JOFFE Adolph Abramovitch

Par Yves Chevrier

Né en 1883 ; se donne la mort le 16 novembre 1927. Diplomate soviétique, signataire avec Sun Yat-sen de l’accord ayant marqué la naissance officielle du premier Front uni (26 janvier 1923).

C’est au tournant du siècle que A.A. Joffe, étudiant en médecine dont le père était un riche marchand de Crimée, prit contact avec le mouvement révolutionnaire russe. Partisan de Trotsky, il adhéra comme ce dernier au parti bolchevik à la veille d’octobre. Membre du C.C. et l’un des négociateurs de Brest-Litovsk, il fut l’ambassadeur de la République des Soviets en novembre 1918 dans une Allemagne secouée à son tour par la révolution. Bien que moins occulte que celui d’un Radek, son rôle auprès du mouvement ouvrier allemand n’en fut pas moins des plus importants. Il put ainsi s’affirmer comme l’un de ces « révolutionnaires diplomates » qui, de Tchitchérine à Litvinov (en passant par Karakhan), marquèrent le Commissariat aux Affaires étrangères léninien.
Mariant une rhétorique révolutionnaire nouvelle à des considérations souvent traditionnelles, la diplomatie soviétique devait connaître son plus grand succès en Chine où fut expérimenté pour la première fois, avec le G.M.D. de Sun Yat-sen (孫逸仙), un type d’alliance qui continue d’inspirer la politique de l’U.R.S.S. à l’égard des « mouvements de libération » du Tiers monde. Joffe fut l’un des principaux artisans de cette tentative réussie au cours d’une mission qu’il accomplit en Chine et au Japon en 1922-1923.
La mission Joffe (commencée à l’automne 1922) avait pour but essentiel la négociation d’un traité entre l’Union soviétique et la Chine par quoi Moscou espérait obtenir la reconnaissance de Pékin tout en réaffirmant ses intérêts traditionnels en Mongolie et sur le chemin de fer de l’Est chinois (malgré la déclaration Karakham du 15 juillet 1919 qui renonçait aux privilèges et ambitions de la diplomatie tsariste en Chine). Le gouvernement pékinois s’étant fait tirer l’oreille, c’est Karakhan qui devait signer le traité en mai 1924. En revanche, après s’être entretenu avec Sun Yat-sen à Shanghai, Joffe signait le 26 janvier 1923 une déclaration par laquelle Moscou annonçait son intention de collaborer avec le gouvernement de Sun tout en reconnaissant la prépondérance nationaliste sur le mouvement révolutionnaire chinois. La déclaration Sun-Joffe sanctionnait les efforts de Maring, principal avocat de l’alliance P.C.C./G.M.D. par quoi le rapprochement entre Moscou et Canton se traduisit jusqu’à la crise de 1927. Les détails de l’alliance furent réglés sans tarder, notamment par Joffe lui-même, qui rencontra Liao Zhongkai (廖仲愷) au Japon après avoir quitté Shanghai. Peu après son retour à Moscou, les premiers « sovetniki » (conseillers soviétiques, voir Borodine, Blücher) arrivaient à Canton tandis que Chiang Kai-shek prenait la route de Moscou.
Joffe négocia secrètement avec le gouvernement japonais en 1923. Il fut ambassadeur en Autriche avant de prendre le parti de son ami Trotsky contre Staline et Boukharine après 1925. Personnalité hypersensible et fragile (il s’était fait psychanalyser par Adler et avait introduit Trotsky au freudisme), il ne put supporter l’exclusion et la déportation du fondateur de l’Armée rouge. Après son suicide (16 novembre 1927), les derniers rescapés de l’Opposition, rassemblés à ses obsèques, le firent passer pour le premier martyr du stalinisme. Ce fut leur dernière manifestation publique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article182314, notice JOFFE Adolph Abramovitch par Yves Chevrier, version mise en ligne le 2 novembre 2016, dernière modification le 2 novembre 2016.

Par Yves Chevrier

SOURCES : Le texte de la « Déclaration Sun-Joffe » est donné in Brandt, Schwartz et Fairbank (1966), p. 70-71. — Carr, Socialism in One Country, vol. 1 et Foundations of a Planned Economy, vol. II. — Jordan (1967). — Lazitch et Drachkovitch (1973). — Leong Sow-theng (1976). — Medvedev (1971). — North (1953). — North et Eudin (1957). — Whiting (1954).

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