LI Da 李達

Par Yves Chevrier

Né le 2 octobre 1890 dans le xian de Lingling, Hunan ; mort le 24 août 1966 à Pékin. Membre fondateur du P.C.C. Président de l’Association de philosophie et de l’Université de Wuhan. Éliminé au commencement de la Révolution culturelle.

L’un des vétérans du P.C.C., Li Da fut une victime de choix des Gardes rouges. Sociologue tôt venu au marxisme, il avait tourné au philosophe dogmatique. Malgré les bons services qu’il avait rendus à la cause en instruisant dans les années 1950 quelques procès « philosophiques » célèbres contre des intellectuels non conformistes, l’appareil du Parti menacé par la Révolution culturelle l’abandonna d’entrée de jeu à la vindicte des Gardes rouges. Il n’est pas étonnant que l’actuel régime anti-maoïste ait réhabilité ce parangon d’orthodoxie (septembre 1978).
Entré en 1909 à l’École normale supérieure de Pékin, Li Da (qui était issu d’une famille de fermiers hunanais) acheva ses études de sociologie au Japon. Il en revint marxiste, et prit contact avec le cercle d’intellectuels révolutionnaires qui formaient le « petit groupe » (xiaozu) de Shanghai autour de Chen Duxiu (陳獨秀). Il fut chargé d’organiser la propagande et dirigea le Gongchandang Yuekan (Le mensuel du P.C.) à partir de novembre 1920. La mission de la revue était de répandre le marxisme-léninisme. Après le départ de Chen Duxiu pour Canton, Li Da était sans doute, avec Li Hanjun (李漢俊) et avant Chen Wangdao (陳望道), le meilleur marxiste de Shanghai dont il représenta le « groupe » lors du congrès qui établit formellement le P.C.C. en juillet 1921. Par la suite, il mit sa plume au service d’une cause plus vaste, celle de la révolution « nationale », dans les colonnes de Xin Qingnian (La Jeunesse) puis de Xiangdao (Le Guide), hebdomadaire communiste dirigé par Cai Hesen (蔡和森). Mais dès 1923, le militant s’effaçait devant le professeur. Recteur de plusieurs universités jusqu’en 1949, Li Da professa un apolitisme qui devait le situer en marge du P.C.C., bien qu’il n’ait pas renoncé à son appartenance. Ni au marxisme : ses ouvrages de sociologie témoignent d’un souci d’édification autant que d’information. Telle, par exemple, cette Xiandai shehuixue (Sociologie moderne) qu’il publie à Shanghai en 1929.
La « transition » de 1949 ne bouleverse en rien sa carrière universitaire. Dès septembre, il devient président de l’Université de Wuhan et membre du Conseil pour la réforme de la langue écrite. Il préside également l’Association de Philosophie au sein de laquelle, cependant, son second Ai Siqi (艾思奇) exerce le pouvoir réel au nom du Parti. Il consacre plusieurs ouvrages à l’exégèse de la pensée maoïste mais se fait surtout remarquer par la virulence de ses attaques contre Hu Shi. Cette contribution dogmatique à la mise au pas des intellectuels lui vaut d’être dénoncé lors du dégel des Cent Fleurs (printemps 1957) : péripétie sans importance puisque le Parti a tôt fait de prendre la défense de ses loyaux zélateurs... Lui-même contre-attaque en s’en prenant, à travers Fei Xiaotong (費孝通), à la sociologie « idéaliste », c’est-à-dire non marxiste. Mais dans la situation plus périlleuse de l’été 1966, lorsque la Révolution culturelle quitte les comités feutrés de Pékin pour les écoles, les « vieux bonzes » n’hésitent pas à sacrifier les plus exposés de leurs serviteurs. Violemment dénoncé en juillet-août par une campagne de « dazibao » affichés sur les murs de son université, Li Da est attaqué par le Quotidien du peuple pour ses activités « anti-parti ». La campagne prend de l’ampleur en août, alimentée par une démarche qu’il aurait effectuée, le 19 juillet, auprès de Mao Tse-tung (毛澤東). Il meurt le 24 août, après avoir été sauvagement battu par les Gardes rouges. La publication de ses Œuvres en 1980-81 a suivi de peu la réhabilitation de 1978.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article182328, notice LI Da 李達 par Yves Chevrier, version mise en ligne le 8 novembre 2016, dernière modification le 8 novembre 2016.

Par Yves Chevrier

ŒUVRE : Xiandai shehuixue (Sociologie moderne), Shanghai, 1929. — Xuexi Mao Zedong tongzhi de « shijian lun » (Étude sur « De la pratique » du camarade Mao Tse-tung), Shanghai, 1951. — Hu Shi fandong sixiang pipan (Critique de la pensée réactionnaire de Hu Shi), Hankou, 1955. — « Pipan Fei Xiaotong de maiban shehuixue » (Critiquons la sociologie compradore [ie mercantile ou cosmopolite] de Fei Xiaotong), in Zhexue yanjiu (Études philosophiques), V, 15 octobre 1957. — Zhonghua renmin gongheguo xianfa jianghua (Remarques sur la constitution de la R.P.C.), Pékin, 1956. — Deux copieux volumes d’Œuvres (Li Da wenji, Pékin, 1980-81) rassemblent une abondante production dont la partie la plus intéressante, celle des années 1920, constitue l’essentiel du tome I.

SOURCES : Outre BH, voir Cadart/Cheng (1983) et Dittmer (1974) ainsi que la biographie détaillée qui figure en tête du tome I des Wenji (supra).

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