui remit le procès-verbal final au ministre le 19 juin 1947. Avec Fernande Seclet-Riou, Gal et Grandjouan, il était de ceux qui estimaient que l’examen d’entrée en sixième était inutile ; il était partisan de l’homogénéité des classes entre 11 et 13 ans, qui ne devaient comporter aucune détermination ; il exposa la problématique dans un article de L’Éducation nationale (30 mai 1946) : « L’accès à l’orientation du second degré et les problèmes de sélection et d’orientation ».
Il joua un rôle important dans la mise en place et le suivi de l’expérience des « classes nouvelles » qui devaient selon lui se généraliser. Dans les Cahiers pédagogiques, il définit les principes de cette « institution d’expérience » : les classes ont des effectifs réduits ; les enseignants forment une équipe pédagogique, avec notamment un chef d’équipe ; la discipline collective est l’affaire des élèves ; les disciplines sont envisagées depuis une éducation intégrale ; l’emploi du temps quotidien se compose d’enseignements fondamentaux le matin, et des autres apprentissages l’après-midi ; les méthodes pédagogiques utilisées sont les méthodes actives. Il milita en même temps pour l’introduction dans l’enseignement de l’ « étude du milieu », moyen par excellence de « transporter l’école dans la vie ». À la rentrée 1946, il fut nommé à la tête du nouveau lycée de Montgeron, annexe du lycée Henri IV, vitrine de l’expérience, ce lui permit d’appliquer concrètement ses idées.
En 1952, le ministère décida la fin des « classes nouvelles » en faisant mine de généraliser les dispositions pédagogiques et administratives à toutes les sixièmes et cinquièmes. Il décida en même temps leur extension aux autres niveaux dans six lycées pilotes dont celui de Montgeron qui devint autonome à la rentrée 1955. Alfred Weiler s’appliqua alors à développer dans son établissement un enseignement dont la finalité dépassait le domaine cognitif et visait une éducation de la personnalité, par une accession de l’élève à l’autonomie et à la responsabilité, la découverte des aptitudes et le développement de la sensibilité. Parmi les innovations : la cooptation des équipes de professeurs dans la plupart des classes, les fréquentes réunions de l’équipe pédagogique, les réunions parents et professeurs trimestrielles, le développement de la créativité dans les ateliers de céramique, tissage, reliure, broderie d’art, menuiserie, ferronnerie, les groupes d’activités dirigées les plus variés, de la cuisine au jeu dramatique en passant par l’imprimerie ou la philatélie et les « études du milieu » naturel et humain.
Alfred Weiler décéda avant d’avoir pu prendre sa retraite. Le collège de Montgeron porte son nom.
Par Alain Dalançon
ŒUVRE : Avec Albert Demangeon, Les maisons des hommes. De la hutte au gratte-ciel, Bourrelier, 1ère éd. 1937. — Avec Gaston Dez, L’Antiquité, classe de 6e, Avertissement de Jules Isaac. 2e édition 1955. — « Qu’est-ce que l’étude du milieu ? », Les Cahiers pédagogiques pour l’enseignement du second degré, n° 6, 1955, p. 449-452.
SOURCES : Arch. Nat., AJ/16/1593, F17/27912. — Arch. bibliothèque municipale du Havre, ms 668, 1937. — Jean-François Condette, Antoine Savoye, « Le congrès du Havre (31 mai-4 juin 1936) : Albert Châtelet et la réforme de l’enseignement du second degré », Carrefours de l’Education, n°31, 2011. — A. Weiler, « Conférence aux futurs maîtres des sixièmes nouvelles », L’Éducation nationale, n°64, 10 décembre 1945, p. 7. — Étya Sorel, Une ambition pour l’école. Le plan Langevin-Wallon (1943-1947), Ed. sociales, 1997. — Xavier Rondet, « Les origines des Cahiers pédagogiques en 1945 », Les Sciences de l’éducation - Pour l’Ère nouvelle, 2013/3 (Vol. 46). — Jean-Pierre Altounian et Marie-Odile Gaubert-Digonnet, « Les débuts du lycée de Montgeron » (témoignages), dans Michel Chancelier, Montgeron au XXe siècle, éd. Ville de Montgeron et Maury, 2001. — Bernard Zimmermann, Le Lycée de Montgeron (1946-2008) : repères pour une histoire, s.n., s.l., 2009.— Notes de Jacques Girault.